La caste sectaire des Kānphatā Jogī dans le royaume du Népal : l exemple de Gorkhā - article ; n°1 ; vol.75, pg 125-168
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La caste sectaire des Kānphatā Jogī dans le royaume du Népal : l'exemple de Gorkhā - article ; n°1 ; vol.75, pg 125-168

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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1986 - Volume 75 - Numéro 1 - Pages 125-168
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Extrait

Véronique Bouillier
La caste sectaire des Kānphatā Jogī dans le royaume du Népal
: l'exemple de Gorkhā
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 75, 1986. pp. 125-168.
Citer ce document / Cite this document :
Bouillier Véronique. La caste sectaire des Kānphatā Jogī dans le royaume du Népal : l'exemple de Gorkhā. In: Bulletin de
l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 75, 1986. pp. 125-168.
doi : 10.3406/befeo.1986.1703
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1986_num_75_1_1703LA CASTE SECTAIRE DES KÀNPHATÀ JOGÏ DANS
LE ROYAUME DU NEPAL: L'EXEMPLE DE GORKHÀ*
PAR
Véronique BOUILLIER
L'appellation générique de Jogï englobe, en Inde, une multitude de sous-groupes dont les
noms spécifiques varient selon les régions, la spécialité professionnelle, la religion (hindoue
ou musulmane) et qui sont communément crédités de pouvoirs occultes.1 Il faut distinguer de
ce «miscellaneous assortment of low caste faqirs and fortune-tellers»2 la secte ascétique des
Jogï ou Kànphatà Jogï. Ce nom de Jogï aux «oreilles fendues» s'explique par leur marque
distinctive, les larges anneaux qu'ils portent insérés dans le pavillon de l'oreille.3
Le Népal ne connaît pas cette confusion: tous les Jogï népalais se réclament des Kânphatâ
et de l'enseignement du fondateur de la secte, Gorakhnâth, y compris la caste newar des Kusle
qui se dit d'origine Jogï mais dont l'histoire est inconnue.4
Le Népal revêt par ailleurs une importance particulière dans le légendaire Jogï. Réputée
avoir abrité la méditation du saint fondateur éponyme, la principauté de Gorkhà, à la fin du
XVIIIème, étend ses conquêtes à l'ensemble du Népal, sous les auspices du Gorakhnâth.
D'autres récits et témoignages nous montrent les Jogï fortement associés aux vicissitudes
militaires des royaumes de l'ouest. Enfin, la prospérité de la vallée de Kathmandu elle-même
doit beaucoup au siddha Matsyendranâth, guru de Gorakhnâth.
* Le système de transcription adopté, pour les termes nepali comme pour les termes sanscrits utilisés en nepali,
est celui de R.L. TURNER, A comparative and etymological dictionary of the nepali language, London, Routledge
and Kegan Paul, 1965.
1 Sur les différents groupes de Jogï, voir Risley pour le Bengale (1, 355-358) , Russell et Lal pour les Provinces
Centrales (III, 252-253), Crooke pour le Nord-Ouest (III, 58-63) et Briggs (48-61).
2 Rose, Ibbetson, Mac Lagan: p. 389: «The term Jogi may be said to include two very distinct classes of
persons. First are the Jogi proper, a regular religious order of Hindus, which includes both the Aughar Jogis and the
Kanphatta Jogi as'cetics who are followers of Gorakhnâth and priests and worshippers of Siva. . . . The second class is
that miscellaneous assortment of low-caste faqirs and fortune-tellers both Hindu and Musulman».
3 Quoiqu'on en crédite souvent Gorakhnâth, cette particularité n'est pas apparue avec les Kànphatà. Les
adeptes de la secte Kàpàlika, éteinte au XlVème siècle et dont les Kànphatà se rapprochent, ont également porté des
anneaux d'oreille (cf. Lorenzen: 6; Ghurye: 137, 142).
4 Caste de tailleurs-musiciens remplissant certaines fonctions sacerdotales. Les Kusle se disent Jogï et vénèrent
Gorakhnâth. Cependant les survivances de leur passé ascétique paraissent proches des traditions Kàpàlika. 126 Véronique Bouillier
Je m'intéresserai dans cet article avant tout aux Jogï de Gorkhà. C'est à travers l'étude de
leur histoire, pour autant qu'on puisse la reconstituer, de leur implantation, de leurs fonctions
sacerdotales, de leurs spécificités rituelles et de leur organisation interne dans la société de
castes, que je voudrais donner un aperçu de l'importance de la secte des Kànphatà dans
l'enracinement du pouvoir royal.
A la fois adeptes d'une secte et membres d'une caste, les Kânphatà sont «dans le monde»,
maîtres de maison, desservants de temples. Mais qu'ils servent Gorakhnàth ou Bhairav, leur
initiation ascétique et les pouvoirs supra-normaux qu'elle leur confère font d'eux des prêtres
de l'extraordinaire, des maîtres puissants des forces occultes qu'ils peuvent détourner et
utiliser au service du roi et au bénéfice de la prospérité de tous.
1. LE NATHISME
Les Kànphatà ou Nàth Jogï ou encore Gorakhnàthï, forment une secte (sampradaya)5 qui
revendique Gorakhnàth pour fondateur. Sur ce fondateur nous savons peu de choses; si les
historiens s'accordent à reconnaître en lui un personnage réel et charismatique, ils divergent
quant à son lieu de naissance, quant au siècle même où il a vécu. La plupart penchent pour
l'hypothèse d'une naissance au Bengale (sauf DASGUPTA qui opte pour le Penjab) à la fin
du Xème siècle ap. J.C. . Il est certain, d'autre part, que le nâthisme s'est propagé très
rapidement au Bengale, au Penjab, au Rajasthan, dans toute l'Inde du Nord et en Himalaya,
et que dès la fin du XHIème siècle il était très vivant dans le Deccan.
Gorakhnàth, bien que fondateur, n'est pas le premier dans la généalogie des 9 Nàth et 84
Siddha que vénère la secte. Le premier de tous, Adinàth, n'est autre que Šiva lui-même.
Cette tradition du culte des Nàth et des Siddha n'est pas propre aux Kânphatà Jogï. Elle
appartient au courant tantrique de l'Inde du Nord. Il existe différentes listes de ces Nàth et de
ces Siddha (cf. Dasgupta, 1976: 206-209) mais plusieurs noms sont communs aux traditions
des Kânphatà et des Siddhàcàrya bouddhistes. Les Nàth les plus fréquemment cités sont aussi
ceux qui apparaissent de façon prédominante dans la littérature légendaire de la secte:
Mina-nàth (identifié à ou parfois distinct de Matsyendranàth), Gorakhnàth, Jàlandharî,
Kanupa, Mayanàmatï, Gopïcànd. Sont révérés aussi les douze premiers disciples de
Gorakhnàth, fondateurs des douze branches ou barapanthi entre lesquelles se répartissent les
membres de la secte.
La littérature Nàth est très riche. Elle comporte des textes de Gorakhnàth ainsi que de
nombreux recueils de poèmes et de légendes en langues vernaculaires. Ces légendes
5 L'emploi de ce terme est toujours sujet à caution. Disons qu'ici ce qui caractérise les Kânphatà comme secte
c'est:
-l'existence d'une initiation spécifique et obligatoire
-un corps de croyances et des textes qui leur sont propres
-la possibilité d'être recruté dans la secte.
Toutefois certains auteurs comme Lorenzen (p. 6) contestent l'emploi du terme secte dans le cas où il n'y a pas
d'adhésion laïque. II préfère parler, pour les Kàpâlika, d'ordre monastique. Cette appellation est, à mon avis, à
exclure dans le cas des Kânphatâ où les monastères ne regroupent qu'une infime minorité des membres. D'autre
part, s'il n'y a pas d'adhésion de laïcs au nâthisme, la plupart des Kânphatâ sont «laïcs» si l'on entend par là «dans le
monde», mais ils le sont de naissance, nés de parents Kânphatà (voir chap. 3.2. ). Il serait plus juste de parler, dans le
cas du Népal, de caste sectaire. La caste sectaire des Kànphatà Jogï dans le Royaume du Nepal 127
concernent principalement d'une part Gorakhnâth, d'autre part Gopïcànd et sa famille.
Gopïcând est le fils du roi Mànikcandra de la dynastie Pala du Bengale et de la reine
Mayanàmatï, disciple de Gorakhnâth. Gopïcând a pour guru Jâlandhari ou Hàdi-pà. Son
oncle maternel, Bhartrhari, roi d'Ujjain, initié aussi par Jàlandharï, est le type même du roi
renonçant (cf. Grierson, 1878 et 1885). A Gorakhnâth sont attribués une trentaine de textes
en sanscrit sur le Yoga (dont le «Goraksa-siddhànta-samgraha» et le «Siddha-siddhânta-
sarhgraha») ainsi que des poèmes et aphorismes en hindi, le plus célèbre étant les Gorakh-bânï.
Les Kànphatà Jogï appartiennent au courant tantriste caractéristique de l'Inde médiévale.
La quête de l'absolu est recherche de l'état de non-dualité, fusion des principes opposés

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