La constitution d une nouvelle catégorie culinaire ? Les pâtes dans les livres de cuisine italiens de la fin du Moyen Age - article ; n°16 ; vol.8, pg 51-60
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La constitution d'une nouvelle catégorie culinaire ? Les pâtes dans les livres de cuisine italiens de la fin du Moyen Age - article ; n°16 ; vol.8, pg 51-60

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Description

Médiévales - Année 1989 - Volume 8 - Numéro 16 - Pages 51-60
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

† Odile Redon
Monsieur Bruno Laurioux
La constitution d'une nouvelle catégorie culinaire ? Les pâtes
dans les livres de cuisine italiens de la fin du Moyen Age
In: Médiévales, N°16-17, 1989. pp. 51-60.
Citer ce document / Cite this document :
Redon Odile, Laurioux Bruno. La constitution d'une nouvelle catégorie culinaire ? Les pâtes dans les livres de cuisine italiens de
la fin du Moyen Age. In: Médiévales, N°16-17, 1989. pp. 51-60.
doi : 10.3406/medi.1989.1135
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1989_num_8_16_1135Odile REDON et Bruno LAURIOUX
LA CONSTITUTION
D'UNE NOUVELLE CATÉGORIE CULINAIRE ?
Les pâtes dans les livres de cuisine italiens
de la fin du Moyen Age1
Les Italiens émigrés depuis le XIXe siècle étaient tournés en déri
sion dans leurs pays d'accueil sous le nom de « macaronis » et, mal
gré la grande diversité régionale des usages culinaires dans l'Italie con
temporaine, un point fixe, qui n'est pas encore complètement détrôné
par la diététique actuelle, reste le « primo piatto » qui, vu par un
étranger inaverti, ne saurait être que de spaghetti à la sauce tomate
et au parmesan râpé alors que, pour un Italien, le choix est extrême
ment varié et subtil.
Au Moyen Age la tomate, comme chacun sait, n'existait pas en
Europe et les spaghetti ne sont jamais mentionnés. Par contre les livres
de cuisine italiens accueillent beaucoup de recettes de pâtes auxquell
es font écho des textes littéraires citant notamment les macaronis, les
ravioli et les lasagne, alors que les pâtes n'apparaissent guère dans
les livres français, anglais et allemands2.
Cependant, même dans les livres de cuisine italiens, il n'est pas
aisé de définir strictement une catégorie alimentaire « pâtes ». Nous
sommes donc partis de la définition proposée dans l'introduction du
dossier « pâtes » de ce présent numéro, guidés aussi par nos catégo-
1. On trouvera à l'index ci-après les attestations de pâtes dans les livres de cui
sine italiens des xiv< et xv« siècles, ainsi que les abréviations qui serviront désonnais
à désigner ces livres.
2. Cependant le Forme of Cury, célèbre livre de cuisine anglais de la fin du
xiv siècle, cite les ravioles, les macrows et les losyns, c'est-à-dire les ravioli, les macar
onis et les lasagne (cf. Constance B. Hieatt & Sharon Butler, Curye on Inglysch.
English culinary manuscripts of the fourteenth century (including the Forme of Cury),
London/New York, 1985 (Early English Text Society-SS 8), pp. 108, 118-119. Pour
la Provence, voir dans ce numéro l'article de Jean-Louis Flandrin. 52
ries actuelles, linguistiques et culinaires. C'est ainsi que nous avons
admis pour analyse dans la catégorie pâtes, outre celles que nous
dirions simples3, comme les lasagne ou les macaronis, les pâtes que
nous dirions farcies, comme les ravioli ou les tortelli, et les « cris-
pelli » qui leur sont parfois assimilés dans nos livres.
Cela dit, la catégorie « pâtes » n'est pas nettement mise en évi-
ience par les livres de cuisine, même les plus systématiques : on remar-
me seulement de courtes séries de « crispelli », « guanti », ravioli dans
m manuscrit toscan du XIVe siècle (Za 36-39), de lasagne et gnocchi
tilleurs (Bo /B 44-45), de ravioli et « tortelletti » dans un livre inédit
ie la British Library. Le traité de Martino, qui date du XVe siècle et
est de conception plus moderne, inclut dans son chapitre II (« Per
fare ogni manera de vivande ») les plats qui entreraient aujourd'hui
dans la catégorie du « primo piatto », de la « minestra ». On y trouve
notamment les macaronis et les ravioli (Ma 144-145).
Nous avons donc pris en compte des recettes dont la façon ne
permettait pas le doute comme celles des macaronis (Ma 142, 145)
