La peste soit des Huguenots. Étude d une logique d exécration au XVIe siècle - article ; n°4 ; vol.11, pg 553-570
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La peste soit des Huguenots. Étude d'une logique d'exécration au XVIe siècle - article ; n°4 ; vol.11, pg 553-570

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Histoire, économie et société - Année 1992 - Volume 11 - Numéro 4 - Pages 553-570
Abstract In Catholic discourse of the latter part of the 16th century, the presence of the Huguenot in France was regarded as a spiritual pestilence infecting French society. Huguenots were stigmatized to the point that even their bodies were seen as diseased, a manifestation of their spiritual deviation. This text serves as an attempt to undestand the genesis and proliferation of this morbid discourse as well as the absolute hatred which it provoked.
Résumé Dans le discours catholique des ligueurs de la fin du XVIe siècle en France, la lèpre et la peste spirituelles sont des marques d'infamie qui frappent les huguenots. Renégats, les réformés donnent à voir dans leurs corps les stigmates de leur ignominie. Ce texte tente de comprendre les ressorts que sous-tend cette logique d'exclusion.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anne-Marie Brenot
La peste soit des Huguenots. Étude d'une logique d'exécration
au XVIe siècle
In: Histoire, économie et société. 1992, 11e année, n°4. pp. 553-570.
Résumé Dans le discours catholique des ligueurs de la fin du XVIe siècle en France, la lèpre et la peste spirituelles sont des
marques d'infamie qui frappent les huguenots. Renégats, les réformés donnent à voir dans leurs corps les stigmates de leur
ignominie. Ce texte tente de comprendre les ressorts que sous-tend cette logique d'exclusion.
Abstract
Abstract In Catholic discourse of the latter part of the 16th century, the presence of the Huguenot in France was regarded as a
spiritual pestilence infecting French society. Huguenots were stigmatized to the point that even their bodies were seen as
diseased, a manifestation of their spiritual deviation. This text serves as an attempt to undestand the genesis and proliferation of
this morbid discourse as well as the absolute hatred which it provoked.
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Brenot Anne-Marie. La peste soit des Huguenots. Étude d'une logique d'exécration au XVIe siècle. In: Histoire, économie et
société. 1992, 11e année, n°4. pp. 553-570.
doi : 10.3406/hes.1992.1650
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1992_num_11_4_1650LA PESTE SOIT DES HUGUENOTS
ÉTUDE D'UNE LOGIQUE D'EXECRATION
AU XVIe SIECLE
par Anne-Marie BRENOT
Résumé
Dans le discours catholique des ligueurs de la fin du XVIe siècle en France, la lèpre et la peste
spirituelles sont des marques d'infamie qui frappent les huguenots. Renégats, les réformés donnent à
voir dans leurs corps les stigmates de leur ignominie. Ce texte tente de comprendre les ressorts que
sous-tend cette logique d'exclusion.
Abstract
In Catholic discourse of the latter part of the 16th century, the presence of the Huguenot in
France was regarded as a spiritual pestilence infecting French society. Huguenots were stigmatized to
the point that even their bodies were seen as diseased, a manifestation of their spiritual deviation. This
text serves as an attempt to undestand the genesis and proliferation of this morbid discourse as well as
the absolute hatred which it provoked.
Non, non, je ne veux point que ceux qui doivent naistre,
Pour un fol huguenot me puissent recognoistre
Je n'aime point ces noms qui finissent en ots
Gots, cagots, austrogots, visigots et huguenots
Ils me sont odieux comme peste et je pense
qu'ils sont prodigieux à l'empire de France.
Ronsard, Discours des misères du temps.
