L hospitalité de l hôpital - article ; n°1 ; vol.65, pg 109-119
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L'hospitalité de l'hôpital - article ; n°1 ; vol.65, pg 109-119

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Description

Communications - Année 1997 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 109-119
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 37
Langue Français

Extrait

Mr Nicolas Dodier
Mme Agnès Camus
L'hospitalité de l'hôpital
In: Communications, 65, 1997. pp. 109-119.
Citer ce document / Cite this document :
Dodier Nicolas, Camus Agnès. L'hospitalité de l'hôpital. In: Communications, 65, 1997. pp. 109-119.
doi : 10.3406/comm.1997.1992
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1997_num_65_1_1992Nicolas Dodier et Agnès Camus
L'hospitalité de l'hôpital
L'accueil et le tri des patients
aux urgences médicales
Les urgences hospitalières sont caractérisées par une très forte ambig
uïté : d'un côté, elles sont totalement ouvertes aux requêtes extérieures,
puisque, par principe, elles doivent pouvoir accueillir le public en per
manence, et que toutes les demandes de soins doivent être examinées ;
d'un autre côté, et particulièrement dans les hôpitaux universitaires, les
urgences sont des lieux sélectifs, puisqu'elles sont conçues en priorité pour
un éventail circonscrit de pathologies — celles susceptibles d'entraîner la
mort ou des lésions irréversibles si elles ne sont pas très rapidement prises
en charge. Cette ambiguïté illustre les deux manières contemporaines de
concevoir les rapports entre l'hôpital et son extérieur : d'un côté, un
principe d'ouverture, de l'autre - et de plus en plus, compte tenu des
évolutions actuelles -, un principe de sélection de la part de services
hospitaliers spécialisés dans un ensemble limité de pathologies.
Dans ce texte, nous aborderons cette dualité de l'hôpital contemporain
en faisant un détour historique pour en pointer les origines. Puis, à partir
d'un travail ethnographique mené dans le service des urgences médicales hôpital universitaire parisien, nous étudierons ce qui est de l'ordre
d'une « pragmatique de l'hospitalité » : décrire les types de rapports aux
personnes engagés par le personnel lorsqu'il s'agit, concrètement, de les
accueillir. Nous conclurons sur les transformations en cours à l'hôpital.
L'histoire du rapport de l'hôpital
à l'hospitalité.
Nous proposons de distinguer trois schémas. Le premier est celui de
Yassistance religieuse, que l'on trouve dans les hôpitaux de charité, les
hôtels-Dieu, qui se sont développés à partir du XIIIe siècle (Castel, 1995).
L'hôpital est un lieu d'accueil pour les indigents, avec une ouverture très
109 Nicolas Dodier et Agnès Camus
grande à tout un ensemble de demandes hétéroclites émanant de person
nes cherchant un refuge ; dans le même temps, les contraintes de domi-
ciliation pour pouvoir se faire admettre sont très fortes. L'obligation de
charité est ici la référence, institutionnalisée par l'Eglise. On se préoccupe
du bien des âmes ainsi accueillies (Imbert, 1982). Cette ouverture se
combine avec un souci d'enfermement des « inutiles au monde », selon
l'expression de Robert Castel, ceux qui ne travaillent pas, ou qui errent
de par le monde. Cette forme d'hôpital perdure jusqu'au XVIIIe siècle.
A cette date, l'hôpital traverse une double crise. Il est tout d'abord
confronté à une crise de la question sociale : auparavant, la vulnérabilité
des personnes atteignait essentiellement des vagabonds ou des personnes
déracinées ; à partir du XVIIIe siècle, le peuple entier commence à être
vulnérable aux transformations du travail, dans le contexte de montée de
ce qui sera appelé plus tard, au début du XIX' siècle, le paupérisme. Les
doctrines libérales sont incapables d'endiguer cette crise, et l'hôpital
devient un lieu d'afflux pour ces populations dans le besoin. A cette crise
se surajoute une crise « médicale » (Foucault et al., 1979) : à partir du
XVIIIe siècle, en effet, on prend conscience que les hôpitaux sont des foyers
d'épidémie et que la mortalité y est considérable. Dans cette période de
