La France, l'Allemagne et la Constitution (1789-1815) - article ; n°1 ; vol.286, pg 459-481

Wolfgang Schmale

Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1991 - Volume 286 - Numéro 1 - Pages 459-481
Wolfgang Schmale : La France, l'Allemagne et la Constitution (1789-1815).
Cette étude se veut une approche d'histoire constitutionnelle comparative, par une contribution à l'étude de la « mentalité constitutionnelle » au XVIIIe siècle. Que recouvre la notion de constitution dans le double contexte de la France et de l'Allemagne, entre 1789 et 1815? L'auteur étudie successivement le cas des deux pays, et par là même l'écart qui se creuse du fait même des événements révolutionnaires en France, donnant au terme un contenu bien précis, alors qu'il renvoie initialement en Allemagne à l'héritage des constitutions de l'Empire et du despotisme éclairé. Mais le monde germanique, à travers les expériences de la période révolutionnaire puis impériale va être pénétré par l'influence française. La comparaison des chartes constitutionnelles, en France en 1814, en Allemagne à partir de 1818, montre que sur le plan des institutions l'écart historique entre les deux pays est désormais devenu moins net.
Wolfgang Schmale : France, Germany and the Constitution (1789-1815).
Centered in the field of comparative constitutional history, this article is presented as a contribution to the history of the constitutional mentality of the Eighteenth Century. It asks what exactly was the meaning of the idea of constitution in the twin historical context of France and Germany between 1789 and 1815. The author analyses the two countries one after another and demonstrates how the revolutionary events in France deepened the hiatus between the two, as the term took on a more specific meaning while in Germany it referred initially to vague notions inherited from the tradition of the Empire and of Enlightenment despotism. But through the experiences of the revolutionary period and then of the Napoleonic empire, German lands were to be influenced by French ideas. By comparing the constitutional documents of France in 1814 and of Germany in 1815, the author demonstrates that in the area of government, the historical distance between the two countries diminished during this period.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: ANNALES_HISTORIQUES_DE_LA_REVOLUTION_FRANCAISE
• Publié le: 01 janvier 1991
• Nombre de lectures: 51
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Wolfgang Schmale
La France, l'Allemagne et la Constitution (1789-1815)
In: Annales historiques de la Révolution française. N°286, 1991. pp. 459-481.
Citer ce document / Cite this document :
Schmale Wolfgang. La France, l'Allemagne et la Constitution (1789-1815). In: Annales historiques de la Révolution française.
N°286, 1991. pp. 459-481.
doi : 10.3406/ahrf.1991.1456
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1991_num_286_1_1456Résumé
Wolfgang Schmale : La France, l'Allemagne et la Constitution (1789-1815).
Cette étude se veut une approche d'histoire constitutionnelle comparative, par une contribution à l'étude
de la « mentalité constitutionnelle » au XVIIIe siècle. Que recouvre la notion de constitution dans le
double contexte de la France et de l'Allemagne, entre 1789 et 1815? L'auteur étudie successivement le
cas des deux pays, et par là même l'écart qui se creuse du fait même des événements révolutionnaires
en France, donnant au terme un contenu bien précis, alors qu'il renvoie initialement en Allemagne à
l'héritage des constitutions de l'Empire et du despotisme éclairé. Mais le monde germanique, à travers
les expériences de la période révolutionnaire puis impériale va être pénétré par l'influence française. La
comparaison des chartes constitutionnelles, en France en 1814, en Allemagne à partir de 1818, montre
que sur le plan des institutions l'écart historique entre les deux pays est désormais devenu moins net.
Abstract
Wolfgang Schmale : France, Germany and the Constitution (1789-1815).
Centered in the field of comparative constitutional history, this article is presented as a contribution to
the history of "the constitutional mentality" of the Eighteenth Century. It asks what exactly was the
meaning of the idea of constitution in the twin historical context of France and Germany between 1789
and 1815. The author analyses the two countries one after another and demonstrates how the
revolutionary events in France deepened the hiatus between the two, as the term took on a more
specific meaning while in Germany it referred initially to vague notions inherited from the tradition of the
Empire and of Enlightenment despotism. But through the experiences of the revolutionary period and
then of the Napoleonic empire, German lands were to be influenced by French ideas. By comparing the
constitutional documents of France in 1814 and of Germany in 1815, the author demonstrates that in
the area of government, the historical distance between the two countries diminished during this period.LA FRANCE, L'ALLEMAGNE ET
LA CONSTITUTION (1789-1815)*
Remarques liminaires
En 1989, l'Allemagne a commémoré le Bicentenaire de la Révolution
comme nul autre pays, mis à part la France. Et pour cause ! Ce pays fut
profondément touché et concerné par la Révolution française sur les plans
politique, économique et culturel. Jusque dans le passé le plus récent, l'inte
rprétation de la Révolution a aussi marqué les camps politiques en Alle
magne. Il ne faut que penser au débat politique sous la République de
Weimar (1).
