L espace perdu et le temps retrouvé - article ; n°1 ; vol.41, pg 5-26
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Description

Communications - Année 1985 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 5-26
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Rémy Lestienne
L'espace perdu et le temps retrouvé
In: Communications, 41, 1985. pp. 5-26.
Citer ce document / Cite this document :
Lestienne Rémy. L'espace perdu et le temps retrouvé. In: Communications, 41, 1985. pp. 5-26.
doi : 10.3406/comm.1985.1606
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1985_num_41_1_1606Lestienne Rémy
L'espace perdu et le temps retrouvé
tout l'esprit. Seule dans la perception l'objet, alors {rrossière que et tout erronée est place dans
Marcel Proust. Le Temps retrouvé.
La croyance en un monde extérieur, indépen
dant du sujet qui le perçoit, est à la base de
toute science de la nature.
Albert ElNSTklM. Comment je vois le monde.
Les récents développements de la théorie physique — disons ces
quinze ou vingt dernières années — ont renouvelé le vieux débat
philosophique sur la nature de l'espace et du temps : pure construction
de l'esprit ou expression approximative de certaines propriétés du « réel
en soi » ? Mais, jusqu'ici, ces progrès ont porté de façon indépendante
sur l'espace d'une part, avec la remise en question de la séparabilité du
réel en soi, confirmée par une série d'expériences spectaculaires de
physique des particules élémentaires, et d'autre part sur le temps, avec
ie développement de la thermodynamique des processus irréversibles et
la proposition d'une dynamique nouvelle, explicitement irréversible.
Certes, ces deux démarches appartiennent à des chapitres différents de
la physique. Mais elles sont aussi convergentes, dans la mesure où elles
mettent toutes deux en question l'espace-temps de la relativité en tant
que cadre conceptuel adéquat, dans la mesure où celui-ci cherche à
décrire le monde en soi d'une façon réaliste et separable. Peut-on, en
confrontant ces deux nouvelles approches, avoir une idée plus claire de
la nature et de la position de ces deux notions d'espace et de temps,
quelque part entre nous et la matière ?
Temps et devenir.
D'abord, le temps. A tout seigneur tout honneur, car. comme le disait
A. Einstein. « cette notion est indubitablement liée au souvenir, ainsi
qu'à la distinction entre les expériences sensibles et le souvenir de Lestienne Rémy
celles-ci » : elle est donc intimement liée au moi : ce qui ne laisse pas de
compliquer singulièrement son exacte appréhension quand il s'agit
d'essayer de construire une « théorie objective de la nature ». Saint
Augustin ne disait-il pas déjà : « Qu'est-ce que le temps ? Si on ne me le
demande pas, je le sais. Mais, si on me le demande, je ne sais plus » ?
L'histoire des sciences et la philosophie nous enseignent à distinguer
deux concepts quelquefois réunis sous le même vocable : le temps en
tant que mesure du changement, et ce changement lui-même. Cette
confusion et cette distinction se rapprochent de ce que j'ai appelé, dans
une réflexion antérieure J, l'ambivalence du concept de temps physi
que : le temps mécanique et le temps thermodynamique. Mais peut-être
serait-il plus clair pour notre propos de les appeler, à la suite
d'I. Prigogine, temps et devenir.
Pourquoi est-il important de les distinguer ? Parce que la tentation
naturelle, et qui. semble jusqu'à présent fondée, est de rapporter le
premier des concepts plutôt à l'homme et le second plutôt à la nature
(nous laissons pour plus tard le point de savoir s'il s'agit du « réel en
soi » ou du « réel en tant que perçu ». de la « nature naturante » ou de la
« nature naturée »). Le développement de la théorie de la relativité
illustre excellemment la première de ces affirmations, car. comme
l'exprime bien M. Sachs 2, « en relativité les coordonnées d'espace et de
temps ne sont rien de plus que les éléments d'un langage destiné à
faciliter l'expression des lois de la nature ». Tandis que le devenir
désigne ce caractère irréversible de la nature, redécouvert par la
thermodynamique et illustré par les transformations que nous voyons se
dérouler sous nos yeux, depuis la naissance et la . désintégration de
particules nucléaires jusqu'à l'instabilité cosmologique de l'univers.
