L’Internet militant. Entretien avec Fabien Granjon - article ; n°1 ; vol.79, pg 24-29

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Description

Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2005 - Volume 79 - Numéro 1 - Pages 24-29
6 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MATERIAUX_POUR_L-HISTOIRE_DE_NOTRE_TEMPS
• Publié le: 01 janvier 2005
• Nombre de lectures: 80
• Langue: Français

Extrait

P

our commencer, pourriez-vous nous présen-

ter la genèse de vos recherches, parfois très eth-

nographiques, ainsi que vos principales conclu-

sions quant aux nouvelles formes de militantis-

me liées de manière plus ou moins exclusive, à

l’utilisation des différentes ressources du Net ?

Lorsqu’en 1997 j’ai commencé à travailler sur le

sujet de l’Internet militant, je suis parti d’un premier

constat : certains mouvements politiques et/ou sociaux

semblaient s’approprier les technologies d’information

et de communication (TIC) liées au Net beaucoup plus

vite que les grands partis politiques ou les grandes cen-

trales syndicales. J’ai donc souhaité réfléchir aux liens

entre ces usages, parfois intensifs, des nouveaux outils

et l’évolution contemporaine des formes d’engagement

militant, telle que décrite par exemple dans les travaux

de Jacques Ion

3

. J’ai ainsi constaté qu’Internet, fondé

sur la notion de réseau et d’horizontalité, correspondait

pleinement aux formes d’engagement matériel ou per-

sonnel des militants de ces nouveaux mouvements

organisés en réseaux, faisant preuve d’une grande

défiance vis-à-vis des procédures de délégation et

défendant une prise de parole aussi horizontale que

possible. Le militantisme des membres d’une associa-

tion comme Act-Up Paris, par exemple, correspondait

pleinement à ce que Jacques Ion avait appelé l’engage-

ment «

distancié

4

» — rebaptisé depuis «

affranchi

» —,

et de fait, ces gens-là utilisaient beaucoup le Net parce

que cet outil répondait parfaitement aux besoins de

leur mode d’organisation.

Lors de mes premières recherches, je me suis prin-

cipalement intéressé aux organisations appartenant à

ce qu’on a pris l’habitude d’appeler le « mouvement

social ». J’ai ainsi travaillé avec Droits devants, le Dal

(Droit au logement), AC! (Action contre le chômage),

les collectifs de sans-papiers ou Act-Up Paris, c’est-à-

dire avec des organisations de petite taille qui, sauf cir-

constances particulières, fonctionnent avec un nombre

limité de militants, tentent de se structurer de manière

non-hiérarchique et de prendre en charge un type de

critique sociale lié aux questions de précarité — c’est

toute la thématique des « sans », sans-papiers, sans-

droits, etc. —, longtemps délaissées par les luttes

ouvrières classiques et guère considérées par les struc-

tures politiques ou syndicales traditionnelles.

J’ai focalisé mes recherches sur des mouvements

qui, à l’époque, semblaient relativement « neufs » :

lorsqu’on s’intéresse à la généalogie des usages poli-

tiques des technologies de communication, on peut

cependant se demander si le phénomène de l’Internet

militant, qui se fonde certes sur l’utilisation progressis-

te de nouveaux outils, est vraiment original. En effet,

1

. Voir Dominique Cardon

& Fabien Granjon,

« Médias alternatifs et

médiactivistes », in Éric

Agrikoliansky, Olivier

Fillieule et Nonna Mayer

(dir.),

L’altermondialisme

en France. La longue

histoire d’une nouvelle

cause

, Paris, Flammarion,

2005, pp. 175-198.

2

. Dominique Cardon et

Fabien Granjon, « Peut-on

se libérer des formats

médiatiques ?

Le mouvement

altermondialisation

et l’Internet »,

in

Mouvements

, n° 25,

janvier-février 2003,

pp. 67-73.

3

. Voir par exemple

Jacques Ion,

La fin des

militants ?

, Paris, Éditions

de l’Atelier, 1997.

En focalisant sur les

nouvelles formes

d’engagement, on a

parfois tendance à oublier

que les luttes ouvrières

traditionnelles sont encore

nombreuses, notamment

dans le cadre national.

…/…

L’internet

militant

F

abien Granjon

est chercheur au Laboratoire de sociologie des usages du

Centre de recherche et développement de France Télécom. Auteur de

L’Internet

militant : mouvement social et usages des réseaux télématiques

(Rennes,

Apogée, 2001), il a récemment contribué à

L’altermondialisme en France. La

longue histoire d’une nouvelle cause

, ouvrage collectif édité sous la direction

d’Éric Agrikoliansky, Olivier Fillieule et Nonna Mayer

1

. Il a publié de nombreux

articles sur les nouvelles formes d’engagement et leur appropriation progressiste

des nouveaux outils de communication, et s’est beaucoup interrogé sur la pro-

duction et la réception de l’information militante sur « le réseau des réseaux »

(voir par exemple son article « Peut-on se libérer des formats médiatiques ? Le

mouvement altermondialisation et l’Internet », paru en 2003 dans la revue

Mouvements

2

). La version intégrale de cet entretien est disponible en ligne sur

les pages

Matériaux

du site de la BDIC (www.bdic.fr).

F. V.

Entretien avec

Fabien GRANJON