La querelle de l'antimoine : Guy Patin sur la sellette - article ; n°1 ; vol.5, pg 31-45

Élisabeth Labrousse, Alfred Soman

Description

Histoire, économie et société - Année 1986 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 31-45
Guy Patin's lawsuit against Jean Chartier, his colleague in the Faculty of Medicine of Paris, has long been familiar. Patin gave his version of the affair in his private correspondence and in the official Acts of his deanship ; Chartier presented his side of the case in a controversial pamphlet. These traditional sources are now supplemented by the documents of the trial itself, discovered in the archives of the Parlement of Paris and published here for the first time. The reader is thereby enabled to perceive the criminal trial as part of a strategy of civil litigation - a typical example of conflict under the Old Regime.
On connaît depuis longtemps le procès de Patin contre Jean Chartier, son collègue de la de Médecine de Paris. La version de Patin se lit dans correspondance personnelle et dans les Actes de décanat ; celle de son adversaire dans un factum. A sources traditionnelles viennent s'ajouter les d'instruction retrouvées dans les archives du Parlement. La publication ici de ces dernières permet d'apprécier le procès criminel comme une fortuite du litige civil et faisant partie d'une procédurière typique de la vie conflictuelle sous l'Ancien Régime.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1986
• Nombre de lectures: 23
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Elisabeth Labrousse
Alfred Soman
La querelle de l'antimoine : Guy Patin sur la sellette
In: Histoire, économie et société. 1986, 5e année, n°1. pp. 31-45.
Abstract
Guy Patin's lawsuit against Jean Chartier, his colleague in the Faculty of Medicine of Paris, has long been familiar. Patin gave his
version of the affair in his private correspondence and in the official Acts of his deanship ; Chartier presented his side of the case
in a controversial pamphlet. These traditional sources are now supplemented by the documents of the trial itself, discovered in
the archives of the Parlement of Paris and published here for the first time. The reader is thereby enabled to perceive the criminal
trial as part of a strategy of civil litigation - a typical example of conflict under the Old Regime.
Résumé
On connaît depuis longtemps le procès de Patin contre Jean Chartier, son collègue de la de Médecine de Paris. La version de
Patin se lit dans correspondance personnelle et dans les Actes de décanat ; celle de son adversaire dans un factum. A sources
traditionnelles viennent s'ajouter les d'instruction retrouvées dans les archives du Parlement. La publication ici de ces dernières
permet d'apprécier le procès criminel comme une fortuite du litige civil et faisant partie d'une procédurière typique de la vie
conflictuelle sous l'Ancien Régime.
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Labrousse Elisabeth, Soman Alfred. La querelle de l'antimoine : Guy Patin sur la sellette. In: Histoire, économie et société.
1986, 5e année, n°1. pp. 31-45.
doi : 10.3406/hes.1986.1414
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1986_num_5_1_1414LA QUERELLE DE L'ANTIMOINE :
GUY PATIN SUR LA SELLETTE
par Elisabeth LABROUSSE
et Alfred SOMAN
Résumé
colleague Guy Patin's in the lawsuit Faculty against of Medicine Jean Chartier, of Paris, has his On connaît depuis longtemps le procès de Guy
Patin contre Jean Chartier, son collègue de la Faculté long been familiar. Patin gave his version of the
de Médecine de Paris. La version de Patin se lit dans sa affair in his private correspondence and in the official
correspondance personnelle et dans les Actes de son Acts of his deanship ; Chartier presented his side of
décanat ; celle de son adversaire un factum. A ces the case in a controversial pamphlet. These traditional
sources traditionnelles viennent s'ajouter les pièces sources are now supplemented by the documents of
d'instruction retrouvées dans les archives du Parle the trial itself, discovered in the archives of the Parl
ment. La publication ici de ces dernières permet d'ap ement of Paris and published here for the first time.
précier le procès criminel comme une prolongation The reader is thereby enabled to perceive the criminal
fortuite du litige civil et faisant partie d'une stratégie trial as part of a strategy of civil litigation - a typical
example of conflict under the Old Regime. procédurière typique de la vie conflictuelle sous l'An
cien Régime.
Bon nombre de docteurs-régents de la Faculté de Médecine de Paris appréciaient
leur collègue Guy Patin : à trois reprises, en 1642, 1644 et 1648, son nom avait été
l'un des trois proposés pour la charge de Doyen, la décision ultime étant acquise par
tirage au sort (1). Finalement, le 5 novembre 1650 — il avait alors quarante-neuf ans,