et d'autres sur la foi de leur désignation. Mais certaines nous font
problème. Nous avons par exemple trouvé 27 recettes intitulées
« ravioli » ou faisant référence à la forme des ravioli (Ma 178, 183),
mais le contenu des recettes jette quelque doute sur l'unité du type.
Certaines ne nous déroutent pas : une pâte fine y enveloppe une farce
à base de fromage, d'herbes et de viande hachée ; ces ravioli, de la
grosseur d'une châtaigne, cuits dans un bouillon et servis saupoudrés
d'épices et de fromage râpé, sont proches des ravioli classiques de la
cuisine italienne actuelle (Ma 144, Fr 35). Mais la forme « ravioli »
définit des nourritures en pâte de dimension réduite, comme les « œufs
en forme de ravioli » (Ma 183) et peut même s'étendre à des mets
formés en boulettes ou petits rouleaux, sans enveloppe de pâtes, sim
plement roulés dans la farine (« ravioli bianchi » Bu 5r). Souvent ils
doivent être frits à l'huile ou au lard et ils peuvent mal alors se dif
férencier des beignets ou « fritelle », et l'on pourrait en dire autant
des tortelli. Les mots en cuisine peuvent être trompeurs ou insatisfai
sants ; nous retrouvons ici un des points d'interrogation posés par Ber
nard Rosenberger à propos des pâtes dans le monde musulman.
Le terme de « lasagne » aussi mérite un commentaire. Si la recette
du manuscrit toscan (Za 77), « de le lasagne », définit un plat com
parable aux lasagne actuelles, bien que plus simple — les feuilles de
pâte (farine et eau) sont cuites dans du bouillon avant d'être dispo
sées dans un plat, en couches séparées par un saupoudrage de fr
omage — , le mot « lasagne » sert aussi à nommer la simple feuille de
pâte fine servant à couvrir une tourte ou les lanières de pâte qui rem-
3. Cette appellation est préférable à celle de « pâtes sèches », qui risque de créer
une confusion avec la notion définie par Françoise Sabban pour la Chine (voir plus
haut). 53
placent la croûte d'autres tourtes (« lasagne ben minute » sur la tourte
de citrouilles, Ma 160 ; « lasagne ben secche » sur la tourte d'épeau-
tre, Ma 162)4. On parle même de feintes lasagne en peau de chapon
(Ma 147).
L'incertitude des mots tient largement à la difficulté de trouver
et d'interpréter les modes de fabrication des pâtes. La plupart des types
de pâtes simples (non farcies) pouvaient être ou achetés ou fabriqués
dans la cuisine. Si en Italie méridionale existait une industrie des pâtes,
on n'en a aucune preuve pour l'Italie centrale, d'où sont issus la plu
part de nos livres5. Une production artisanale y est par contre cer
taine, puisque Florence avait dès 1311 un Art « dei cuochi e lasa-
gnari » ; par la suite les « lasagniers » se séparèrent des cuisiniers pour
s'unir aux « cialdonai », qui fabriquaient des sortes de gaufres. Ce
corps de métier se spécialisait donc dans la confection des pâtes fines,
que ses membres préparaient parfois sur commande avec la farine
apportée par les clients6.
Les lasagne, même fabriquées à la maison, devaient sécher avant
d'être livrées à la cuisson :
« Des lasagne. Prends de la bonne farine blanche, délaie-la avec
de l'eau tiède en la gardant bien épaisse. Etends-la finement et laisse-
la sécher. Elles doivent cuire dans du bouillon de chapon ou d'autre
viande grasse. Mets-les ensuite dans un plat avec du fromage râpé,
par couches, à ta convenance7. »
II s'agit là d'une cuisine dans les règles mais on voit aussi des
lasagne préparées autrement pour un repas organisé à l'improviste.
On ne trouve alors pas d'intervalle de temps entre la fabrication et
la cuisson. Sercambi raconte ainsi l'histoire d'un frère augustin du
couvent de Lucques qui se fait inviter à diner au passage dans une
famille paysanne. Il demande à la femme si elle a de la farine et du
fromage. Sur sa réponse affirmative, il lui dit de faire des lasagne :
« et ainsi fit-elle. Et elle mit le chaudron au feu et les lasagne furent
cuites et bien fromagées ». La nouvelle nous apprend aussi que les
lasagne sont mangées immédiatement après la salade (aperitive) et
avant l'omelette8.
4. « Laganum » au sens de feuille de pâte est largement attesté dans l'Antiquité,
notamment dans le livre de cuisine attribué &#

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