L ordre cosmique et l activité humaine chez Ronsard - article ; n°1 ; vol.18, pg 23-47
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 1984 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 23-47
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Henri Weber
L'ordre cosmique et l'activité humaine chez Ronsard
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°18, 1984. pp. 23-47.
Citer ce document / Cite this document :
Weber Henri. L'ordre cosmique et l'activité humaine chez Ronsard. In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la
réforme et la renaissance. N°18, 1984. pp. 23-47.
doi : 10.3406/rhren.1984.1403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1984_num_18_1_140323
L'ORDRE COSMIQUE ET L'ACTIVITÉ HUMAINE
CHEZ RONSARD.
Si les études sur la philosophie de RONSARD ont été nombreuses et
diverses avec Henri BUSSON (1929), Albert Marie SCHMIDT (1938), G.
LAFEUILLE (1973), Malcolm QUAINTON (1980) et plus encore les comm
entaires d'hymnes particuliers avec J. -Claude MARGOLIN, Jean FRAPPIER,
André STEGMAN, B. WEINBERG, il est malaisé de dégager de ces analyses
qui ont montré la diversité des sources, précisé certaines interprétations, une
préoccupation centrale.
RONSARD est-il un éclectique puisant librement suivant la circons
tance et le thème à illustrer dans des doctrines différentes et quelquefois
opposées ? Il se plaît parfois au paradoxe, à l'opinion contraire au lieu com
mun humaniste.
S'il a bien lu de nombreux poètes dans leur intégralité, sa culture phi
losophique semble souvent celle d'un lecteur d'anthologies (STOBÉE) ou de
philosophes vulgarisateurs, MACROBE, APULEE, PLUTARQUE, CICERON,
(le songe de Scipion), traités hermétiques comme VAsclépios ou d'inspiration
néo-platonicienne, le De Mundo. Il a probablement lu le Comentaire de
FICIN sur le Banquet, mais il peut tout aussi bien n'en avoir connu les idées
que par PONTUS de TYARD. De PLATON il connaît surtout les mythes
commentés et reproduits par des générations d'humanistes. D'ARISTOTE, il
a lu certainement YEthique et probablement quelques traités concernant
YHistoire des animaux.
Il connaît évidemment les éléments de la synthèse aristotélo-platoni-
cienne la plus répandue de son temps, c'est surtout par son adoption de la
théorie des quatre fureurs qu'il est proche du néo-platonisme ficinien. Il y a
une très forte influence du ficinisme sur certains des aspects de sa conception
de l'univers, mais il ne l'adopte pas entièrement, il en retient ce qui lui con
vient.
Les choix de RONSARD nous paraissent dominés par la coexistence
en lui de la nostalgie de l'immuable, ou de l'éternité des valeurs intellectuell
es et d'un goût peut-être plus vif pour le mouvement de la vie qui anime la
matière. Si le poète, comme le philosophe, doit théoriquement se détacher du 24
corps pour parvenir au contact des vérités éternelles, RONSARD exaltera par
ailleurs l'activité humaine des métiers les plus divers, et le rôle du corps dans
la connaissance elle-même. La crise des guerres de religion l'amènera à consi
dérer la morale pratique et les institutions humaines comme plus important
es que les hautes spéculations sur la marche de l'univers.
Dans l'univers très hiérarchisé du néo-platonisme, l'espace traduit,
de haut en bas, la hiérarchie et la dignité des êtres. Le ciel avec ses sphères
circulaires est tout près de Dieu qui l'anime ; le mouvement circulaire, la
forme ronde, la régularité, l'incorruptibilité sont en quelque sorte les images
visibles les plus proches de la perfection divine :
«L'Esprit de l'ETERNEL qui avance ta course,
Espandu dedans toy, comme une grande source
De tous costez t'anime, et donne mouvement,
Te faisant tournoyer en sphere rondement, .
Pour estre plus parfaict, car en la forme ronde
Gist la perfection qui toute en soy abonde» (1).
Il ne semble pas que Dieu soit ici identifié au premier moteur aristo
télicien, origine d'un mouvement qui se transmet mécaniquement de sphère
en sphère, Dieu, au contraire, pénètre partout et donne à tout son mouve
ment ; ce n'est pas non plus la conception ficinienne d'une hiérarchie d'âmes
où chaque sphère et même chaque astre possède une âme motrice, en plus de
l'âme du monde. RONSARD n'a pas souci de ces détails, il se souvient peut-
être simplement des vers de VIRGILE souvent cités :
«Principio caelum ac terras, camposque liquentes
Lucentem globum lunae, Titaniaque astra
Spiritus intus alit, totamque infusa per arms.
