La polysémie contre le fixisme - article ; n°1 ; vol.113, pg 107-123
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Description

Langue française - Année 1997 - Volume 113 - Numéro 1 - Pages 107-123
F. RÉCANATI : La polysémie contre le fixisme Semantic « fixism » is the view according to which non-indexical words and phrases possess Fregean senses conventionally, that is, in a fixed and context-independent manner. I show thai fixism cannol accounl for systematic polysemy in a satisfactory way. To account for systematic polysemy, we must acknowledge that the sense of an expres sion (its condition of satisfaction) is generated rather than merely selected. In the third part of the paper I discuss two models of sense generation. According to « segregalio nism », the sense of a word is generated through the interaction of its context- independent meaning with the context-independent meanings of the other words in the sentence. According to « contextualism », the sense of an expression is generated through the interaction of that expression's meaning with the context, both linguistic and extralinguistic.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Récanati
La polysémie contre le fixisme
In: Langue française. N°113, 1997. pp. 107-123.
Abstract
F. Récanati : La polysémie contre le fixisme
Semantic « fixism » is the view according to which non-indexical words and phrases possess Fregean senses conventionally,
that is, in a fixed and context-independent manner. I show thai fixism cannol accounl for systematic polysemy in a satisfactory
way. To account for systematic polysemy, we must acknowledge that the sense of an expres sion (its condition of satisfaction) is
generated rather than merely selected. In the third part of the paper I discuss two models of sense generation. According to «
segregalio nism », the sense of a word is generated through the interaction of its context- independent meaning with the context-
independent meanings of the other words in the sentence. According to « contextualism », the sense of an expression is
generated through the interaction of that expression's meaning with the context, both linguistic and extralinguistic. Semantic «
fixism » is the view according to which non-indexical words and phrases possess Fregean senses conventionally, that is, in a
fixed and context-independent manner. I show that fixism cannot account for systematic polysemy in a satisfactory way. To
account for systematic polysemy, we must acknowledge that the sense of an expression (its condition of satisfaction) is
generated rather than merely selected. In the third part of the paper I discuss two models of sense generation. According to «
segregationism », the sense of a word is generated through the interaction of its context- independent meaning with the context-
independent meanings of the other words in the sentence. According to « contextualism », the sense of an expression is
generated through the interaction of that expression's meaning with the context, both linguistic and extralinguistic.
Citer ce document / Cite this document :
Récanati François. La polysémie contre le fixisme. In: Langue française. N°113, 1997. pp. 107-123.
doi : 10.3406/lfr.1997.5373
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1997_num_113_1_5373François RÉCANATI
CREA, CNRS/École Polytechnique
LA POLYSEMIE CONTRE LE FIXISME
Nihd est in lingua quod non prius fuerit in oratione.
Emile Bonveniste
La tradition dominante en sémantique est la tradition que j'appellerai ici
« fixiste ». Selon cette tradition, les mots possèdent des sens fixes, déterminés par les
conventions du langage. Mais il y a une autre tradition, moins bien connue, qui défend
la position inverse. Selon cette autre tradition, que j'appelle « contextualiste », le sens
des mots varie systématiquement et n'est pas fixé une fois pour toutes. (La variation en
question n'est pas diachronique mais synchronique : même relativement à un état de
langue donné, le sens des mots varie systématiquement d'une occurrence à l'autre.)
Ainsi que j'essaierai de le montrer dans cet article, le phénomène de la polysémie
pose un problème pour la tradition fixiste et doit conduire le théoricien à prendre ses
dislances vis-à-vis d'elle. On peut, cependant, être plus ou moins radical dans la
critique qu'on fait de la doctrine fixiste. Dans la dernière partie de cet article, je
brosserai un panorama des différentes approches possibles.
1 . La tradition fixiste
1.1. Sens et conditions de satisfaction
La conception du sens qui est pertinente pour le débat qui nous occupe peut être
qualifiée de « frégéenne » au sens large. Soit l'adjectif « adultère ». Le sens de ce mot,
dans cette conception, ce sont les conditions que quelque chose doit satisfaire afin que le
mot s 'y applique. En l'occurrence, pour que ce mot s'applique, il faut que l'objet auquel
on l'applique soit un individu humain, d'âge adulte, marié, monogame, et qui ait des
rapports intimes avec une personne autre que son conjoint ou sa conjointe. De même, le
mot « chauve » a des conditions d'application (ou conditions de satisfaction) : ce mot
s'applique à un individu humain à la condition qu'il soit dépourvu de cheveux.
