La mort des saints fondateurs. De Martin à François - article ; n°1 ; vol.149, pg 193-215
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Description

Publications de l'École française de Rome - Année 1991 - Volume 149 - Numéro 1 - Pages 193-215
La mort des saints fondateurs d'une communauté religieuse se doit d'être et sainte et fondatrice. Elle constitue, selon le mot de Grégoire de Nazianze, « une législation de la vie monastique en forme de récit », en ce moment où se joue le périlleux passage «de l'intuition à l'institution», du charisme personnel à la normalisation d'une vie quotidienne collective.
Ce délicat transitus est étudié d'abord au travers d'une soixantaine de vies de saints fondateurs, des Pères de l'Orient aux saints du Moyen Âge central, afin d'en repérer le déroulement, les topoi, les figures. Puis l'étude se centre sur deux personnalités éminemment problématiques, Robert d'Arbrissel et François d'Assise qui, à cent dix ans de distance, tentèrent au moment de mourir, par leurs propos et leurs gestes ou par leurs volontés d'ensevelissement, de transmettre à leurs disciples l'intégrité du complexe propositum qui avait animé leurs propres vies.
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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 120
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jacques Dalarun
La mort des saints fondateurs. De Martin à François
In: Les fonctions des saints dans le monde occidental (IIIe-XIIIe siècle). Actes du colloque de Rome (27-29 octobre
1988). Rome : École Française de Rome, 1991. pp. 193-215. (Publications de l'École française de Rome, 149)
Résumé
La mort des saints fondateurs d'une communauté religieuse se doit d'être et sainte et fondatrice. Elle constitue, selon le mot de
Grégoire de Nazianze, « une législation de la vie monastique en forme de récit », en ce moment où se joue le périlleux passage
«de l'intuition à l'institution», du charisme personnel à la normalisation d'une vie quotidienne collective.
Ce délicat transitus est étudié d'abord au travers d'une soixantaine de vies de saints fondateurs, des Pères de l'Orient aux saints
du Moyen Âge central, afin d'en repérer le déroulement, les topoi, les figures. Puis l'étude se centre sur deux personnalités
éminemment problématiques, Robert d'Arbrissel et François d'Assise qui, à cent dix ans de distance, tentèrent au moment de
mourir, par leurs propos et leurs gestes ou par leurs volontés d'ensevelissement, de transmettre à leurs disciples l'intégrité du
complexe propositum qui avait animé leurs propres vies.
Citer ce document / Cite this document :
Dalarun Jacques. La mort des saints fondateurs. De Martin à François. In: Les fonctions des saints dans le monde occidental
(IIIe-XIIIe siècle). Actes du colloque de Rome (27-29 octobre 1988). Rome : École Française de Rome, 1991. pp. 193-215.
(Publications de l'École française de Rome, 149)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1991_act_149_1_4197JACQUES DALARUN
LA MORT DES SAINTS FONDATEURS
DE MARTIN À FRANÇOIS
On peut, sans craindre le paradoxe, affirmer que le jour de la mort
du saint est le jour essentiel de sa vie, et ce parce qu'il est jour de sa
naissance, dies natalis. La mort du saint fondateur, ait institué une
infime communauté ou un ordre puissant1, tient à la fois de la mort
du saint2, de la mort du moine3, mais elle est encore beaucoup plus
1 Nous redisons après Jean-François Gilmont, Paternité et médiation du fondateur
d'ordre, dans Revue d'ascétique et de mystique, XL, 1964, p. 393, note 1 : «La notion de
' fondateur ' est [. . .] envisagée ici avec une certaine souplesse ». Nous y revenons ci-des
sous, note 11.
2 Cf. Pierre Buglioni, La scène de la mort dans les premières hagiographies latines,
dans Le sentiment de la mort au Moyen Âge. Études présentées au cinquième colloque de
l'Institut d'études médiévales de l'Université de Montréal, dir. C. Sutto, Montréal, 1979,
p. 185-210; Michel Lauwers, La mort et le corps des saints. La scène de la mort dans les
vitae du haut Moyen Âge, dans Le Moyen Âge, XCIV, 1988, p. 21-50. Sur la tradition de
l'épitaphe, cf. Patrick Corbet, Les saints ottoniens. Sainteté dynastique, sainteté royale et
sainteté féminine autour de l'an Mil, Sigmaringen, 1986, p. 83-84.
