La puissance ambiguë de l œuvre scientifique de Condorcet. Une question d histoire intellectuelle - article ; n°2 ; vol.108, pg 505-516
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La puissance ambiguë de l'œuvre scientifique de Condorcet. Une question d'histoire intellectuelle - article ; n°2 ; vol.108, pg 505-516

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1996 - Volume 108 - Numéro 2 - Pages 505-516
Éric Brian, La puissance ambiguë de l'œuvre scientifique de Condorcet. Une question d'histoire intellectuelle, p. 505-516. L'évaluation de l'œuvre scientifique de Condorcet est très récente. Jusque-là, outre la référence symbolique, on avait surtout retenu l'Esquisse et les mémoires sur l'Instruction. En quoi réside, dans ces conditions, la puissance de l'œuvre de Condorcet, celle de son œuvre scientifique? Le dernier des Encyclopédistes s'est trouvé à la conjonction de différents processus qui ont profondément marqué la dépendance entre les sciences et l'organisation politique et administrative française. Ces transformations ont perduré, façonnant les critères des lectures ultérieures de textes toujours très abstraits. Leurs sens anciens se sont ainsi dissipés, alors même qu'on pouvait le plus souvent reconnaître leur actualité. L'abstraction d'une pensée, sa portée, sont ainsi analysées comme des phénomènes proprement historiques.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Éric Brian
La puissance ambiguë de l'œuvre scientifique de Condorcet.
Une question d'histoire intellectuelle
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 108, N°2. 1996. pp. 505-516.
Résumé
Éric Brian, La puissance ambiguë de l'œuvre scientifique de Condorcet. Une question d'histoire intellectuelle, p. 505-516.
L'évaluation de l'œuvre scientifique de Condorcet est très récente. Jusque-là, outre la référence symbolique, on avait surtout
retenu l'Esquisse et les mémoires sur l'Instruction. En quoi réside, dans ces conditions, la puissance de l'œuvre de Condorcet,
celle de son œuvre scientifique? Le dernier des Encyclopédistes s'est trouvé à la conjonction de différents processus qui ont
profondément marqué la dépendance entre les sciences et l'organisation politique et administrative française. Ces
transformations ont perduré, façonnant les critères des lectures ultérieures de textes toujours très abstraits. Leurs sens anciens
se sont ainsi dissipés, alors même qu'on pouvait le plus souvent reconnaître leur actualité. L'abstraction d'une pensée, sa portée,
sont ainsi analysées comme des phénomènes proprement historiques.
Citer ce document / Cite this document :
Brian Éric. La puissance ambiguë de l'œuvre scientifique de Condorcet. Une question d'histoire intellectuelle. In: Mélanges de
l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 108, N°2. 1996. pp. 505-516.
doi : 10.3406/mefr.1996.4450
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1996_num_108_2_4450ÉRIC BRIAN
LA PUISSANCE AMBIGUË
DE L'ŒUVRE SCIENTIFIQUE DE CONDORCET
UNE QUESTION D'HISTOIRE INTELLECTUELLE
Nous voici au sortir d'une décennie de recherches sur Condorcet part
iculièrement florissante. Ses temps forts ont été les réunions scientifiques
des années 1988 et 19941, et ces dates, dans l'un et l'autre cas, proviennent
de commémorations. D'un point de vue historiographique le chemin
accompli depuis la publication, au milieu des années 1970 des ouvrages de
R. Rashed et K.M. Baker2, est considérable. Pour le spécialiste aujourd'hui,
il apparaît clairement qu'on savait peu de choses sur l'activité effective de
Condorcet avant 1789 considérée aussi bien sous un angle scientifique, phi
losophique que politique.
Contredisant la périodisation généralement admise, révisant les lieux
communs biographiques, Ch. Gilain a montré quelles étaient les prédilec
tions des recherches de calcul intégral et différentiel menées par celui qui
se faisait appeler «Monsieur le marquis de Condorcet» en hommage, il me
semble, au marquis de L'Hospital, promoteur à l'Académie des sciences de
Paris vers 1700 du calcul leibnizien, et qui, jeune, dut combattre tout
comme notre encyclopédiste les préjugés de sa classe pour assouvir sa pas
sion mathématique3. On sait maintenant que Condorcet s'est soucié d'ap-
1 II s'agit de Pierre Crépel et Christian Gilain (dir.), Condorcet, mathématicien,
économiste, philosophe, homme politique, Paris, 1989; de Recherches nouvelles sur
Condorcet, tenu à Paris en octobre 1994 et dont les actes seront publiés par Anne-
Marie Chouillet et Pierre Crépel aux éditions de l'École normale de Fontenay; et du
présent colloque.
2 Roshdi Rashed, Condorcet. Mathématique et société, Paris, 1974; Keith Michael
Baker, Condorcet. From Natural Philosophy to Social Mathematics, Chicago, 1975.
