La presse clandestine - article ; n°1 ; vol.108, pg 125-136
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1996 - Volume 108 - Numéro 1 - Pages 125-136
Olivier Wievorka, La presse clandestine, p. 125-136. La presse clandestine souhaite opposer au nazisme une contre-propagande tout en voulant agir sur l'opinion publique (que les Français soient présentés comme victimes ou complices des occupants allemands). Ceci posé, la presse clandestine reste avant tout un média placé en concurrence avec les ondes londoniennes. Les relations sont tantôt placées sous le signe de la connivence (quand la presse reprend les consignes du général De Gaulle dont elle popularise la figure), tantôt sous le signe de la concurrence (quand elle développe ses projets politiques). Mais a-t-elle été crédible et efficace? Les procédures de validation (refus du bourrage de crâne, citation de la presse neutre, risque encourus...) ont sans doute légitimé le discours résistant. Mais son efficacité reste difficile à prouver. La presse a sans nul doute contribué à légitimer et de Gaulle, et la Résistance, mais sa capacité à mobiliser les Français est probablement restée limitée.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 70
Langue Français

Extrait

Olivier Wieviorka
La presse clandestine
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 108, N°1. 1996. pp. 125-136.
Résumé
Olivier Wievorka, La presse clandestine, p. 125-136.
La presse clandestine souhaite opposer au nazisme une contre-propagande tout en voulant agir sur l'opinion publique (que les
Français soient présentés comme victimes ou complices des occupants allemands). Ceci posé, la presse clandestine reste avant
tout un média placé en concurrence avec les ondes londoniennes. Les relations sont tantôt placées sous le signe de la
connivence (quand la presse reprend les consignes du général De Gaulle dont elle popularise la figure), tantôt sous le signe de
la concurrence (quand elle développe ses projets politiques). Mais a-t-elle été crédible et efficace? Les procédures de validation
(refus du bourrage de crâne, citation de la presse neutre, risque encourus...) ont sans doute légitimé le discours résistant. Mais
son efficacité reste difficile à prouver. La a sans nul doute contribué à légitimer et de Gaulle, et la Résistance, mais sa
capacité à mobiliser les Français est probablement restée limitée.
Citer ce document / Cite this document :
Wieviorka Olivier. La presse clandestine. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 108, N°1. 1996.
pp. 125-136.
doi : 10.3406/mefr.1996.4426
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1996_num_108_1_4426OLIVIER WIEVIORKA
LA PRESSE CLANDESTINE
Si la presse clandestine représente un champ de longue date défriché
par des cohortes d'historiens, les moissons restent, à de brillantes excep
tions près, limitées. Les recherches abordent fréquemment les problèmes
matériels que soulèvent l'impression et la diffusion. Elles proposent de
roboratives études de contenu où les chercheurs quantifient et analysent
les thèmes traités par les organes clandestins. Mais elles omettent fréquem
ment de traiter la presse clandestine pour ce qu'elle est, à savoir un média.
Un média bien entendu placé sous la double contrainte des pénuries et de
la répression. Mais un média dont la forme détermine largement et le mess
age, et sa réception. Un média enfin qui pâtit ou accepte la concurrence
d'autres vecteurs, la radio au premier chef mais la presse officielle ou l'édi
tion également.
Ce parti-pris, faut-il l'avouer, invite à se saisir du problème sous un
angle différent. Loin de considérer que le journal se borne à refléter ou à
exprimer les idéologies résistantes - ce que postule l'analyse de contenu -,
il convient d'affirmer que la presse constitue le lieu où s'élabore des straté
gies discursives plurielles, voire contradictoires. Elle s'efforce en effet de
modeler l'opinion publique en l'informant ou en développant une contre-
propagande destinée à miner les discours vichyste ou nazi. Mais elle vise
également à mobiliser les Français en les engageant dans un processus de
lutte civile ou militaire dont l'insurrection nationale forme le couronne
ment. Elle tente enfin de proposer aux Français un programme destiné à
préparer les renouveaux politiques de la libération.
Par leur pluralité, ces objectifs engagent des stratégies divergentes.
Faut-il ainsi tenir en 1941 un discours de vérité - quitte à désespérer Billan
court - ou au rebours développer un discours partisan susceptible, par son
