L'itinéraire d'un grand commis de l'État : Coquebert de Montbret (1755-1831) - article ; n°1 ; vol.312, pg 337-346

Isabelle Laboulais-Lesage

Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1998 - Volume 312 - Numéro 1 - Pages 337-346
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: ANNALES_HISTORIQUES_DE_LA_REVOLUTION_FRANCAISE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 11
• Langue: Français

Extrait

Isabelle Laboulais-Lesage
L'itinéraire d'un grand commis de l'État : Coquebert de Montbret
(1755-1831)
In: Annales historiques de la Révolution française. N°312, 1998. pp. 337-346.
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Laboulais-Lesage Isabelle. L'itinéraire d'un grand commis de l'État : Coquebert de Montbret (1755-1831). In: Annales
historiques de la Révolution française. N°312, 1998. pp. 337-346.
doi : 10.3406/ahrf.1998.2185
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1998_num_312_1_2185THESE
L'ITINÉRAIRE D'UN GRAND COMMIS DE L'ÉTAT
COQUEBERT DE MONTBRET (1755-1831) (1)
ISABELLE LABOULAIS-LESAGE
Tenter de reconstituer la genèse de cette recherche nous place dans une
position inconfortable, car revenir sur la naissance du projet, restaurer les
étapes de la construction d'un objet mis au centre d'une recherche, retrou
ver les inflexions de ce cheminement, exigent de suivre des règles identiques
à celles que l'on pose au préalable d'une enquête biographique : éviter de se
laisser abuser par l'illusion rétrospective, veiller à ne pas effacer les hésita
tions et les faux pas, et ne pas céder au désir de la reconstitution téléo-
logique. Pourtant, même en refusant le «ça va de soi», force est de
constater que la trame quotidienne restera dissimulée derrière le travail
achevé.
Lorsque Mademoiselle Rose, directrice des bibliothèques de la ville de
Rouen nous a indiqué la possibilité de travailler sur le fonds Montbret, le
chantier nous a certes semblé vaste, mais le corpus d'archives nous paraissait
accessible. En revanche, au cours des premières semaines de travail, l'a
pproche se compliqua, car ce fonds composé d'environ 60000 volumes,
(1) Notre thèse, « Lectures et pratiques de l'espace : l'itinéraire de Coquebert de Montbret (1755-
1831), savant et grand commis de l'État », fut soutenue le 12 novembre à l'université de Rouen devant un
jury composé de Mme Marie-Noëlle Bourguet, MM. Roger Chartier, Claude Mazauric, Denis Retaillé et
Michel Zylberberg (mention très honorable avec félicitations à l'unanimité).
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semblait difficilement saisissable. En effet, contre toute attente, en 1847,
Eugène Coquebert de Montbret légua à la ville de Rouen non seulement ses
livres, mais surtout une partie du patrimoine familial puisqu'il avait hérité
de la bibliothèque et des papiers de son père mort quelques années auparav
ant. Fruit de la carrière du père et de la bibliophilie du fils, le fonds
Montbret constituait un ensemble hybride et incertain, car si ponctuelle
ment certains chercheurs avaient travaillé sur quelques fragments, comme
les brochures révolutionnaires ou les recueils de dialectes, aucune étude
globale ne s'était intéressée à cette insolite donation, et personne n'avait
entrepris d'explorer l'ampleur mystérieuse de ce fonds. Notre premier
objectif - qui rapidement s'est avéré inopérant - fut de construire un projet
cohérent à partir de cet objet patrimonial.
Mais, très vite, nous avons pris conscience qu'une monographie de ce
fonds présentait un intérêt historiographique médiocre, car son ampleur et
sa spécificité rendaient difficile l'établissement de comparaisons. Enfin,
compte tenu des deux modes de sédimentation qui avaient donné naissance
à ce fonds - la première strate étant cataloguée, la seconde restant mysté
rieuse -, il nous a semblé pertinent de centrer notre propos sur la collection
du père, Charles-Etienne Coquebert de Montbret composée d'environ
10 000 titres imprimés. En effet, l'existence d'un catalogue et la possibilité
de consulter les ouvrages conservés aujourd'hui encore à Rouen, permett
aient d'étudier non seulement les livres, mais aussi les pratiques de lecture
de Coquebert de Montbret. Or, dans son legs, Eugène avait inclus les
