La Commission européenne entre autonomie et dépendance - article ; n°3 ; vol.46, pg 389-408
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Description

Revue française de science politique - Année 1996 - Volume 46 - Numéro 3 - Pages 389-408
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Christian Lequesne
La Commission européenne entre autonomie et dépendance
In: Revue française de science politique, 46e année, n°3, 1996. pp. 389-408.
Citer ce document / Cite this document :
Lequesne Christian. La Commission européenne entre autonomie et dépendance. In: Revue française de science politique, 46e
année, n°3, 1996. pp. 389-408.
doi : 10.3406/rfsp.1996.395063
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1996_num_46_3_395063Abstract
The European commission between autonomy and dependence
Whereas the European Commission was designed at the most original institution of the European
Union's political system, it is paradoxically one of the least studied by political scientists : little work has
been devoted to the internal functioning of the Commission, because many political scientists have
chosen to work mainly on the inter-state dimension of the European integration process. It is also
because the Commission is an organisation that generally defies the models constructed by political
scientists in order to analyse the relations between politics and the administration in national political
systems. The article begins by reviewing various social science works devoted to the Commission since
its creation. Considering the Commission as a complex organisation, it then analyses the resources that
enable its various elements to act as policy entrepreneurs endowed with a margin of autonomy vis-à-vis
governments and interest groups in the political system of the European Union. It seeks finally to
demonstrate that this policy entrepreneurship is subject to endogenous and exogenous constraints. The
conclusion is that studying the Commission's internal functioning, as that of all Community institutions, is
indispensable in order to apprehend the characteristics of a European political system which is a
balancing act between a logic of autonomisation and one of dépendance on the national actors.
Résumé
Alors que la Commission européenne a été conçue comme l'institution la plus originale du système
politique de l'Union européenne, c'est paradoxalement l'une de celles qui ont été le moins étudiées par
la science politique. Le peu de travaux consacrés au fonctionnement interne de la Commission
s'explique par le fait que bon nombre de politistes ont choisi d'éclairer en priorité la dimension inter-
étatique du processus d'intégration européenne. Elle s'explique aussi par le fait que la Commission est
une organisation qui défie généralement les modèles qu'ont élaborés les politistes pour analyser les
relations entre le «politique» et l'« administratif » dans les systèmes politiques nationaux. L'article
commence par recenser différents travaux de sciences sociales qui ont été consacrés à la Commission
depuis sa création. Considérant la Commission comme une organisation complexe, il analyse ensuite
les ressources qui permettent à ses différentes composantes de se comporter comme des
entrepreneurs de politiques publiques (policy entrepreneurs) dotés d'une marge d'autonomie par
rapport aux gouvernements et aux groupes d'intérêts dans le système politique de l'Union européenne.
Il tend enfin à montrer que ce policy entrepreneur ship est soumis aux limites de contraintes endogènes
et exogènes. La conclusion est que l'étude du fonctionnement interne de la Commission ― comme de
toutes les institutions communautaires ― est indispensable pour tenter de mieux cerner les
caractéristiques d'un système politique européen qui est un «balancing act» entre une logique
d'autonomisation et une logique de dépendance des acteurs nationaux.LA COMMISSION EUROPEENNE ENTRE
AUTONOMIE ET DÉPENDANCE
CHRISTIAN LEQUESNE
Alors que la Commission (la Haute Autorité dans le traité CECA) a
été pensée, avec la Cour de justice, comme l'institution la plus
originale du système politique européen1, c'est paradoxalement
l'une de celles qui ont été le moins étudiées par la science politique.
Comme le soulignent Geoffrey Edwards et David Spence dans un ouvrage
récent conçu comme une réponse à un déficit de littérature: «L'absence
d'intérêt des universitaires est ... curieux comparé à celui qu'ils ont manif
esté pour d'autres institutions» (le Conseil européen, le Conseil des
ministres ou le Parlement européen)2. Le faible nombre de travaux politis-
tes sur la Commission s'explique d'abord par le fait que nombre de cher
cheurs ont choisi d'éclairer la dimension interétatique du processus
d'intégration européenne, par le biais soit de théories des relations inter
nationales, soit de problématiques plus institutionnalistes. Une seconde rai
son est liée au fait que la Commission, composée de vingt membres
nommés pour cinq ans par les chefs d'État et de gouvernement de
l'Union3 après approbation du Parlement européen, et d'une administration
multinationale de 15 000 fonctionnaires régie depuis 1962 par un statut
propre, défie généralement les modèles que les politistes ont élaboré pour
étudier les relations entre le «politique» et l'« administratif » dans le ca
dre national.
Depuis le milieu des années 1980, on assiste cependant à un regain
d'intérêt de la science politique pour l'étude de la Commission. L'évolution
n'est pas étrangère aux recherches de plus en plus nombreuses que consa
crent les spécialistes de politiques publiques au système politique européen.
Ces travaux tendent à aborder la Commission non plus comme une institu
tion monolithique mais comme une organisation complexe disposant d'un
agenda spécifique4 et d'une capacité propre à initier de l'action publique
dans un «espace européen de politiques publiques»5.
1. Voir E. V. Heyen (dir.), Les débuts de V administration de la Communauté euro
péenne, Baden Baden, Nomos, 1992.
2. G. Edwards, D. Spence (eds), The European Commission, Harlow, Longman,
1994, p. 1.
3. Dans l'Union européenne à quinze, l'Allemagne, l'Espagne, la France, la Grande-
Bretagne et l'Italie disposent chacune de deux portefeuilles au sein du collège alors que
les autres États n'en ont qu'un.
4. P. Garraud souligne avec pertinence que «la notion d'agenda politique [est sou
vent] trop générale pour être pleinement opératoire » (« Politiques nationales : élaboration
de l'agenda», L'Année sociologique, 40, 1990, p. 28). Aussi l'agenda européen
peut-il être considéré comme un agenda formel fragmenté en divers agendas spécifiques
dont celui de la Commission européenne, voire de ses différents services.
5. P. Muller, «Un espace européen de politiques publiques», dans Y. Mény,
P. Muller, J.-L. Quermonne (dir.), Politiques publiques en Europe, Paris, L'Harmattan,
1995, p. 11-24.
389 Christian Lequesne
Cet article commence par aborder l'objet Commission européenne au
prisme de différents travaux de sciences sociales qui lui ont été consacrés.
Considérant la Commission comme une organisation dotée d'une certaine
autonomie décisionnelle dans le système politique européen, il s'efforce
ensuite d'analyser les ressources qui lui permettent de se comporter comme
un entrepreneur de politiques publiques. Il tend enfin à montrer que ce rôle
d'entrepreneur est soumis à une série de contraintes endogènes et exogènes
qui en fixent les limites.
LA COMMISSION AU PRISME DES SCIENCES SOCIALES
Bien qu'elle n'ait pas constitué l'objet de prédilection des analystes de
l'intégration européenne, la Commission a donné naissance depuis sa créa
tion à des travaux de la part des juristes, des théoriciens et sociologues des
organisations et des théoriciens des relations internationales. À partir des
années 1980, un renouvellement des problématiques est intervenu par le
biais des travaux d'anthropologues et de spécialistes de politiques publiques.
L'entrée en vigueur des traités de Paris et de Rome, instituant respect
ivement la CECA puis la CEE et l'EURATOM, a conduit, en Europe, les
spécialistes de droit public à étudier le phénomène de l'intégration politique
européenne1. Depuis plus de quarante ans, les juristes tendent à souligner
dans leurs travaux l'originalité et le caractère sui generis de l'ordonnance
ment institutionnel et normatif des Communautés européennes p

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