Il va de soi que la question constitutionnelle y est d'un poids considér
able, non seulement dans une vue a posteriori. A l'époque de la Révol
ution même, cette question a agité les esprits plus qu'aucune autre. Quand
la révolution « éclata » en France, l'Allemagne était en plein débat consti
tutionnel, un débat pour ainsi dire authentique, mais qui fut « perturbé »
par les événements révolutionnaires. Les deux, la France et l'Allemagne,
furent travaillés par la « fièvre de la constitution », comme l'a dit l'avocat
Ducancel, certes, à l'égard de toute l'Europe, en 1814 (2).
D'où sont partis les deux pays en 1789, quelles sont les différences,
comment s'entrelacent les deux histoires, où en est-on arrivé à la fin de
l'époque napoléonienne? Pour ce que j'en vois, l'histoire constitutionnelle
* Ce numéro consacré aux rapports de la Révolution française et d'une Europe largement taillée
s'inscrit certes dans la continuité de nos précédentes parutions, mais annonce également les numéros spéciaux
que nous consacrerons à ce thème au cours de l'année 1992 (N.D.L.R.).
(1) K. Sontheimer, Antidemokratisches Denken in der Weimarer Republik. Die politischen Ideen
des deutschen Nationalismus zwischen 1918 und 1933, Mùnchen, 1978. Folgen der franzosischen Revol
ution, sous la dir. de H. Krauss, Frankfurt, 1989.
(2) M.C.P. Ducancel (Avocat, membre du Collège électoral du département de l'Oise), La consti
tution non écrite du Royaume de France, Et les preuves qu'elle n'a jamais cessé, un seul instant, d'être
en vigueur depuis Clovis jusqu'à ce jour; suivies d'un Projet de Charte, Pouvant former le Droit public
de France, à l'Avènement de Sa Majesté Louis XVIII au Trône, Paris, 1814.
Annales Historiques de la Révolution Française — 1991 — N° 4 WOLFGANG SCHMALE 460
comparative reste toujours un chantier ouvert. Somme toute, le Bicente
naire n'a pas été un temps fort pour l'histoire constitutionnelle. Serait-ce
parce que tout a été dit ? Certainement pas, mais il me semble nécessaire
de donner de nouvelles perspectives à l'histoire L'évolution
actuelle de l'Europe impose quasiment l'histoire comparative. Découvrir
et décrire les origines sociales, mentales et intellectuelles communes de
l'Europe contemporaine, c'est là une tâche aussi séduisante que problémat
ique.
Sous un angle de vue méthodologique, l'histoire comparative permet,
ou peut permettre, de mieux comprendre des pays européens,
de mieux percevoir ce qui relève de l'histoire nationale ou bien de l'histoire
transnationale. Ce qu'il y a de plus, c'est qu'il y a toujours eu cette cons
cience qu'il existe une « histoire européenne », une sorte de tissu structurel
et mental. Celui-ci s'exprime sous la forme de la communauté culturelle
européenne dont la vivacité, après — et malgré — quarante-cinq ans de
division idéologique, se manifeste de plus belle dans les pays de l'Europe
de l'Est. Par rapport à ces perspectives, le propos de cet article de revue
est extrêmement modeste.
Dans un petit livre, j'ai essayé d'ouvrir une brèche pour une histoire
de la « mentalité constitutionnelle » au XVIIIe siècle (3). Le point de départ
fut, dans un premier temps, la notion de constitution même, son histoire,
le progrès de son enracinement social et mental, finalement le déploiement
révolutionnaire de sa force motrice pour le « bonheur des hommes » devant
laquelle s'éclipse même la religion — non pas celle du patriote, mais celle
du chrétien. C'est paradoxalement, mais de manière facile à expliquer,
ce dernier aspect qui fait la véritable différence entre l'histoire de la Const
itution en France et en Allemagne à l'époque révolutionnaire. Cependant,
la présente étude ne se limitera pas à cet aspect-là, même s'il est décisif.
L'histoire de la mentalité constitutionnelle comporte bien plus. Ce qui suit
n'est qu'une esquisse, ne peut être qu'une esquisse, vu l'état actuel de la
question (4).
En 1789, l'écart politique entre la France et l'Allemagne devient manif
este. En France, le peuple prend le pouvoir en main, « la Constitution »
devient un sujet de préoccupation et même de passion. En Allemagne,
l'ère des Lumières incline vers sa fin, la répression politique devient un
(3) W. Schmale, Entchristianisierung, Revolution und Verfassung. Zur Mentalitàtsgeschichte der
Verfassung in Frankreich, 1715-1794, Berlin, 1988 (Déchristianisation, révolution et constitution. A propos
de l'histoire de la mentalité constitutionnelle en France, 1715-1794). Ce livre se réfère essentiellement
à la France. Depuis, lors de quelques conférences ou congrès à Francfort (1988) et Paris (1989), concernant
la question, j'ai repris le sujet dans une perspective comparative. Les discussion quelquefois très vives
m'ont déterminé à présenter mes réflexions à un public plus large.
(4) Cf. biblio. partie D). Il y a, bien sûr, des études comparatives d'histoire générale, mais l'histoire
constitutionnelle comparative proprement dite n'y figure que rarement. LA FRANCE, L'ALLEMAGNE ET LA CONSTITUTION (1789-