papiers qu'il avait hérités de son père. Nous disposions donc de notes de
lectures, de mémoires et de lettres, c'est-à-dire des outils nécessaires pour
passer des livres aux représentations qu'ils permettaient de construire.
Les travaux de M. Chartier sur l'histoire du livre et de la lecture
s'étaient en effet démarqués d'une approche globale et quantitative, afin
d'édifier une histoire culturelle des pratiques et de la construction des repré
sentations ; d'autre part les apports tout à fait novateurs alors de la microh
istoire avaient contribué à renouveler les approches de la biographie ; c'est
donc en nous appuyant sur ces courants méthodologiques autant qu'histo-
riographiques que nous sommes passée d'une monographie du fonds
Montbret, à une enquête biographique sur un personnage presque
méconnu. Les notices consacrées à Coquebert de Montbret livraient seule
ment l'image d'un grand commis d'État aux fonctions multiples et aux inté
rêts érudits assez éclectiques : l'itinéraire restait donc à reconstruire.
Ce premier déplacement de problématique, d'une monographie de
bibliothèque privée vers la reconstruction d'une identité biographique, nous
a naturellement conduite ensuite à élargir le corpus, car le fonds rouennais,
si riche soit-il, ne pouvait nous suffire pour reconstituer le parcours de
Coquebert de Montbret. Certes, il offrait le catalogue thématique de sa
bibliothèque, une partie de sa correspondance, tant privée que profession- COQUEBERT DE MONTBRET (1755-1831) 339
nelle, une vingtaine de ses carnets de voyage, certains rapports profession
nels et des notes sur son activité au sein des sociétés savantes ; mais il fallait
encore compléter ce corpus initial, et travailler sur les archives des milieux
savants et politiques, afin de comprendre l'ajustement complexe des posi
tions individuelles et des dispositions sociales, cristallisées à l'échelle d'une
aventure singulière de vie. Il nous fallait dès lors non plus adapter notre
sujet à un objet d'étude donné, mais au contraire construire cet objet d'anal
yse, démarche qui s'apparente bien davantage à l'opération historiogra-
phique, telle que la concevait Michel de Certeau, mais dont nous n'avons
compris l'acuité et la pertinence que lorsque nous nous sommes trouvée
confrontée aux sources.
Au cours des sondages effectués hors du fonds Montbret, il est apparu
que Coquebert de Montbret, ce quasi anonyme, avait laissé d'assez nomb
reuses traces écrites de son action comme de ses idées. En effet, le départe
ment des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France dispose d'un
fonds qui porte son nom; les Archives nationales possèdent les sources
concernant sa carrière au ministère de l'Intérieur; les Archives du Quai
d'Orsay conservent, quant à elles, les sources concernant sa carrière au
ministère des Affaires étrangères; les Archives de l'Académie des sciences
disposent des sources retraçant le rôle de Coquebert de Montbret dans cette
institution savante à partir de 1816; le département des Cartes et Plans de la
Bibliothèque nationale de France renferme les archives de la Société de
géographie, à la fondation de laquelle Coquebert de Montbret contribua
très activement ; la Bibliothèque de la Sorbonne détient celles de la Société
philomatique ; les Archives de l'Académie royale des sciences de Belgique
possèdent une partie de sa correspondance, infime quantitativement, mais
extrêmement importante du point de vue du contenu, enfin les collections
particulières, mises à notre disposition par des descendants de la famille
Brongniart, nous ont permis d'accéder à certains aspects plus personnels de
la vie de Coquebert de Montbret. Les quelques coups de sonde effectués
dans les archives départementales n'ont guère été fructueux et, au regard de
la massivité du corpus déjà constitué, nous avons donc décidé de ne pas
poursuivre sur cette piste, au risque de consacrer beaucoup de temps à une
collecte d'informations dont le résultat serait de moins en moins profitable ;
toutefois nous ne nous interdisons pas d'y revenir demain, mais pour
d'autres dispositifs problématiques.
Au terme de ce premier sondage, nous avons donc rassemblé un corpus