Mens agitât molem et magno se corpore miscet» (2).
Le mélange universel de l'esprit à la matière est un principe stoïcien, mais les
vers de VIRGILE évoquent aussi bien le principe d'une âme universelle, l'âme
du monde qui a été adoptée par le néo-platonisme. Soucieux de rapprocher
intimement le Ciel et Dieu, RONSARD ne parle pas ici précisément d'une
âme du monde, ni d'une âme du ciel. 25
Une dizaine d'années plus tard dans «Le Chat», c'est à l'univers en
tier, y compris la terre, que se mêle Dieu principe de vie et de mouvement ;
le mot âme apparaît, mais il ne se distingue guère de Dieu lui-même :
«Dieu est par tout, par tout se mesle Dieu,
Commencement, la fin et le milieu
De ce qui vit, et dont l'Ame est enclose
Par tout, et tient en vigueur toute chose,
Comme nostre Ame infuse dans noz corps.
Ja des longtemps les membres seroient morts
De ce grand Tout, si cette Ame divine
Ne se mesloit par toute la Machine,
Luy donnant vie et force et mouvement» (3).
Que Dieu soit partout est universellement admis par les théologiens ;
FICIN, plus avisé philosophe que RONSARD, rappelle que Dieu échappe à la
catégorie de l'espace et qu'il peut être dit à la fois n'être nulle part en parti
culier et en même temps omniprésent. Il reconnaît «dans la nature une sorte
de sagesse divine qui, par l'intermédiaire des raisons naturelles, donne aux
semences naturelles la puissance vivifiante et motrice... Il faut même que cette
puissance soit infuse dans les corpuscules infimes pour élever vers elle contre
leur nature les êtres inférieurs jusqu'à des actes d'êtres supérieurs». Mais il
tient à distinguer nettement de Dieu cette puissance vitale, il veut éviter le
panthéisme stofcien : «Straton et Chrysippe reconnaîtront cette vie infuse
dans l'univers mais ils affirmeront que cette vie est le Dieu suprême. Les
platoniciens le nient parce qu'au dessus de la vie qui est dans un être, il faut
qu'il y ait une vie qui soit autonome et existe en elle-même... C'est pourquoi
la vie de la sphère qu'il s'agisse d'un élément ou de toute la sphère n'est ni la
vie originelle, ni Dieu, le Dieu suprême est l'unité absolue» (4). Il est bien pro
bable que ces subtilités échappent à RONSARD, qu'il ne se doute guère que
les expressions qu'il emploie sont pour le moins équivoques et pourraient le
faire accuser de panthéisme par un philosophe vétilleux. Toute l'ambiguité
du texte repose sur la construction du mot âme, l'âme est elle l'esprit de Dieu,
ou l'âme de ce qui vit ? Dans ce second cas on pourrait concevoir qu'il s'agit
de du monde qui pourrait être distincte de l'unité divine.
«Le Chat» est en réalité dominé par le souci de donner une explica
tion des présages tirés des animaux et des plantes. Il a probablement eu pour
cela recours au premier livre du De Divinatione de CICERON où l'on voit
Quintus son frère, expliquer pourquoi l'avenir peut être tiré des entrailles des
animaux par une sorte de pénétration divine de toutes choses (5). 26
Dans les Hymnes de 1555, cette préoccupation n'est pas dominante,
puisque l'avenir nous est révélé par les astres, aussi un des thèmes essentiels
est la coupure aristotélicienne entre le monde céleste et le monde terrestre
(tout ce qui est situé au dessous du cercle de la lune). Ainsi la sérénité des
astres est opposée aux passions humaines :
«Plus ne vous chaut de nous, ny de noz faicts aussi
Ains, courez en repos, délivrez de soucy
Et francz des passions, qui des le berceau suyvent
Les hommes qui çà-bas chargez de peine vivent» (6).
Cette opposition est une opposition temporelle. L'Eternité, est dans les
Hymnes , attribut essentiel de la divinité, presqu'un substitut d

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