La femme hystérique : émergence d une représentation - article ; n°1 ; vol.127, pg 35-49
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Description

Communication et langages - Année 2001 - Volume 127 - Numéro 1 - Pages 35-49
Dans le prolongement des travaux qu'elle nous avait donné à lire avec La Fabrique du regard (Odile Jacob, 1998), Monique Sicard nous propose de réévaluer l'image de l'hystérie à la lumière des «médiations», c'est-à- dire des dispositifs et modalités qui permirent de la révéler. L'auteur montre ainsi comment « l'hystérie » de Charcot ne pouvait être celle de Freud, l'une ayant été comprise à travers l'hôpital, l'espace public, le dortoir ou la salle commune, la photographie et le dessin, l'autre à travers le bureau, l'espace privé, le divan, l'écoute et la parole. Toutes deux se servant de l'écrit, du livre et de l'édition pour parvenir à la connaissance publique. Reste que les théories de Charcot n'auraient sans doute pas trouvé l'écho qui fut le leur si leur auteur n'avait croisé le chemin de la photographie. Monique Sicard s'intéresse alors au rôle singulier que celle-ci devait jouer dans l'élaboration de la représentation de « la femme hystérique », soulignant la fonction des médiations techniques, institutionnelles et politiques dans le regard que l'homme-technique porte sur le corps de la femme.
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Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 76
Langue Français
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Extrait