Mais il est une deuxième raison de distinguer entre temps et devenir.
C'est que ces concepts, entendus comme temps mécanique et devenir
thermodynamique, s'opposent nettement, sur le plan épistémologique et
sur le plan opératoire, comme un couple de variables complémentaires,
dans, le sens que ,Bohr donnait à ce terme, c'est-à-dire un couple
d'éléments de la réalité qui ne peuvent être mis en lumière simultané
ment. Niels Bohr lui-même, d'ailleurs, ne l'avait-il pas pressenti, lui qui
avait bâti la notion de complémentarité sur l'opposition ressentie par un
étudiant danois, héros d'une nouvelle de Môller. entre la pensée et la
pensée de la pensée } ? La première est un mouvement global, un
devenir, l'avènement souverain et quasi intemporel de l'idée nouvelle,
tandis que la seconde est essentiellement une prise de conscience de la
durée, hors de toute signification. L'idée que Bohr exprimera lors de sa
présentation de la notion de complémentarité, en 1927. sera cependant
différente tout en étant voisine. Ayant à l'esprit l'opposition entre
position et quantité de mouvement, il s'écriera : U espace perdu et le temps retrouvé
La nature profonde de la mécanique quantique nous oblige à regarder
la coordination spatio-temporelle et la proclamation de la causalité,
dont l'union caractérise la théorie classique, comme des concepts
complémentaires mais exclusifs de la description, symbolisant respec
tivement l'idéalisation de l'observation et celle de la définition.
Expliquons-nous. En quoi consiste la complémentarité entre temps
mécanique et devenir ? En ceci que la mesure du temps mécanique est
fondée, à l'origine, essentiellement sur le rythme : rythme des étoiles
dans le ciel, cycles des saisons, des jours, des pulsations lumineuses.
Mais ces rythmes supposent, d'une manière ou d'une autre, la perman
ence, le retour, comme Bachelard l'avait bien vu, et Aristote avant lui,
qui opposait le monde du changement sous la lune à la perfection des
sphères célestes, drapées dans l'éternité. Le retour transcende le
changement et nie l'irréversibilité. Et en même temps c'est précisément
le moyen de mesurer le changement, de fonder l'acte opératoire qui
permet de repérer dans le temps. La complémentarité dont il s'agit, c'est
donc celle entre l'acte de « localiser dans le temps » au moyen d'horloges
et l'observation qui consiste à « suivre le mouvement en tant que
mouvement dans son unité ». Bien sûr, on pourrait aussi employer
d'autres horloges, basées sur le principe d'inertie (qui transforme le
temps écoulé en distances parcourues), ou même des horloges thermo
dynamiques, basées par exemple sur la désintégration d'un échantillon
radioactif. Mais ces horloges « secondaires » supposent déjà une théorie
physique du mouvement ou du changement, qui n'échappe pas au
recours à un étalon de temps cyclique.
11 y a donc une triple complémentarité. D'abord, une complémentarité
entre temps et énergie, comme entre position et impulsion : c'est la
complémentarité entre localité (on devrait peut-être plutôt dire « loca-
lisabilité ») et causalité, entre photographie instantanée et trajectoire,
révélée par Heisenberg et Bohr. Ensuite, une deuxième complémentarité
entre causalité et devenir, ou entre mécanique et thermodynamique,
déjà explorée, par exemple, par un L. Rosenfeld. Et enfin entre localité
dans le temps et devenir. C'est cette dernière, comme on le verra, qui a
été approfondie et théorisée par Prigogine.
L'ESPACE ET LA SÊPARABILITÊ.
La notion d'espace, elle, se relie à celle de séparation. Les objets nous
apparaissent distincts, et distinctement appropriables. De là, peut-être,
l'origine de la notion de distance. Pour certains psychologues, la
distance ne serait en e

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