3 Cf. Louis Gougaud, Anciennes coutumes claustrales. La mort du moine, dans Revue
Mabillon, XIX, 1929, p. 281-302; Guy de Valous, Le monachisme clunisien des origines au
XVe siècle, I, Ligugé, 1935, p. 294-298; Jean Leclercq, Documents sur la mort des moines,
dans Revue Mabillon, XLV, 1955, p. 165-180, et XL VI, 1956, p. 65-81; Henri Platelle, La
mort précieuse. La mort des moines d'après quelques sources des Pays-Bas du Sud, dans
Revue Mabillon, LX, 1982, p. 151-174; Jean Leclercq, La mort d'après la tradition monast
ique du Moyen Âge, dans Studia missionaria, XXXI, 1982, p. 71-77; Georges Duby, Conviv
ialité, dans Histoire de la vie privée, II, Paris, 1985, p. 65-66; Jean Heuclin, Aux origines
monastiques de la Gaule du Nord. Ermites et reclus du Ve au XIe siècle, Lille, 1988, p. 230-
231 ; Dominique Iogna-Prat, Les morts dans la compatibilité céleste des Clunisiens de l'an
Mil, dans Religion et culture autour de l'an Mil, Paris, 1990, p. 55-69. La source la plus
éloquente est le Liber tramitis aevi Odilonis, éd. P. Dinter, Corpus consuetudinum monas-
ticarum, X, p. 272-278; où l'on voit que les exempta sanctorum dictent la mort monastiq
ue. 194 JACQUES DALARUN
que cela. Commentant la relation de la mort d'Antoine par Athanase,
Grégoire de Nazianze juge qu'elle constitue «une législation de la vie
monastique en forme de récit»4. Ce qui se joue en effet au moment
précis du transitus du saint fondateur, c'est non seulement le passage
attendu de l'ici-bas à l'au-delà, c'est aussi le passage périlleux d'un cha
risme personnel à une institution faite pour durer, d'un idéal toujours
et toujours plus idéalisé par l'hagiographe à une pratique quotidienne,
à une nécessaire insertion dans l'Église et dans la société5. Pierre Tou-
bert souligne que nombre d'entreprises hagiographiques sont ainsi
«sous-tendues par la recherche problématique du sens institutionnel
que l'on voudrait donner à une vie de fondateur et à tous les symboles
dont on la charge»6. Or le temps de la mort, son immédiat avant et
son immédiat après sont les moments où cette quête atteint sa plus for
te intensité7. En un mot, la mort du saint fondateur se doit d'être une
mort et sainte et fondatrice. Fonder, c'est à coup sûr l'une des fonc
tions essentielles de la sainteté.
Passant sous silence les aspects purement théologiques - paternité
4 Grégoire de Ναζιανζέ, Éloge d' Athanase, dans PG, XXXV, col. 1088, cité par Moni
que Alexandre, À propos du récit de la mort d'Antoine (Athanase, Vie d'Antoine, PG 26,
968-974, § 89-93). L'heure de la mort dans la littérature monastique, dans Le temps chrétien
de la fin de l'Antiquité au Moyen Âge, IIIe-XIIIe siècles. Paris, 9-12 mars 1981, Paris, 1984,
p. 263.
5 Ce que A. Hayen, La signification d'un double anniversaire, dans Revue des com
munautés religieuse, XXX, 1958, p. 107, appelle «la loi de la retombée spirituelle»; cité
par J.-F. Gilmont, art. cit., p. 417-418. Ce sentiment est renforcé par trois facteurs: les
écrits des disciples vieillissants, regrettant l'âge d'or des origines; les réécritures légen
daires à visées moralisatrices et réformatrices; enfin, aux yeux de l'historien, le passage
des sources hagiographiques, souvent seules à témoigner des débuts d'une communauté,
aux actes de la pratique, reflet de la vie quotidienne, matérielle de l'ordre lancé. D'où le
sempiternel discours sur la «décadence». Nous préférons l'approche de Théophile Des
bonnets, De l'intuition à l'institution. Les Franciscains, Paris, 1983.
6 Dans la préface dont il a honoré mon ouvrage, L'impossible sainteté. La vie retrou
vée de Robert d'Arbrissel (v. 1045-1116), fondateur de Fontevraud, Paris, 1985, p. 13. Cette
réflexion de P. Toubert est à l'origine de la présente étude.
7 Nous pouvons reprendre les propos de P. Buglioni, art. cit., p. 187 : «En réalité, la
mort que l'on va décrire n'est pas le seul instant du trépas, mais l'ensemble des derniers
jours, selon une tendance déjà bien ancrée dans la biographie romaine, dans les exitus
virorum illustrium, renforcée par les habitudes hagiographiques des passions des martyrs
et l'exemple le plus illustre, celui des Évangiles réservant la plus grande place au récit
des derniers jours du Christ». Cf. A. Ronconi, s.v. Exitus virorum illustrium, dans Reallexi-
kon fur Antike und Christentum, VI, col. 1258-1268. LA MORT DES SAINTS FONDATEURS DE MARTIN À FRANÇOIS 195
et médiation, qui font presque par force du fondateur un saint8 - et
les riches éléments liturgiques9 ou anthropologiques10 du sujet abord
é, nous ne retiendrons que ses implications «politiques», et surtout de
politique interne aux instituts religieux. Loin de prétendre rendre
compte de la mort des fondateurs et de ses inflexions dans la longue
durée, nous n'évoquerons les prémices hagiographiques de l'Orient et
de l'Occident que pour avoir la trame, le modèle littéraire sur lequel
viendront broder les saints médiévaux et leurs scribes. Encore, sur la
période médiévale, notre propos se résumera-t-il à ceci : voir comment
deux saints fondateurs, Robert d'Arbrissel en 1116 et François d'Assise
en 1226, ont à leur

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