était docteur depuis 1627 et enseignait la chirurgie depuis 1632 —, c'est le billet
portant le nom de Guy Patin qui sortit du chapeau et il devint, pour deux ans, Doyen
de la Faculté.
L'usage voulait que le Doyen rédigeât, en latin bien entendu, les actes de son
décanat et A. Corlieu a édité autrefois une traduction française à peu près intégrale
de ceux qui sont de la main de Patin (2). Ces textes permettent d'éclairer les docu
ments d'Archivé récemment retrouvés par l'un de nous (A. Soman) que nous publions
ici en partie, car la teneur exacte de ce genre de pièces, d'un déchiffrement et d'une
interprétation souvent si difficiles, est intéressante à connaître pour tous les dix-
septiémistes. On a certes étudié de près quelques grandes affaires criminelles (procès
de Ravaillac, de Grandier, de la Brinvilliers) mais dans le cas présent il s'agit d'un
incident banal et mineur, qui permet de se représenter la stratégie procédurière mise
en œuvre tant au criminel qu'au civil, une stratégie si familière aux contemporains
et qui nous demeure souvent si énigmatique en dépit des nombreuses allusions qu'y
font des documents de l'époque.
Obtusément conservateur (ne récusait-il pas la circulation du sang !) et passionné
ment attaché aux traditions de la Faculté de Paris, Patin détestait l'École rivale de
Montpellier ; on connaît ses conflits avec Théophraste Renaudot, dont il avait triom
phé en 1643, après que la mort de Richelieu ait privé le gazetier d'un puissant pro
tecteur. Patin en tenait pour les trois S : la saignée, le séné, l'eau de son. Dogmatique, 32 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ
il honnissait les empiriques, disciples de Paracelse et partisans de l'antimoine, donc,
du vin émétique. Ce médicament n'avait-il pas été formellement condamné par la
Faculté de Paris en 1566, puis, derechef, en 1615 ? Ces décrets de la Faculté n'ayant
jamais été rapportés, « l'antimoine demeure poison » aux yeux de Patin (3). Toutef
ois, inconséquence significative, le Codex Medicamentarius édité à Paris en 1638,
sous l'égide de la Faculté, contenait la recette de l'émétique !
Conservateur vigilant, dès les premiers jours de son décanat, le 24 novembre 1650,
Patin eut l'occasion de faire modifier un libellé de thèse qui semblait mettre en doute
les bienfaits de la saignée (4) et, le 12 mai suivant, il fut l'un des promoteurs d'une
décision de la Faculté qui prohibait aux docteurs-régents, ses membres, d'accepter
une consultation avec un, ou des empiriques, et cela sous peine de la perte de leurs
« grades, honneurs et émoluments ». Un mois plus tard, on alla plus loin : on prétendit
faire signer à tous les docteurs-régents le décret du 1 2 mai et on lui ajouta l'interdiction
de donner à titre individuel une approbation à des livres ou des remèdes « de charla
tan » (5).
L'offensive des conservateurs se précisa car, le 11 août 1651, quittant le plan
anodin des déclarations d'intention et des proclamations générales, la Faculté, en la
personne de son Doyen, porta plainte contre Me Jean Chartier, l'un de ses docteurs-
régents, qui venait de publier, sans approbation, un in-4° de 56 pages — savamment
ponctué de grec, d'hébreu et d'arabe — La science du plomb sacré des sages, ou de
l'antimoine, où sont décrites ses rares et particulières vertus, puissances et qualitez,
muni d'un Privilège du Roi en date du 26 juin. Aux pages 51-52 de l'opuscule, Chartier
soulignait discrètement l'inconséquence d'une Faculté qui tenait par tradition l'ant
imoine pour vénéneux, mais se démentait elle-même en accueillant l'émétique dans
son Codex. Menacé donc de la discipline corporative, l'auteur en appela au Parlement
de Paris, car celui-ci, en effet, exerçait une tutelle administrative sur toute l'Université
de la Capitale (6).
Né en 1610, lié avec les Renaudot, ce Jean Chartier était fils du premier lit d'un
célèbre médecin, savant éditeur d'Hippo crate et de Galien, mais il était brouillé avec
son père contre qui il était en procès (7). Patin le dit « gueux comme un peintre,
tout prêt de mourir en prison pour ses dettes » et, revenant un peu plus tard à la
charge, il ajoute que Jean Chartier est « un petit safranier [entendez : banqueroutier]
qui ne sait de quel bois faire flèche, qui a tout mangé son bien, qui n'était pas grand,
qui a trente procès contre ses créanciers... » (8). Reste que Jean Chartier était « écuyer,
conseiller et médecin ordinaire du roi, et professeur en médecine au Collège royal de
France ». Patin y devint son collègue en 1654 après avoir acheté 4 000 livres la charge
qu'abandonnait Riolan vieillissant. Ce qui lui donna l'occasion, s'il faut l'en croire,
d'apprendre que depuis plusieurs années les « gages » de Chartier étaient saisis par
ses créanciers ; Patin prétend aussi que, tout en se disant « mé