naissance de la médecine clinique (Foucault, 1963), une grande inquié
tude pèse sur la visée proprement thérapeutique des hôpitaux.
Cette double crise de l'hôpital ouvre une période caractérisée par une
nouvelle configuration de ses rapports avec l'extérieur : Y assistance médi
cale publique. Tout d'abord, on observe, dans le cours du XIXe siècle, un
mouvement important de médicalisation des hôpitaux. Apparaît ici l'idée
que ceux-ci font partie des dispositifs destinés à gérer, avec l'appui du
savoir médical, l'état de santé d'une population. Par ailleurs, on constate
dans les hôpitaux des investissements considérables, qui visent à spécial
iser les espaces, afin de créer des lieux destinés à des populations de
malades affectés selon des pathologies homogènes — Pinel est l'un des
artisans de cette organisation « spécialisée » des hôpitaux (Dagognet,
1970). Fait nouveau, on commence alors à sélectionner à l'entrée de
l'hôpital les personnes sur des arguments médicaux ; on exclut les « incu
rables » (Faure, 1982 ; Imbert, 1982), on leur construit des lieux spécial
isés (Pinell, 1992). Les médecins accroissent leur rang dans la hiérarchie
hospitalière, ils ont de plus en plus leur mot à dire le choix des
personnes admises à l'hôpital. Auparavant, les critères de sélection exis
taient bien, mais ils ne relevaient pas de la médecine : ils visaient le
domicile du patient, la moralité de sa conduite, sa situation d'indigent.
La deuxième grande transformation de l'hôpital, au XIXe siècle, est son
intégration dans les dispositifs plus généraux d'assistance publique.
L'Etat répond à cette époque au problème lancinant du paupérisme qui
110 L'hospitalité de l'hôpital
ravage les sociétés industrielles. La notion d'assistance publique est fon
dée sur l'idée nouvelle que les indigents ont des droits. Ils ne vont pas
entrer à l'hôpital, comme auparavant, sous l'effet d'une charité institu
tionnalisée, mais ils vont avoir le droit de demander des soins, des res
sources, des recours, dans des lieux tels que les hôpitaux, ou les hospices.
Le « droit à l'assistance » est consigné dans la loi de 1893 relative au
droit aux soins pour les indigents. En 1905, est votée la loi sur le droit
au secours pour les vieillards indigents et pour les invalides. Les hôpitaux
passent sous une tutelle administrative, qui prend le pas sur des tutelles
religieuses, celles-ci continuant néanmoins à exister.
Avec la IIP République, apparaît une nouvelle conception de l'interven
tion de l'Etat en matière de prise en charge du malheur : ni assistance
religieuse ni assistance publique, mais « solidarité », via la mise en place
d'assurances sociales. L'Etat devient le garant de « quasi-contrats » que
les individus tissent entre eux du fait de leurs interdépendances. Cela
suppose le développement d'une nouvelle conception de la propriété ; la
propriété « sociale » (Castel, 1995). Les assurances sociales contiennent
l'idée que les malades, qui cotisent, ont droit à des soins de qualité. Dans
les années 30, des rapports curieux se nouent dès lors entre l'hôpital et les
assurances sociales. L'hôpital est encore réservé aux indigents et, dans le
même temps, il profite, depuis le XIXe siècle, des efforts déployés le
domaine de la recherche médicale, devenant le lieu des thérapies de pointe.
Les personnes qui bénéficient des assurances sociales, et qui s'estiment en
droit d'avoir accès à des soins de qualité, sont de fait exclues de l'hôpital.
Cette tension entre une mission auprès des indigents et le développement
des soins dans le cadre d'assurances sociales est la cible de la loi de 1941
qui définit une nouvelle mission de l'hôpital : l'accès aux soins pour tous
les citoyens, et pas seulement les indigents. Après avoir été un vecteur de
l'assistance religieuse, puis de l'assistance publique, l'hôpital devient un
lieu de soins aux malades, quels qu'ils soient. Il est dit - dans la loi de
1941, avant que ce ne soit rappelé dans la réforme de 1958 — « ouvert à
tous ». On passe de l'&#

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