outrance, de miner la crédibilité des feuilles clandestines? Comment par
ailleurs légitimer une parole par définition illégale, clandestine et parti
sane? L'articulation aux autres médias, la BBC notamment, pose un ultime
problème : la Résistance intérieure doit-elle jouer la connivence ou la
concurrence, - un dilemme qui revient à choisir entre une logique d'inféo-
MEFRIM - 108 - 1996 - 1, p. 125-136. 126 OLIVIER WIEVIORKA
dation et une stratégie d'affirmation signant l'autonomie de la Résistance
intérieure. Deux paramètres, enfin, influencent ou déterminent ces choix.
La marche du conflit n'est pas sans incidence sur un discours qui tend à
s'aligner sur les rythmes de la guerre. Mais le discours varie également en
fonction des sentiments que l'on prête à la population. Les représentations
jouent ainsi un rôle déterminant puisque le verbe se règle sur «une certaine
idée des Français» que l'on s'efforce d'atteindre.
La création de journaux clandestins semble obéir à des motivations
évidentes. En contaminant l'opinion publique par leur venin, les médias
vichystes et allemands obligent la résistance à réagir en ouvrant le feu
d'une contre-propagande. La naissance d'une abondante presse résistante
constituerait ainsi, par un principe de proportionnalité bien compris, une
réponse calibrée aux idéologies contraires. Mais la création de périodiques
clandestins correspond également à un choix subjectif opéré par les
équipes fondatrices. Refusant, pour des motifs complexes, de poursuivre la
lutte sur un plan militaire, nombre de résistants optent délibérément pour
une stratégie civile fondée sur l'information de leurs concitoyens qui cor
respond, semble-t-il, à leur devoir d'état. «Il y avait bien sûr l'appel de l'His
toire, de Jeanne d'Arc, de Robespierre, du maréchal Foch» relève ainsi
Robert Salmon, associé à la fondation de Défense de la France (DF). «Mais
il y avait surtout l'idée qu'au fond, nous avions été élevés dans le saint des
saints, que les techniques apprises pour exposer et convaincre, il fallait
désormais les employer à autre chose qu'à convaincre les jurys des grandes
écoles. Que nous avions au fond le devoir d'utiliser, dans les circonstances
où nous nous trouvions, vis-à-vis de l'opinion telle qu'elle était, les tech
niques littéraires qu'on nous avait apprises»1. «Nous étions dans le camp
de ceux que j'appellerais les non-activistes, rappelle Pierre Cochery, dir
igeant des Volontaires de la Liberté (VDL). Étudiants en philosophie, nous
avons eu le réflexe de ne pas cracher sur nos origines. Étant par fonction
des intellectuels, nous avons estimé que notre mouvement était un mouve
ment d'intellectuels»2. Certes, d'autre équipes peuvent concevoir le journal
dans une perspective instrumentale, le moyen de recruter de nouveaux
membres, de structurer des mouvements naissants3, ou de renforcer la
cohésion de groupes atomisés4. Mais qu'il réponde à une motivation
éthique, se situe dans une perspective instrumentale ou constitue le seul
1 Entretiens de l'auteur avec Robert Salmon.
2de Pierre Cochery.
3 Cette motivation semble première pour Libération-sud si l'on en croit Laurent
Douzou, La Désobéissance, Histoire du mouvement Libération-sud, Paris, 1995, p. 74.
4 Dominique Veillon note que le journal Franc-Tireur est créé pour «maintenir LA PRESSE CLANDESTINE 127
mode d'intervention possible, le journal affirme par définition la volonté
d'agir sur l'opinion publique, une forme d'action qui dépend en partie des
représentations de l'opinion qui inspirent les équipes résistantes.
Ces représentations sont placées sous le signe de l'ambivalence. La
population est parfois présentée comme une alliée de la Résistance dont on
salue le patriotisme. «Malgré le fracas de la propagande, malgré l'intimida
tion du pouvoir, malgré la désertion d'une partie des classes dirigeantes, le
peuple de chez nous, tous partis et tous milieux confondus, voit la vérité et
reconnaît son devoir» note Combat en juillet 19425. «Neuf-centre-quatre-
vingts dix-neuf Français sur 1000 souhaitent et veulent la défaite de Hitler.
Ainsi, notre pays, jadis si divisé, retrouve son unité» relève L'Humanité en
juillet 1941 6. À l'inverse, les Français sont parfois blâmés, soit qu'on les juge
co-responsables d'une défaite dont ils ne sauraient s'exonérer7, soit que l'on
dénonce, à l'instar d'un Viannay, leur attentisme et leur pusillanimité8.
Les Français sont donc présentés tantôt en victimes, tantôt en
complices de l'occupant. Et ces représentations contradictoires suscitent,
c'est là une 

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