L anglicité du Vicar of Wakefield - article ; n°1 ; vol.23, pg 93-103
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Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles - Année 1986 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 93-103
11 pages

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Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 45
Langue Français

Extrait

Alain Morvan
L'anglicité du Vicar of Wakefield
In: Le continent européen et le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société
d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1986. pp. 93-103.
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Morvan Alain. L'anglicité du Vicar of Wakefield. In: Le continent européen et le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe
siècles. Actes du Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1986. pp. 93-103.
doi : 10.3406/xvii.1986.2242
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0294-1953_1986_act_23_1_2242L'ANGLICITÉ DANS
THE VICAR OF WAKEFIELD
Est-il opportun de s'interroger sur I' "anglicité" d'une œuvre litté
raire ? Nul n'ignore les ambiguïtés et les dangers potentiels de tout dis
cours sur les spécificités nationales. Sans aller jusqu'à dire qu'il y a là un
premier pas vers le racisme - ce qui confinerait à la paranoïa ou au terro
risme intellectuel - il est vrai qu'on s'expose à procéder par stéréotypes,
à élaborer une taxonomie plus subjective que scientifique, à tomber dans
les généralités certes confortables mais souvent oiseuses, et porteuses
d'un ethnocentrisme latent, sur ce qu'André Siegfried appelait I' "âme des
qu' "il y a, peuples". S'il est sans doute vrai, comme le dit ce dernier,
dans la psychologie des peuples, un fond de permanence qui se retrouve
toujours" (1 ), la systématisation d'une telle démarche est potentiellement
réductrice et intolérante.
Cette démarche peut sembler d'autant plus incongrue qu'elle s'ap
plique aux dix-huitième siècle, qu'à tort ou à raison l'on tend à percevoir
comme il voulut parfois se présenter lui-même, c'est-à-dire comme pro
moteur d'un certain universalisme.
Pourtant, en premier lieu, les tendances actuelles de la recherche
en sociologie s'efforcent au contraire de montrer qu'il n'y a rien d'immor
al ni d'ascientifique dans la quête des spécificités nationales - témoin le
récent ouvrage de Dean Peabody intitulé, précisément, National Charact
eristics (2). De plus, quiconque a un tant soit peu fréquenté le dix-huitième
siècle sait combien l'idéologie affichée du cosmopolitisme manque singu
lièrement d'adéquation à la réalité du discours et des mentalités. Si la tolé
rance fait des progrès, chacun sait qu'ils n'ont rien de linéaire, et qu'à l'épo
que où écrit Goldsmith le maniement du stéréotype en littérature a encore
quelques belles journées devant lui. Enfin, Goldsmith lui-même, et notam
ment dans The Vicar of Wake field (1 766) - œuvre sans doute moins sim
pliste qu'on l'a longtemps cru, mais assurément moins tortueuse et
complexe que certains ne l'affirment maintenant - intègre très délibér
ément à son propos la prise en compte de concepts ethniques. Cette don
née essentielle de l'écriture du Wear a été reconnue par des critiques aussi
différents qu'Edward Mangin qui, en 1808, soulignait que "The group of
characters, their circumstances, and local situation, are truly English, and
could only belong to the enviable land within whose confines the scene
is laid" (3), ou D.W. Jefferson qui, évaluant l'originalité du livre en 1 984,
estime que l'un des apports essentiels de Goldsmith réside dans ce qu'il
appelle "the creation of a work which conveys quintessential^ and with
wonderful freshness certain parts of the English scene in an age when the
scene was about to change" (4). A près de deux siècles d'intervalle, par-
delà les mutations du discours critique, ces commentateurs mettent,
à juste titre, l'accent sur l'importance de la référence ethnique dans le Vicar
- trait qui apparaît bien comme l'une des composantes irréductibles du
roman.
93 Même si ce trait intervient avec une intensité variable dans la
composition du livre - et il est vrai qu'il concerne au premier chef la partie
