L administration des magistrats et leur indépendance - article ; n°1 ; vol.13, pg 44-65
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Description

Revue française de science politique - Année 1963 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 44-65
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur André Holleaux
L'administration des magistrats et leur indépendance
In: Revue française de science politique, 13e année, n°1, 1963. pp. 44-65.
Citer ce document / Cite this document :
Holleaux André. L'administration des magistrats et leur indépendance. In: Revue française de science politique, 13e année, n°1,
1963. pp. 44-65.
doi : 10.3406/rfsp.1963.392703
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1963_num_13_1_392703L'Administration des Magistrats
et leur Indépendance
ANDRE HOLLEAUX
CE qu'on A coutume d'appeler la « réforme judiciaire » est
entré en application le 1er mars 1959. Les textes qui la cons
tituaient avait été élaborés au cours de journées et de nuits
d'intense labeur sous la direction du Garde des Sceaux, à l'époque
M. Michel Debré. Ils réalisaient, sous réserve de certaines options,
ce que, pendant des dizaines d'années, on n'avait cessé de prôner
dans les livres et les discours. Cette réforme a modifié profondé
ment la structure des tribunaux d'instance et de grande instance
et étendu la compétence des cours d'appel. Mais en fin de compte,
les cadres ont moins d'importance que les hommes, les juridictions
comptent moins que les magistrats. Ce sont ces derniers qui en
définitive animent les institutions ; leur comportement commande
en réalité le fonctionnement de toute la machine judiciaire. La
réforme a apporté des améliorations incontestables au statut des
magistrats, mais elle reste bien timide si l'on songe au rôle eminent
du magistrat dans la nation et à la situation inférieure qui est
encore la sienne dans la société. La sélection des magistrats pour
les divers postes de la hiérarchie, l'administration des effectifs et
l'indépendance des juges posent de délicats problèmes sur lesquels
le présent article fournit quelques éléments de réflexion.
L'administration des magistrats par rapport à celle des fonc
tionnaires présente des particularités fondamentales. On connaît
la principale : l'inamovibilité des juges qui garantit leur indépen
dance. Un juge ne peut être nommé, affecté, déplacé, promu qu'avec
son consentement formel et contemporain à l'acte. Les membres du
Parquet ne sont pas inamovibles mais, si on va au fond des choses,
ils sont traités, peu ou prou, comme leurs collègues du Siège. La
u L'Administration des Magistrats
mutation d'office d'un procureur est un événement très rare. Ce
n'est pas sans difficulté qu'on administre 5 000 personnes dont il
faut connaître exactement les aptitudes pour mettre chacun au
poste qui lui convient. Un juge qui se distingue au Siège peut être
piètre à l'Instruction ; des conseillers de cour d'appel décevraient
s'ils devaient diriger un tribunal ; un chef de tribunal mauvais
juriste ferait triste figure dans une cour.
La Chancellerie est essentiellement renseignée par les chefs de
cour. Il y a donc vingt-sept relais à travers la France, autant que
de ressorts. Les chefs de cour se renseignent eux-mêmes auprès
des chefs de tribunaux pour les magistrats qui en dépendent et
confrontent ensuite les divers points de vue exprimés. Tous ces
chefs sont censés connaître leurs équipes et dresser autant de
portraits ressemblants qu'ils ont de ressortissants. A la Chancell
erie de définir la politique à suivre et de péréquer les notations
régionales. Le Conseil supérieur de la magistrature assiste le
ministre dans cette tâche pour le siège. Le système est cohérent,
mais, à l'épreuve, le rendement est faible.
En bas et au sommet de tout corps, il y a des individus dont
on n'est pas embarrassé pour dessiner la carrière. Les magistrats
d'élite, dès qu'ils s'élèvent au-dessus de l'horizon, sont connus et
classés ; leur nom est désormais familier et on sait où et quand les
placer. Les médiocres ont aussi leur légende ; elle les fixe à jamais
aux étages inférieurs. Mais à ces extrémités de l'échelle, les effectifs
sont minimes. Entre ces marges étroites s'interpose une masse où
coexistent toutes les variétés d'intelligence, de savoir et de caract
ère. Il y a des hommes d'avenir trop jeunes pour commander ; des
indolents qui ont pu dissimuler habilement leur état ; d'autres qui
n'ont pas encore donné le meilleur d'eux-mêmes, à défaut d'occa
sions propices ; tels enfin qu'un climat embrunit et qu'une autre
province revigorerait ; tels, enfin, qui meurent de consomption dans
une fonction sans saveur et qu'un autre poste exalterait.
