L'État face au conflit civil : réflexions sur l'Angola, l'Éthiopie et le Tchad - article ; n°4 ; vol.38, pg 533-554

Sam C.Nolutshungu

Description

Revue française de science politique - Année 1988 - Volume 38 - Numéro 4 - Pages 533-554
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_SCIENCE_POLITIQUE0
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 14
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Monsieur Sam C. Nolutshungu
L'État face au conflit civil : réflexions sur l'Angola, l'Éthiopie et le
Tchad
In: Revue française de science politique, 38e année, n°4, 1988. pp. 533-554.
Résumé
Bien qu'il y ait des différences évidentes entre les conflits civils qui entraînent une intervention importante des puissances
externes comme en Angola, en Ethiopie, et au Tchad, il y aussi des similarités importantes que peut relever une analyse
comparative. Loin d'obéir fidèlement aux clivages fondamentaux de la société, ou bien aux intérêts sociaux qui s'y rapportent, le
déroulement de ces conflits traduit plutôt les déchirements d'une seule strate sociale ayant une relation très spécifique avec l'Etat
— ce que nous appelons « la strate étatique ». Nous nous penchons sur trois aspects de ces guerres, à savoir, « l'autonomie de
l'Etat » et sa spécificité comme champs de lutte aussi bien que but recherché par ceux qui se battent ; les caractéristiques
sociales de ceux qui animent les formations politico-militaires opposées ; et la tendance qu'ont les interventions inter-nationales à
accroître l'indépendance de l'Etat et sa puissance devant la société et à l'éloigner davantage des intérêts réels de la société.
Abstract
Although there are evident differences between civil conflicts involving significant external intervention, as in Angola, Ethiopia and
Chad, there are also important similarities which emerge from a comparative analysis. Far from representing the fundamental
cleavages of the society, or of the interest which correspond to them, the course of these conflicts reflects much more the
divisions within a single stratum of society, with a very specific relation to the state. The analysis explores three aspects of these
wars : the « autonomy of the state » and its specificity as both a field, and an abject of struggle ; the social traits of those who
lead the opposed movements ; and the tendency of international intervention to increase the independence of the state and its
power in relation to society, and to remove it even further from society's real concerns of society.
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Nolutshungu Sam C. L'État face au conflit civil : réflexions sur l'Angola, l'Éthiopie et le Tchad. In: Revue française de science
politique, 38e année, n°4, 1988. pp. 533-554.
doi : 10.3406/rfsp.1988.411151
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1988_num_38_4_411151ETAT FACE AU CONFLIT CIVIL
FLEXIONS SUR ANGOLA
ETHIOPIE ET LE TCHAD*
SAM NOLUTSHUNGU
BIEN
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On croit volontiers que les guerres civiles sont les produits anta
gonismes profonds dans la société entre des catégories sociales impor
tantes classes ethnies ou nationalités Il une crise totale qui ne
saurait se résoudre sans un changement sensible de Etat et même de la
société dans son ensemble
Les organismes politico-militaires qui se battent le font au nom une
couche sociale ou un groupe culturel ou régional Sur le plan phéno
ménal ces revendications ne se trompent pas les groupes sociaux ont
bien tendance attacher plus ou moins aux partis qui agissent en leurs
noms ailleurs ils ne se rallient pas volontairement aux forces opposées
Il est également vrai il des bases économiques sur lesquelles se
fondent des clivages sociaux évidents qui correspondent plus ou moins
aux différends entre les organismes politico-militaires
ils aient des idéologies différentes ou du moins ils énon
cent comme telles chaque mouvement dans tous les pays est fortement
lié une région spécifique Dès que les affrontements entre ces organismes
se transforment en guerre civile on se replie tôt ou tard sur sa propre
région où la guerre civile devient une espèce de guerre de position
chacun défendant sa zone occupée disons libérée étant dans
impossibilité de étendre Cette forme que prend la guerre semble
fournir la preuve si besoin en est que tous les conflits africains sont
auteur remercie Terry Lewis du Département de fran ais de Université de
Manchester et Jean Leca professeur des Universités Institut études politiques de
Paris qui ont bien voulu lire et corriger les premières versions de cet article
533 Sam Nolutshungu
régionaux et de surcroît ils reflètent des clivages primordiaux Bien
que on puisse émettre certaines réserves la perception ethnique réduc
trice avère difficile écarter Dans le cas de Ethiopie classe et ethnie
se confondent dans une conception fortement idéologique de lutte des
nationalités
Il est ici hors de notre propos de résoudre le problème éternel de
ethnie en Afrique Nous nous bornons souligner quelques données
du conflit social et de la guerre civile qui mettent en doute la perception
qui constate une relation sans ambiguïté sans contradictions profondes
entre les combattants et leurs populations régionales
esprit ethniciste ne se manifeste que rarement sans une mobili
sation délibérée et cela souvent bien après que des luttes armées aient
commencé Au Tchad bien que la guerre ait été per ue comme opposant
Nord et Sud il avait pas une sensibilité nordiste comprehensive
démontrable au niveau de la population On pourrait faire état durant
les longues années de cette guerre des divisions tribales ou régionales
entre les guerriers du Nord tout en constatant la naissance un natio
nalisme tchadien1 En même temps on assistait éclatement du soutien
populaire au pouvoir dans les régions méridionales du Tchad
En Angola le tribalisme du FNLA Front national de libération de
Angola de Roberto Holden remontait au commencement de la lutte
anticoloniale Créé initialement pour défendre les intérêts royalistes
kongo ce mouvement est resté tout le long de la guerre anticoloniale
vivement tribaliste Le MPLA Mouvement pour la libération de An
gola) qui jamais eu des visées tribalistes ou regionalistes2 était
considéré comme ennemi le plus dangereux parce que ses dirigeants
rivalisaient avec le leader absolu du FNLA Bien entendu il agissait
aussi de différends qui reflétaient des idéologies de classes opposées et
des alliances internationales différentes
UNITA qui ne se déclarait jamais mouvement régional avant
Indépendance bien il se soit appuyé sur les ressentiments des intel
lectuels ovimbundu envers des mulattos et des assimilados mbundu
cherchait un standing panangolais du moins aux yeux de opinion
internationale Son ethnicisme surgit heure du retrait du colonisateur
Le tribalisme devint en même temps une espèce de surenchère nationaliste
et une stratégie pour encadrer les gens du Sud qui étaient alors
nullement acquis UNITA et son alliance mouvementée avec le
FNLA Tribalisme et régionalisme se font sentir aussi au sein du MPLA
comme le montrait la Révolte de Esté mais la direction réussi
les supprimer3 Il ne agit pas une volonté tribaliste populaire pré
existante elle est provoquée et créée
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534 Etat face au conflit civil Angola Ethiopie Tchad
En Ethiopie certaines régions avaient commencé opposer au
Centre bien avant la chute de ancien régime et amorce de luttes
sanglantes qui ont suivie De surcroît on constate existence de clivages
ethno-régionaux dans les organismes clandestins estudiantins qui étaient
formés au cours des années précédentes Néanmoins le cas de Erythrée
mis part est le déroulement de la révolution qui décid