initiale - c'est bien un discours cohérent, conscient et charpenté sur l'An
gleterre que propose Goldsmith dans son texte. Les chapitres introductifs
- c'est presque un lieu commun que de le signaler - se structurent comme
un chapelet de petites scènes le plus souvent statiques, de facture volont
iers picturale, privilégiant chacune un aspect de la vie anglaise tradition
nelle. Cela étant rappelé, il est impossible de méconnaître la question main
tes fois posée de la dualité de l'idyllisme et du réalisme dans la peinture
de cet univers rural et domestique. Ces tableautins agrestes qui font le
charme des premiers chapitres sont-ils à prendre au pied de la lettre, ou
ne procèdent-ils pas plutôt d'une idéalisation qui rendrait illusoire toute
tentation d'y voir un témoignage topique ? Dans cet esprit, et s'il faut en
croire F.W. Hides, ce n'est pas en Angleterre que vivraient les Primrose,
mais dans un pays rêvé, "a never-never land of the author's creation"
(5). En réalité, outre que de nombreux indices tendraient à prouver le
contraire (6) et à confirmer l'ancrage, sinon géographique, du moins socio
culturel du discours de Goldsmith, il importe finalement assez peu que ces
petites scènes soient le reflet fidèle de l'Angleterre profonde, ou la trans
figuration par Goldsmith de ce qu'il croit être l'Angleterre, un peu à la façon
dont il procède dans The Deserted Village. Qu'elles soient mimesis ou poie-
sis ou, plus vraisemblablement les deux à la fois, leur arrangement et leur
séquence ne manquent pas d'élaborer une image de l'Angleterre. Elles pro
posent un discours sur l'anglicité - anglicité primordiale, archétypale, évo
quée - au sens littéral du terme - par ces vignettes, ou ces instantanés
de la vie quotidienne et familiale dont Quintana assure qu'ils fondent l'or
iginalité de la démarche de Goldsmith (7). Cette existence, qu'elle date
d'avant ou d'après l'expulsion de Wakefield, est avant tout placée sous
le signe de l'ordre, d'une sérénité cyclique, d'une routine plus naturelle
que desséchante : "Walking out, drinking tea, country dances, and for
feits, shortened the rest of the day" (8) dit ainsi le "Vicar"-narrateur, décri
vant l'épisode d'une félicité quasi prélapsarienne des fiançailles de son fils
George avec Arabella Wilmot - description à la fois très elliptique, puisque
l'on s'en tient à un inventaire assez sommaire, mais résolument spécifi
que du fait de l'accumulation de ces véritables indicateurs ethno-culturels
dances" ou "forfeits". sont "drinking tea", "country
La description de la nouvelle maison des Primrose, au chapitre IV,
n'est pas moins archétypale :
Our little habitation was situated at the foot of a sloping hill,
sheltered with a beautiful underwood behind, and a prat-
ling river before ; on one side a meadow, on the other a
green ... Nothing could exceed the neatness of my little
enclosures : the elms and hedge rows appearing with inex
pressible beauty. My house consisted of but one story, and
was covered with thatch, which gave it an air of great snug-
ness ; the walls on the inside were nicely white-washed...
(p. 23).
94 Ce qu'il y a de remarquable, dans une description comme celle-là,
c'est qu'elle n'en est pas vraiment une. Rien n'est à proprement parler
décrit, mais tout est nommé, tout est en place, et tout donne cette impress
ion sécurisante de déjà vu. Les cuivres et la vaisselle ? Ils sont "well scour
ed, and all disposed in bright rows on the shelves" (p. 24). Le banc où
la famille aime à se reposer le soir venu ? Il est "overshaded by an hedge
of hawthorn and honeysuckle" (p. 26). Sans vraiment échapper aux cl
ichés de la tradition bucolique, l'évocation de ce microcosme agreste n'en
est pas pour autant intemporelle ni - au sens étymologique du mot - u-
topique, puisque quelques notations judicieusement choisies lui confèrent
une note discrètement - mais fondamentalement - anglaise. Les voisins
simplicity" au fermiers dont Primrose évoque avec émotion la "primaeval
début du chapitre IV ne sont pas des bergers de Virgile. Ce véritable petit
paradis terrestre, cette petite Arcadie bucolique et

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