L Esthétique de Galien - article ; n°1 ; vol.6, pg 7-42
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Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1991 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 7-42
L'Esthétique de Galîen (pp. 9-42)
Interroger un médecin sur son esthétique peut sembler étrange. Galien n'est pas seulement médecin, philosophe, rhéteur. Il est aussi un grand rêveur, un poète; sa quête du Beau est inséparable de sa recherche anatomique. C'est ce que Daremberg appelle sa pensée sublime. C'est en même temps une entreprise théologique, qui coïncide parfaitement avec le projet esthétique. On peut penser que sans cette idée grandiose l'énergie eût pu manquer à Galien. Il y a de la rationalité, de l'ordre et de la beauté jusqu'au tréfonds du corps; de l'organisation dans le bourbier. Il fallait croire, comme Galien, que dans ce bourbier il y a distinctio, utilitas, pulchritudo, et ordo, (selon des termes cicéroniens décrivant le monde), pour que la connaissance des profondeurs du corps humain fût possible. Il fallait cette foi que Galien transmit à Vésale.
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jackie Pigeaud
L'Esthétique de Galien
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 6, n°1-2, 1991. pp. 7-42.
Résumé
L'Esthétique de Galîen (pp. 9-42)
Interroger un médecin sur son esthétique peut sembler étrange. Galien n'est pas seulement médecin, philosophe, rhéteur. Il est
aussi un grand rêveur, un poète; sa quête du Beau est inséparable de sa recherche anatomique. C'est ce que Daremberg
appelle sa pensée sublime. C'est en même temps une entreprise théologique, qui coïncide parfaitement avec le projet
esthétique. On peut penser que sans cette idée grandiose l'énergie eût pu manquer à Galien. Il y a de la rationalité, de l'ordre et
de la beauté jusqu'au tréfonds du corps; de l'organisation dans le bourbier. Il fallait croire, comme Galien, que dans ce bourbier il
y a distinctio, utilitas, pulchritudo, et ordo, (selon des termes cicéroniens décrivant le monde), pour que la connaissance des
profondeurs du corps humain fût possible. Il fallait cette foi que Galien transmit à Vésale.
Citer ce document / Cite this document :
Pigeaud Jackie. L'Esthétique de Galien. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 6, n°1-2, 1991. pp. 7-42.
doi : 10.3406/metis.1991.960
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1991_num_6_1_960L'ESTHÉTIQUE DE GALIEN
Réfléchir sur la question de la création chez Galien est à la fois absolument
nécessaire et d'une ambition un peu folle. C'est à la fois nécessaire, car ce
fut un des problèmes essentiels, sinon le problème essentiel de Galien, et
insensé parce que cette question revient tout au long de la production de
l'œuvre, et se termine finalement en aporie, dans le De fœtuum forma-
tione. Par création, il faut dire ce que nous entendons. Il s'agit du pro
blème de la fabrication du vivant.
Au risque de paraître restreindre immensément le sujet, nous voudrions
consacrer cette étude à la beauté chez Galien, pour tenter de comprendre
les fondements de l'esthétique ou, si nous n'avons pas peur des mots, de la
poétique, de Galien. Notre projet est d'essayer d'entrevoir, en quelques
perceptions, ce qui mène Galien à l'hymnique, à l'enthousiasme religieux
dans le traité De usu partium qui fournit surtout la matière de notre tra
vail; en quelque sorte d'entrevoir ce que Daremberg appelle sa "pensée
sublime", et de lui donner un contenu1.
Naturellement il faut se résoudre à laisser dans l'ombre une histoire des
N.B., Nous citons De usu partium (UP) in G. Helmreich (H), 2 vols, Leipzig, Teub-
ner, 1907; reprint, Amsterdam, Hakkert, 1962, et la traduction française de Ch. Daremb
erg, (D), in Œuvres anatomiques, physiologiques et médicales de Galien, Paris, Bail-
lière, 1854, 2 vols.
1. Cf. Ch. Daremberg, Exposition des connaissances de Galien surl'anatomie, la phys
iologie et la pathologie du système nerveux, thèse de médecine, Paris, 1841; cf. encore,
à propos des deux membranes du cerveau dont nous reparlerons, l'expression de Daremb
erg, qui parle de "sublime interprétation", mise à mal par la découverte "d'un troisième
intermédiaire, l'arachnoïde", Histoire des sciences médicales, Paris, Baillière, 1870, 1. 1,
p. 220. JACKIE PIGEAUD
Γάναλογία, nous renvoie, comme nous le verrons plus tard, au Canon de
Polyclète.
La justice de la Nature n'est pas toujours apparente, ne tombe pas tou
jours sous le sens. Elle n'est pas évidente. "Célébrons l habileté
de la Nature, comme Hippocrate, qui dans son admiration la qualifiait tou
jours de juste, parce qu'elle a choisi l'égalité (ϊσον) non pas selon la repré
sentation immédiate (ού το κατά την πρόχειρον φαντασίαν), mais selon la
fonction et l'utilité" (αλλά το κατά δύναμίν τε και χρείαν). Et Galien
continue: "ce que je pense être l'œuvre d'une justice divine, de trouver ce
qu'il faut, de le répartir, à chacun selon son mérite, et de ne rien créer ni en
excès ni en moins que ce qu'il convient" ( UP, XI, 2 = II H 116 = I D 854-
5).
Laissons, pour l'instant, cette idée de la nécessité pour retenir la distr
ibution selon la valeur. Il arrive à Galien (à propos de l'irrigation du sang),
de citer le divin Platon (Lois, VI, 757): " S'il y a deux justices, l'une connue
du vulgaire, l'autre propre aux artistes d'élite et si évidemment la nature a
choisi la dernière, nous la louerons bien plus encore. Si vous voulez savoir
en quoi consiste cette justice, écoutez le divin Platon disant que le chef et
l'artiste véritablement justes doivent observer l'égalité eu égard au
mérite".
εις το κατά την άξΐαν ϊσον αποβλέπει ν χρήναι τον όντως δίκαιον
άρχοντα και τεχνίτη ν ( UP, XVI, Ι - II Η 377 = II D 159).
Galien ajoute l'artiste au chef.
C'est un thème que l'on retrouve disséminé dans le De usupartium. Par
exemple: si l'office de la justice est d'examiner avec soin pour chacun et
d'attribuer à chacun selon son mérite (κατά τήν άξίαν), comment la
Nature ne serait-elle pas la plus juste? N'a-t-elle pas comparé entre eux
tous les organes de même espèce? - όσα μέν γάρ των οργάνων ομογενή -
les organes de sensation avec les organes de sensation, les muscles avec les
muscles, considérant les éléments des corps et la dignité des fonctions,
l'énergie ou la faiblesse des fonctions, la continuité ou la discontinuité de
leur action. . . mesurant avec exactitude en chacun, selon la valeur, et attr
ibuant à l'un un nerf plus grand, à l'autre un nerf moins grand? -το κατά
τήν άξίαν ακριβώς εν έκάστω μετρήσασα τω μέν μείζον απένειμες τω δ'
ελαττον τό νευρον. ( UP, V 9 = Ι Η 277-8 = Ι D 362).
Voici une autre détermination de la justice, qu'on pourrait appeler
l'union des contraires. Ainsi, écrit Galien, " n'est-il pas juste là aussi
d'admirer la prévoyance du démiurge, à l'égard des deux utilités, qui,
même alors qu'elles sont contraires, a construit dans une harmonie et un L'ESTHÉTIQUE DE GALIEN
théories esthétiques, des conceptions du beau que nous ne saurions ici
qu'évoquer. Dans la symphonie des définitions du beau, j'ai choisi la piste
du δίκαιον, du juste, et de la συμμετρία qui nous mènera à Polyclète. Cela
nous permettra peut-être d'apercevoir quelques moments où l'enthou
siasme de Galien perçoit l'impossible identification de la kataskeuèet de la
physis, de la structure et de la dynamique; et d'entrevoir un principe com
mun entre l'organisation des homéomères et des parties organiques, entre
le simple et le composé, le simple et ce qui se distingue, le simple et l'art
iculé.
Nous essayerons de voir comment Galien, se fondant sur une philoso
phie hippocratique fort teintée de stoïcisme, utilise un attirail de défini
tions de la justice, l'essentiel étant de prouver la justice de la Nature, par
quelque théorie que ce soit, puisque le projet est juste.
Nous conclurons en essayant de voir comment la théorie polyclétéenne
du beau, pour parler vite, gêne Galien, peut-être jusqu'au De fœtuum for-
matione où les choses semblent changer, pour accepter une théorie
moniste de la formation.
La définition de la justice
Que la Nature est juste
Tout au long du De usu partium revient la formule dont Galien fait hon
neur à Hippocrate: que la Nature est juste.
Il vaut la peine, peut-être, de considérer quelques variations sur ce
thème et les différentes déterminations de la justice de la Nature. Cette
justice peut se définir comme égalité et proportion. Je prends par exemple
cette phrase:
"Si jamais artisan a fait preuve d'une grande prévoyance en matière
d'égalité et de proportion, c'est bien la Nature quand elle forme le
corps des vivants; d'où Hippocrate lui donne-t-il le nom de juste. ..".
αλλ' ποτέ τις και άλλος δημιουργός ισότητας τε και αναλογεϊπερ
ίας πολλήν έποιήσατο πρόνοιαν και ή τα σώματα των ζώων δια-
πλάττουσα φύσις... (UP, Π, 16 = Ι Η 116 = Ι D 209).
Il est juste que les muscles du bras soient plus grands que ceux de l'avant-
bras: δσω τα κινηθησόμενα μόρια διαφέρει μεγέθει, τοσούτω και οι
κινουντες αυτά μύες, de sorte qu'il y a, en ce qui concerne la grandeur, un
rapport d'égalité entre les parties qui seront mues et les muscles qui les
meuvent. Cette égalité et proportion, cette justice li&

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