3 Guillaume François Antoine de L'Hospital, marquis de Sainte-Mesme (1661-
1704), fut membre de l'Académie royale des sciences, non pas pensionnaire mais ho
noraire du fait de sa haute naissance. Son éloge prononcé par Fontenelle le 2 avril
1704 et imprimé dans les volumes de l'Académie, livre les éléments qui ont pu faire
MEFRIM - 108 - 1996 - 2, p. 505-516. 506 ÉRIC BRIAN
profondir et d'innover dans cette matière jusqu'à la Révolution4. P. Crépel
et B. Bru ont de leur côté daté et mesuré l'ampleur et la profondeur de ses
recherches sur le calcul des probabilités et sur l'arithmétique politique5.
Dès lors, on sait à quel point le souci qu'exprimera finalement l'expression
«mathématique sociale» a animé son œuvre dès 1767 et jusqu'en 1794. F.
Hincker et M. Dorigny, d'un colloque l'autre, ont mieux ancré l'itinéraire
révolutionnaire de Condorcet au fil d'une histoire sociale, politique et intel
lectuelle d'une extrême complexité6.
Pour ma part j'ai tenté, pour la période des dernières décennies de la
monarchie, de comprendre quelles transformations propres aux sciences et
à l'administration pouvaient rendre compte de la possibilité du renouvell
ement complet de conceptions qu'on peut attribuer à trois domaines : celui
du calcul des probabilités, celui des dénombrements administratifs (on
parlera plus tard de statistique), celui de la pratique de l'analyse au sens
mathématique du mot7.
Le fait est que les trois chronologies coïncident : celle de l'invention de
la théorie analytique des probabilités, des premiers mémoires de Laplace et
de Condorcet au début des années 1770 jusqu'à la synthèse laplacienne des
années 1810; celle de la transition depuis l'arithmétique politique à la fran
çaise (Moheau, Messance, Morand, La Michodière) jusqu'à l'essor de la sta
tistique sous la Révolution et l'Empire; celle du renouvellement du calcul
intégral dans les mémoires de l'Académie des sciences des années 1770-
1780 jusqu'aux enseignements organisés à l'École normale de l'An III et à
l'École polytechnique des premiers temps. Le fait est, encore, que ces trois
mouvements furent animés par les mêmes protagonistes, Condorcet,
Laplace, Monge, Lagrange notamment. Il s'agit d'un même réseau de
savants centré sur l'Académie royale des sciences jusqu'à sa dissolution,
actifs à divers titres scientifiques et politiques pendant la Révolution et
l'Empire, reconstitué dès la seconde moitié des années 1790 autour de la
Première Classe de l'Institut et des écoles créées par la Révolution.
Une fois constaté ce moment, on en situe aisément les premiers temps
que Condorcet ait trouvé dans la biographie de ce solide géomètre l'exemple de sa
vocation.
4 Christian Gilain, Condorcet et la calcul intégral, dans R. Rashed (dir.), Sciences
à l'époque de la Révolution Française. Recherches historiques, Paris, 1988, p. 87-147.
5 Pierre Crépel et Bernard Bru, Condorcet. Arithmétique politique. Textes rares ou
inédits (1767-1789), Paris, 1994.
6 Voir les contributions de ces deux auteurs lors des colloques mentionnés en
note 1.
7 Éric Brian, La mesure de l'État. Administrateurs et géomètres au XVIIIe siècle,
Paris, 1994. PUISSANCE AMBIGUË DE L'ŒUVRE DE CONDORCET 507 LA
dans le monde savant des années 1770-1790 dont Charles C. Gillispie a
montré qu'il était immédiatement engagé dans l'effort de réforme administ
rative qui a caractérisé la fin de l'ancien Régime8. Le renouvellement du
calcul des probabilités et du calcul intégral à l'Académie des sciences de
Paris doit donc être considéré dans ses relations avec la floraison de projets
réformateurs de cette période (réduction des corvées, mise en place des
municipalités et de l'impôt territorial, du cadastre, rachat des droits féo
daux...)9. Voici le temps fort d'une transformation de la division sociale,
entre administrateurs et savants, du travail de production de tels instru
ments, qu'ils apparaissent en première analyse de nature scientifique ou
bien administrative. C'est précisément parce qu'il y eut un déplacement de
cette division sociale, que certains objets, que certaines techniques, sont
passés en deux décennies de la sphère administrative à la sphère savante,
c'est le cas par exemple des calculs sur la population, ou l'inverse, c'est
notamment celui des procédés de cartographie et d'établissement du
cadastre.
Les facteurs d'une telle conjoncture sont à trouver dans la conjugaison
précisément analysable de deux processus structurels par ailleurs connus,
l'autonomisation de l'État d&#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents