La cérémonie de l appel des esprits vitaux chez les Cambodgiens - article ; n°1 ; vol.45, pg 145-183
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La cérémonie de l'appel des esprits vitaux chez les Cambodgiens - article ; n°1 ; vol.45, pg 145-183

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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1951 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 145-183
39 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1951
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Eveline Porée-Maspero
VIII. La cérémonie de l'appel des esprits vitaux chez les
Cambodgiens
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 45 N°1, 1951. pp. 145-183.
Citer ce document / Cite this document :
Porée-Maspero Eveline. VIII. La cérémonie de l'appel des esprits vitaux chez les Cambodgiens. In: Bulletin de l'Ecole française
d'Extrême-Orient. Tome 45 N°1, 1951. pp. 145-183.
doi : 10.3406/befeo.1951.5516
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1951_num_45_1_5516CÉRÉMONIE LA
DE L'APPEL DES ESPRITS VITAUX
CHEZ LES CAMBODGIENS
par
Éveline PORÉE-MASPERO
Membre de l'École Française d'Extrême-Orient
Une étude complète sur la cérémonie de l'appel des esprits vitaux chez les Cam
bodgiens nécessiterait de longues recherches qu'il m'a été impossible de faire.
Mais elle n'a pas été mentionnée, à ma connaissance, par les divers auteurs qui ont
écrit sur le Cambodge, et les renseignements que j'ai pu recueillir à son sujet pré
sentent suffisamment d'intérêt pour être exposés dès à présent. Ils résultent d'en
quêtes faites auprès des gens du peuple qui, moins imprégnés que les classes
supérieures d'orthodoxie bouddhiste, trahissent mieux qu'elles, à mon avis, le
fond réel des traditions cambodgiennes.
Avant, toutefois, de traiter de la cérémonie même, il me paraît nécessaire d'indi
quer les conceptions populaires au sujet des âmes et des esprits. Elles ne m'ont
pas toujours été faciles à saisir, car elles sont, en général, fort imprécises. Cepend
ant, un certain nombre ďačar paysans et de villageoises (car le culte des esprits
est en grande partie affaire de femmes), ont pu me donner quelques détails plus
nets qui se sont confirmés les uns les autres.
Les Cambodgiens possèdent dix-neuf prali n, ou esprits vitaux, qui ont une cer
taine tendance à errer à l'aventure, surtout pendant le sommeil, et peuvent alors
percevoir ce que ne saisissent pas nos sens humains. C'est ainsi qu'un chasseur
fatigué, s'étant endormi contre un gros arbre, ces praliu sortirent et virent au lieu
de l'arbre un palais, où deux ruk tevodà W discutaient du sort réservé au fils nouveau-
né du chasseur.
Il arrive que des prây, des nâk ta saisissent les praliu et les attachent dans les
arbres qu'ils habitent (2), surtout si l'on a eu le malheur de causer quelque mal à
ces arbres.
Outre les dix-neuf pralin, l'homme possède les čato phut^K Ces quatre démons
familiers résident dans les apophyses des poignets et des chevilles. L'une de mes
t1) Les ruk tevodà, divinités gardiennes de la végétation, habitent dans les grands arbres.
(2) Les pruy, de sexe féminin, sont en général les esprits de femmes mortes en couches. Les
пик ta sont les génie» tutélaires. Les uns et les autres habitent un certain nombre d'espèces de
grands arbres.
Í3) Sk. catur-bhûta = quatre êtres, quatre démons. 146 EVELINE PORÉE-MASPERO
informatrices, originaire de Pisu^, a une conception toutàfaitanthropomorphique
de ces čato phut. Ce seraient des hommes en miniature qui, pendant le sommeil,
iraient chercher nourriture et se promener.
Si, pendant leur promenade, les praliň sont, pour une cause ou une autre, dis
persés, si les quatre phut, trop longtemps absents, n'arrivent pas à les rassembler,
l'homme meurt.
De retour de leur promenade, les quatre phut, en trouvant morte l'enveloppe cor
porelle qu'ils avaient coutume d'habiter, cherchent à tout prix à se réincarner.
C'est pourquoi Yàcàr trace des «pattes de corbeaux v W pour défendre la maison
où il y a eu décès.
Ce sont les čato phut délogés qui formeraient la troupe des esprits errants, ou
attachés à un arbre, à une pierre, qui peuplent le Cambodge. La première fois que
j'ai entendu parler d'eux, c'est par Yàcàr de Sàrikà Kèv (3- à qui je demandais quel
ques précisions sur les àràk^\ II me répondit que ceux-ci étaient l'équivalent des
čato phut.