Les chefs de cour, les chefs de tribunaux perçoivent-ils ces
nuances ? Dans l'ensemble ils manifestent une excessive réserve ;
une sorte de politesse raffinée retient le supérieur de déclarer crû
ment ses sentiments sur l'inférieur. Les dossiers ruissellent de
propos élogieux et le vocabulaire des annotations se limite aux
mots les plus aimables ou les plus fleuris de la langue. Pour percer
la vraie pensée, on doit déceler certains signes devenus d'ailleurs
conventionnels : un adverbe intempestif, une chaleur contenue, la André Hoïleaux
brièveté d'une observation dénotent alors la moindre considération
dont jouit l'intéressé auprès de ses chefs. Une sorte de langage
« codé » s'est ainsi répandu. En présence de ces étalages officiels
de vertus, la Chancellerie est moins émue qu'embarrassée ; elle
est généralement trop prévenue pour ne pas tenter de compléter sa
documentation. Les notateurs s'offrent d'eux-mêmes à l'aider. Ils
viennent dans les bureaux pour toutes confidences utiles ou remet
tent ce qu'en terminologie diplomatique on appelle des notes ver
bales. Qui croire alors : le signataire de la note officielle ou le
confident officieux, qui peuvent ne former qu'une seule et même
personne ? On s'enquerra aussi d'autres éléments auprès des notab
ilités qui ont pu connaître l'homme dans le passé. En recueillant
ainsi pièces et morceaux, on parvient à camper le magistrat, mais
que de temps perdu, d'aléas et sans doute d'injustices ! Si les
physionomies restent confuses, c'est alors que le hasard ou la
recommandation risquent de prévaloir.
Le dosage du choix et de l'ancienneté est, dans tous les corps,
une opération délicate. De tradition, le Ministère de la justice pri
mait plutôt l'ancien ; c'est la méthode la plus facile et qui provoque
le moins de grincements ; en traitant très inégalement des personnes
de même rang, on introduit, dans un corps qui doit rester uni et
cordial, des ferments de discorde ; révoltes et jalousies ne sont pas
propices à la sérénité du débat judiciaire. Pour éviter le décou
ragement des éléments moyens, les êtres d'exception étaient peu
distingués. Chacun faisait sa carrière bon an mal an, mais le corps,
vu de l'extérieur, se révélait sans éclat ni brillant. Certes d'illustres
magistrats s'imposaient à l'attention, mais, à considérer la génér
alité, le pouvoir judiciaire était contemplé non sans mélancolie.
La réforme de 1958 a voulu faciliter le choix des meilleurs.
Comme cela existe déjà dans la fonction publique depuis 1946, elle
a dissocié le grade et la fonction ; ainsi les postes difficiles et de
responsabilité peuvent être dévolus à l'élite judiciaire sans qu'il
soit besoin de trop se préoccuper de l'ancienneté ni même du
grade. Ce régime devrait accroître la fluidité du corps et donner
à l'autorité de nomination plus de champ. Dans la pratique, on
est obligé de doser choix et ancienneté afin que les hommes de
valeur soient distingués sans que cela enlève aux autres des pers
pectives honorables de carrière. Mais, en fait, cette réforme n'a
pas encore porté tous ses fruits ; l'impératif de l'ancienneté prime
encore trop largement. L'Administration des Magistrats
Les chefs de cour savent à quoi s'en tenir du travail de chacun ;
leurs aveux, leurs confidences et parfois leur tristesse sont éloquents.
Il est anormal que celui dont on dit qu'il est l'âme ou le bras de
la cour ne soit pas récompens

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