En ce point, plusieurs précisions sont nécessaires :
• Mes deux exemples sont des adjectifs, mais les autres types de mots (noms, verbes,
etc.) ont aussi des conditions d'application. Cependant, je ne prétends ni que tous les
mots aient des d'application, ni que les conditions d'application épuisent
le sens des mots. En fait les conditions d'application correspondent au composant
représentationnel du sens, et j'admets qu'il y a un autre composant, de nature
107 tel que (i) le sens de la plupart des expressions comporte les deux aspects : différente,
un aspect représentationncl (les conditions d'application) et un aspect plus procé
durai, et (ii) le sens de certaines expressions est entièrement non représentationnel.
Sur cette distinction entre les deux aspects ou composants du sens, je renvoie à mes
premiers travaux, et notamment à mon livre Les Enoncés performalifs (Récanati
1981). Je me concentrerai ici sur l'aspect représentationnel — le sens comme
conditions d'application.
• La conception frégéenne du sens comme conditions d'application est compatible avec
l'idée (présentée tantôt comme « néo-frégéenne » et tantôt comme « anti-
frégéenne ») selon laquelle les conditions d'application d'un mot ne sont pas néces
sairement « descriptives », c'est-à-dire formulables en termes généraux (comme
dans les exemples que j'ai donnés). Seuls les mots que l'on peut « définir » sont tels
que leurs conditions d'application peuvent être énoncées en termes généraux ; or, il
est bien connu qu'on ne peut pas définir tous les mots — très loin de là (Récanati
1986). Ainsi l'homme de la rue serait bien en peine de définir un mot aussi simple et
courant que le mot « chat » : il peut seulement indiquer l'animal dont il s'agit, en
exhibant un spécimen ou en décrivant les propriétés phénoménales (mais non essent
ielles ou définitoires) des chats typiques '. Cela n'empêche pas le mot « chat »
d'avoir des conditions d'application, dont la formulation ne pourra faire appel à des
termes généraux seulement mais devra inclure un élément démonstratif (correspon
dant aux spécimens exhibés) : ainsi, dira-l-on, le mot « chat » s'applique à un objet
x si et seulement si x est un animal de même nature que les spécimens que voici
(Putnam 1975).
I /énoncé complet lui-même possède quelque chose d'analogue aux conditions
d'application, à savoir des conditions de vérité. Mais alors que les conditions d'appli
cation d'une expression sont les conditions que doit remplir un objet (ou une séquence
d'objets) pour que l'expression s'y applique, les conditions de vérité d'un énoncé sont
les conditions que doit remplir le monde (et non tel ou tel objet particulier) pour que
l'énoncé le décrive correctement et soit vrai. Ainsi « le Prince Charles est adultère » est
vrai si et seulement si la personne qui remplit les conditions (non descriptives) d'appli
cation de l'expression « le Prince Charles » remplit aussi les conditions d'application de
« adultère ». Il y a un rapport systématique, composilionnel, entre les conditions de
vérité de l'énoncé et les conditions d'application des constituants. Je parlerai, de façon
générale, de « conditions de satisfaction » pour désigner à la fois les conditions d'ap
plication des constituants et les conditions de vérité des énoncés complets.
La propriété cruciale du sens, ainsi conçu, est qu'il détermine l'extension. Etant
donne un monde, les conditions d'application des mots déterminent leur extension dans
ce monde (les objets auxquels ils s'appliquent). Supposons un monde comprenant un
certain nombre d'individus, et, parmi ces individus, un sous-ensemble d'individus
dépourvus de cheveux, à savoir Jean, Paul, et Max. Les conditions de satisfaction de
1. Le « stéréotype » lui-même a valeur démonstrative et sert à indiquer les spécimens
pertinents.
108 « chauve » déterminent que Jean, Paul et Max tombent dans l'extension de ce mot. Le
sens des mots peut ainsi être modelisé comme une fonction des mondes dans les
extensions. Pour les énoncés, on peut adopter l'idée de Frege selo

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