Un petit nombre à'àcàr identifient les čato phut ^ aux quatre éléments, eau, terre,
feu et vent. Cela me paraît une tentative pour assimiler les croyances populaires
aux doctrines bouddhiques, d'autant plus que ces àcàr prenaient plaisir à employer
des mots savants (6). Ils considéraient néanmoins que les àràk et les pret^ étaient
des čato phut (8>. '
<l) Village cambodgien de Cochinchine, province de Trà-vinh, canton de Binh-hoa. •— Nom
vietnamien : Phu>o>ng-tra.
(2) Les «pattes de corbeaux» sont des signes magiques très employés pour la protection contre
les mauvais esprits. Ce sont des croix dont la branche inférieure est plus longue que les autres.
(3) Srôk de Lova Em, khand de Khsàc Kandàl, sur la rive gauche du Mékong en aval de Phnom-Pen.
(4) Terme générique pour les esprits dangereux; selon les uns, les nâk ta en feraient partie;
selon d'autres, ceux-ci ne doivent pas être compris parmi les àràk, qui groupent les prây, beisàc,
etc.
(5) «Ce qui reste de la dépouille mortelle dans notre monde est appelé chado phut (soit iatu
bhut, corruption de deux mots sanscrits qui signifient les quatre êtres), les quatre substances :
ce sont le sang, la chair, les os et la crasse ou les ordures. Ces parties matérielles de L'homme
engendrent sur notre terre les oiseaux de nuit : chouettes, hiboux, chats-huants, etc. ; les khmočh,
revenants, les esprits, lutins, farfadets, sorciers et sorcières (Aymonier, op. cit. ci-dessous, p. i53,
n. 2, p. ao4). C'est une explication qui ne m'a jamais été donnée, et, malheureusement^ Aymonier
ne dit pas ses sources. - - - ■
(•) Sur la doctrine orthodoxe, cf. Leclère, Le Buddhisme au Cambodge, p. 17З à 20 4, qui cor
respond à peu près à celle qui est exposée dans Hardy, A Manual of Buddhism, p. З99 et suiv.'
(7) Sk.preta = esprit, fantôme.
(•) Un seul àcàr attaché comme kru au monastère de Tik Thlà m'a donné des détails nombreux
mais sujets à caution. En deux interrogatoires séparés par un assez grand laps de temps, il m'a semblé
relever d'assez importantes contradictions : mais, en des sujets aussi complexes, il y a des possi
bilités d'erreur non seulement dans la compréhension des réponses, mais aussi dans la compréhens
ion des questions. Je donne à titre de curiosité ce que j'ai démêlé du second interrogatoire.
L'homme a dix-neuf praliň, qui sont en rapport avec les dix «portes» (thvâr) ou «routes»
(phlow). Les dix в portes» sont : les oreilles, les yeux, les narines, la bouche, le nombril, l'anus et
le méat urinaire. Les dix grands praliň vont par paires. „ , • '
' Bathavothât. . , . '. . v , Terre vieille
(Sk. prthivi, terre -f dhàtu, élément).neuve.
Âbathât .' -. \ . : Eau froide.
(Sk. ap, eau -f dhâtu). Eau chaude.
Télo)tbât Feu très chaud. 'moyen! ' (Sk. tejas, feu + dhâtu).
Vayuthàt Vent intérieur.
(Sk. vâyu, vent + dhâtu).. > Vent extérieur.
Akasathât Souffle d'aspiration.
(Sk. àkâça, atmosphère + dhâtu). .d'expiration. .
L'APPEL DES ESPRITS VITAUX. 147
A Pisei, lorsqu'on désire voir des àràk, on se peint, avec de la chaux à bétel rougie,
un cercle aux apophyses des chevilles et des poignets. On trace également, sur le
front, une croix dont la branche inférieure descend entre les sourcils. De même,
mon cuisiner, de Cbà Атрои^1), те dit que, si l'on veut voir des àràk, il suiïit de
tracer, avec de la chaux à bétel, des cercles sur les chevilles et les poignets, ainsi
qu'une croix sur le front, puis de se promener en forêt pendant la nuiL On voit
alors les àràk avec les cercles comme avec des gros yeux. Selon lui, les àràk seraient
bien des čato phut, et ces derniers vivraient quarante ans après la mort du corps.
Le fait que les cercles sont tracés précisément aux points qui sont la demeure de
čato phut me paraît confirmer leur identification avec ceux-ci, et je pense que là croix
sur le front serait une «patte de corbeau» destinée à protéger le crâne.
La cérémonie d'appel des esprits vitaux, nommée hào prali ň (Aíb = tf appeler&#

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