Monique Sicard
La femme hystérique : émergence d'une représentation
In: Communication et langages. N°127, 1er trimestre 2001. pp. 35-49.
Résumé
Dans le prolongement des travaux qu'elle nous avait donné à lire avec La Fabrique du regard (Odile Jacob, 1998), Monique
Sicard nous propose de réévaluer l'image de l'hystérie à la lumière des «médiations», c'est-à- dire des dispositifs et modalités qui
permirent de la révéler. L'auteur montre ainsi comment « l'hystérie » de Charcot ne pouvait être celle de Freud, l'une ayant été
comprise à travers l'hôpital, l'espace public, le dortoir ou la salle commune, la photographie et le dessin, l'autre à travers le
bureau, l'espace privé, le divan, l'écoute et la parole. Toutes deux se servant de l'écrit, du livre et de l'édition pour parvenir à la
connaissance publique. Reste que les théories de Charcot n'auraient sans doute pas trouvé l'écho qui fut le leur si leur auteur
n'avait croisé le chemin de la photographie. Monique Sicard s'intéresse alors au rôle singulier que celle-ci devait jouer dans
l'élaboration de la représentation de « la femme hystérique », soulignant la fonction des médiations techniques, institutionnelles
et politiques dans le regard que l'homme-technique porte sur le corps de la femme.
Citer ce document / Cite this document :
Sicard Monique. La femme hystérique : émergence d'une représentation. In: Communication et langages. N°127, 1er trimestre
2001. pp. 35-49.
doi : 10.3406/colan.2001.3059
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_2001_num_127_1_3059lu un
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Dans le prolongement des travaux qu'elle nous avait l'écrit, du livre et de l'édition pour parvenir
donné à lire avec La Fabrique du regard à la connaissance publique. Reste que les
(Odile Jacob, 1998), Monique Sicard nous théories de Charcot n'auraient sans doute
propose de réévaluer l'image de l'hystérie pas trouvé l'écho qui fut le leur si leur
à la lumière des «médiations», c'est-à- auteur n'avait croisé le chemin de la pho
dire des dispositifs et modalités qui permi tographie. Monique Sicard s'intéresse
rent de la révéler. L'auteur montre ainsi alors au rôle singulier que celle-ci devait
comment « l'hystérie » de Charcot ne pouv jouer dans l'élaboration de la représentat
ait être celle de Freud, l'une ayant été ion de « la femme hystérique », soulignant
comprise à travers l'hôpital, l'espace la fonction des médiations techniques,
public, le dortoir ou la salle commune, la institutionnelles et politiques dans le
photographie et le dessin, l'autre à travers regard que l'homme-technique porte sur le
le bureau, l'espace privé, le divan, l'écoute corps de la femme.
et la parole. Toutes deux se servant de
Peut-être faut-il préciser que l'histoire se passe au XIXe siècle :
juste pour que personne ne s'attende à y trouver des avions, des
machines à laver et des psychanalystes. Il n'y en a pas ici.
Alessandro Barrico, Soie, Albin Michel, 1997
C'est au moment de l'avènement de la IIIe République et au
cœur de l'espace hospitalier que Charcot commence en 1872 à
s'intéresser à l'hystérie. Il est depuis dix ans médecin de l'hos
pice de la Salpêtrière.
Après sa mort, en 1893, alors que se poursuit la publication
entreprise sous sa direction des tomes successifs de la Nouvelle
Iconographie de la Salpêtrière, la question de l'hystérie disparaît
des préoccupations des médecins de l'hôpital. Il n'est plus fait
dans l'ouvrage mention de ces crises, pourtant abondamment
décrites depuis plus de vingt ans. 36 Le corps saisi par l'image
Le corps est un objet privilégié de l'installation d'un savoir de
médiation. Par sa seule présence, il trouble son observateur,
brouillant les relations entre sujet et objet. Rien d'étonnant à ce
que, favorisé en outre par une puissante institution hospitalière,
le corps féminin ait offert à la médecine du xixe siècle l'opportu
nité de mise en place de rituels et de techniques de connais
sance. Hors de l'hôpital, les femmes hospitalisées restaient
inaccessibles. Elles ne furent connues des contemporains de
Charcot que par les photographies, les schémas et dessins, les
textes abondants rédigés par les médecins eux-mêmes. Se pen
cher sur ces intermédiaires afin de questionner l'hystérie d'une
œil neuf, c'est inviter à s'affranchir, dans un premier temps, de
l'interprétation qu'en fit Freud par la suite. Nous devons bien
admettre que si ces médiations techniques, institutionnelles, pol
itiques sont « ce par quoi la femme hystérique dut passer pour
être », cette dernière n'existerait pas sans elles.
LES TROIS HYSTÉRIES
L'hystérie de Charcot n'est pas celle de Freud : elle n'use pas des
mêmes modalités de la médiation. À la première l'hôpital, l'e
space public, le dortoir ou la salle commune, la photographie, le
dessin. À la seconde le bureau, l'espace privé, le divan, l'écoute
et la parole. À l'une et l'autre, l'écrit, le livre, l'édition.
En 1895, dans ses Études sur l'hystérie, Freud donne une pre
mière définition pleinement née des techniques de l'écoute et du
récit, parfaitement libérée de l'anatomie et des géographies du
corps : « Lhystérie est déterminée par un incident sexuel survenu
avant la puberté et qui a été accompagné de dégoût et d'effroi
[...] ». Le mot désigne aujourd'hui une névrose dont les conflits
psychiques s'expriment en des symptômes corporels divers
£j (crises, paralysies, contractures....). Les conflits refoulés, les
\ désirs interdits se manifestent ainsi sous forme de syndromes
H corporels variés. Le mot possède en outre une acception popu-
|> laire : l'hystérique est ce nerveux, sujet à des crises de nerfs, qui
5 s'exprime avec trop de conviction... L'hystérique est générale-
* ment de sexe féminin : dans la littérature, c'est le mot « femme »
| qui le plus souvent précède l'adjectif « hystérique » ; suivent de
e peu les mots « fille » ou « mère » 1. L'adjectif est notamment uti-
I lise pour qualifier les féministes.
O 1 . Sources : base numérique Frantext, INALF, CNRS, Paris. La femme hystérique : émergence d'une représentation 37
Mais pour Charcot, l'hystérie est une crise se déroulant en trois
périodes. La première (épileptoïdë) compte parmi ses symp
tômes la figure caractéristique du corps renversé en arc de
cercle. La seconde (clonique) est celle des mouvements violents
qui nécessitent l'usage de la camisole de force. La troisième (te
rminale) est une phase de résolution marquée par des périodes
d'extase ou de mélancolie.
Le mot « hystérique » n'a pas attendu Charcot pour exister. Issu
du grec hyster (utérus), il qualifie à l'origine des manifestations
de femmes, dont les grandes « épidémies » hystériques du
Moyen Âge et la «danse de Saint-Guy», décrite par les
Hughtington en 18722 sous le nom de chorée. Sous l'influence
de saint Augustin et de l'assimilation qu'il fit entre plaisir sexuel et
péché, les manifestations hystériques (des femmes mais parfois
des hommes) furent longtemps perçues comme des interven
tions du diable. La figure de la sorcière - celle qui, ayant pactisé
avec le diable, recherche le plaisir sexuel - est une figure clas
sique de l'hystérie.
Chacune des trois époques de l'hystérie ici schématiquement
définies - après Charcot, avec Charcot, avant Charcot - est non
seulement marquée par des médiations qui lui sont propres,
mais également par des représentations (des mises en pré
sence, des images mentales) spécifiques héritées du passé.
Ainsi Charcot et ses collaborateurs n'ont-ils eu de cesse, dans
les années 1 870, que de chercher les signes d

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