Qu'il soit religieux ou politique, qu'il appartienne au registre de la littérature de
combat ou à la création poétique, le discours du XVIe siècle fait du huguenot un
pestiféré et un lépreux. Pour tous, la rupture s'imprime par l'ulcère. Il faut renouer
avec la radicalité des écrivains ligueurs1 à la veille de l'Edit de Nantes pour
comprendre la logique de violence et l'imaginaire d'exclusion qu'un tel langage
implique. C'est ce que cette étude se propose de faire. 554 HISTOIRE ECONOMIE ET SOCIETE
L'HÉRÉSIE COMME PLAIE DU ROYAUME
Uhérésie huguenote qu'elle soit calviniste ou luthérienne est associée dans le dis
cours politique de la fin du XVIe siècle à une maladie qui tenaille le corps social. Mi
nimisée, l'hérésie est un accès de fièvre passager tout au plus une coqueluche dont les
quintes de toux affectent l'Église et la société. Cependant et d'une façon plus générale,
l'hérésie est traduite en termes de peste ou de lèpre, incluant la longue litanie des ul
cères purulents et des chancres fétides. La lèpre et la peste ont à l'époque une valeur
de génériques, englobant des affections diverses comme la syphilis, la teigne, la gale,
l'exanthème ou le prurit. Les termes pour désigner la peste sont par ailleurs nom
breux : fièvre pestilente, ou bubonique, caquesangue, suette, trousse-galant, charbon,
pourpre. Quant à la lèpre, la tradition en distingue quatre sortes : la lèpre elephantine,
la serpentine, la vulpine et enfin la lèpre léonine en raison du faciès léonin et hideux à
voir qui affecte les malades. De même dans la typologie des tumeurs, Ambroise Paré
place le chancre du cancer parmi les tumeurs contre-nature et le distingue des autres
types d'ulcères à savoir : l'ulcère venimeuse qui recèle la présence de vers dans la
plaie, l'ulcère louvetière qui ronge la chair comme un loup, l'ulcère cuniculeuse en
raison de la multiplicité des cavités creusées2. Cette terminologie abondante est in
stable d'où des glissements sémantiques qui aboutissent à une confusion de la lèpre
avec la syphilis ou encore à une identification symbolique du cancer à la peste. D'un
point de vue linguistique, la variété du vocabulaire pathologique est à mettre en rela
tion avec un état de choc émotionnel. En reprenant à son compte les termes génér
iques3, de peste, de lèpre, d'ulcère ou même de cancer, le langage politique identifie
les hérésies protestantes à des fléaux du genre humain.
Sur le plan symbolique, l'hérétique protestant est ainsi un être repoussant, couvert
de plaies sanguinolentes et de bubons infectés. La littérature de l'époque présente les
progrès de la religion réformée en termes d'épidémie à la fois foudroyante et récur
rente avec fiche clinique à l'appui. Voici en quels termes Louis Dorléans, ligueur
convaincu décrit le chancre de l'hérésie :
Je ferois volontiers ma comparaifon du chancre. D'autant que 1ЪегеПе aux Saintes Lettres eft
accomparée au chancre qui eft hideux à veoir. Car s'il eft ulcéré il a les lèvres groffes livides
dures noueufes & eflevées : il iette une sanie & une bourbe puante et cadavéreuse, tantoft noire
tantoft rouffe et sanguinolente. C'est un ulcère malin rebelle intraictable furieux & cruel qui
confomme en peu de temps la vertu du corps ... 4
La description correspond exactement à celle du chancre ulcéré faite par Ambroise
Paré. Qu'on en juge :
(le chancre) Estant ulcéré est fort sordide, ayant les lèvres fort grosses, dures, noueuses,
renversées, eslevées, horrible à veoir iettant une sanie ichoreuse sireuse et très puante et
cadavéreuse tantost noire et sanguinolente5.
Visiblement, le discours politique colle au discours médical. Cette pathologie
exemplaire aboutit à inscrire la maladie comme catégorie politique. Le chancre de
l'hérésie est une plaie du corps parce qu'il est avant tout une tare de l'esprit. LA PESTE SOIT DES HUGUENOTS 555
La position de l'Église sur le problème de la maladie perçue comme malédiction,
est à nuancer. S'il a toujours existé un courant qui attribue la maladie au péché, il n'en
demeure pas moins qu'aux yeux de l'Église, toute souffrance vécue dans la foi est r
édemptrice et digne de compassion. Job, le juste accablé sous les épreuves et rongé
d'ulcères est là pour en témoigner. Sous l'empire de la violence, les Ligueurs simpli
fient et radicalisent à l'excès un discours religieux6 qui s'est humanisé aux XVe et
XYIe siècles. Cependant au plus profond des mentalités, la maladie reste marquée des
stigmates du péché. Prenant exemple dans les Saintes Écritures, Nicolas de Thou qui a
sacré Henri IV à Chartres le 27 février 1594 rappelle :
Non seulement l'infirmité du corps provient des malignes humeurs le remplissons de
corruption par mauvaise température, mais de péché qui est pire altération et beaucoup plus
dangereuse et exitiale. Pour ce Iesus-Christ ayant guary les goutteux et paralytique évangélique
leur enjoignit expressément de ne plus pécher, afin que la cause de leur indisposition cessant
l'effet cessait et fussent remis en leur naturelle vigueur^.
Ambroise Paré ne pense pas autrement et l'homme de l'art qui s'ingénie à soigner
n'en indique pas moins qu'à l'origine des épidémies se trouvent les perversions hu
maines. Ce sont les péchés d'idôlatrie et les superstitions qui déclenchent les foudres
divines. Le médecin peut s'efforcer de soulager voire tenter de guérir, mais au bout du
compte, le traitement de fond consiste en une stricte obéissance aux commandements
de l'Evangile.
Concluons donc que la peste et autres maladies dangereuses sont t&

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