Langage et pouvoir : la femme dans les médias (1995-2002) - article ; n°1 ; vol.152, pg 3-22
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Communication et langages - Année 2007 - Volume 152 - Numéro 1 - Pages 3-22
Comment les médias français parlent-ils des femmes ? Comment les rhétoriques médiatiques se transforment- elles en morale médiatique apte à maintenir et amplifier les antiques liens noués entre langue et pouvoir? L'auteure se propose d'analyser le discours des journalistes afin de dégager les catégories sémantiques et les structures interprétatives qui orientent et déterminent les modes d'écriture journalistique à propos des femmes et de leurs actions au sein de l'espace public. La notion de discours est ici mobilisée dans une perspective foucaldienne selon laquelle celui-ci, relevant du verbal et du non-verbal, s'exprime dans la langue mais se tient aussi hors d'elle dans une dimension extra-linguistique qui la déborde et l'englobe. L'auteur, qui vise à décrire la constance d'un imaginaire social, pointe quelques formules qui, à son avis, condamnent le discours à sa propre répétition.
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Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 41
Langue Français
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Extrait

Marie-Joseph Bertini
Langage et pouvoir : la femme dans les médias (1995-2002)
In: Communication et langages. N°152, 2007. pp. 3-22.
Résumé
Comment les médias français parlent-ils des femmes ? Comment les rhétoriques médiatiques se transforment- elles en morale
médiatique apte à maintenir et amplifier les antiques liens noués entre langue et pouvoir? L'auteure se propose d'analyser le
discours des journalistes afin de dégager les catégories sémantiques et les structures interprétatives qui orientent et déterminent
les modes d'écriture journalistique à propos des femmes et de leurs actions au sein de l'espace public. La notion de discours est
ici mobilisée dans une perspective foucaldienne selon laquelle celui-ci, relevant du verbal et du non-verbal, s'exprime dans la
langue mais se tient aussi hors d'elle dans une dimension extra-linguistique qui la déborde et l'englobe. L'auteur, qui vise à
décrire la constance d'un imaginaire social, pointe quelques formules qui, à son avis, condamnent le discours à sa propre
répétition.
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Bertini Marie-Joseph. Langage et pouvoir : la femme dans les médias (1995-2002). In: Communication et langages. N°152,
2007. pp. 3-22.
doi : 10.3406/colan.2007.4651
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_2007_num_152_1_4651et pouvoir : Langage
la femme dans les médias
(1995-2002)
MARIE-JOSEPH BERTINI
Comment les médias français parlent-
ils des femmes ? Comment les rhétoJacques-Louis peintre peintre lourde l'art est d'histoire habile, et le David politique qui ses fut maria compositions entre avec dans le le succès xvme une empreintes rhétorique et que le l'on XIXe de sait. siècle un classSi peu ce le
riques médiatiques se transforment-
elles en morale médiatique apte à
icisme ont exercé sur les esprits de son temps une influence maintenir et amplifier les antiques
qui devait davantage à la rencontre de leur auteur avec liens noués entre langue et pouvoir?
l'Histoire qu'à son génie créatif. Mais avant d'être le héraut L'auteure se propose d'analyser le
de la Révolution française, admirateur de Marat et de discours des journalistes afin de
Robespierre, puis grand ordonnateur de la légende napo dégager les catégories sémantiques
léonienne, David fut le peintre des passions humaines et les structures interprétatives qui
auxquelles l'Antiquité prêta sa double valeur de modèle
orientent et déterminent les modes
et de témoignage. Son goût pour l'esthétique tragique se
d'écriture journalistique à propos des renforça au contact des thèmes privilégiés du théâtre cornél
femmes et de leurs actions au sein ien : la force du destin et le dépassement de soi. Mais ce sont
de l'espace public. La notion de les femmes et leur représentation spécifique qui donnent à
discours est ici mobilisée dans une ses tableaux leur dimension vivante et pathétique. Portrait
perspective foucaldienne selon laquelle d' Andromaque auprès d'Hector immobile, pressant Astyanax
celui-ci, relevant du verbal et du contre son sein et prenant le ciel à témoin de son malheur.
non-verbal, s'exprime dans la langue Groupe éploré des épouses et des sœurs assistant impuis
mais se tient aussi hors d'elle dans santes au serment des Horaces, promesse de séparation et
de mort. Lamentations de la femme de Brutus et de leurs filles, une dimension extra-linguistique
déchirées à la vue du cadavre de leur fils et frère condamné qui la déborde et l'englobe. L'auteur,
à mort par son père pour avoir conspiré avec les Tarquins qui vise à décrire la constance d'un
contre Rome. Sabines ployant sous le glaive romain, imaginaire social, pointe quelques
tentant vainement de protéger leurs enfants piétines par la formules qui, à son avis, condamnent
soldatesque. le discours à sa propre répétition.
Ces modalités de représentation des femmes dans
l'iconographie occidentale forment un invariant culturel
qu'il est difficile de ne pas interroger. Car ce que David
matérialise ainsi sur la toile, grâce à un jeu subtil de clair-
obscur et de décentrement - les femmes ne sont presque
communication & langages - n° 152 - Juin 2007 jamais figurées au centre de la composition, mais sur les côtés ; en revanche elles
constituent le point le plus lumineux du tableau - est en effet remarquablement
identique à ces images contemporaines que nous restituent chaque jour les
caméras du monde entier.
De cet invariant culturel, il sera beaucoup question dans les pages qui vien
nent. De ces normes cachées qui assignent nos langues à une étonnante fixité.
Que dit-on avec une si remarquable constance quand on parle des femmes,
quand le mot supplante le trait, quand la fiction des discours remplace celle des
images ? Comment parle-t-on des femmes aujourd'hui comme hier, de ce qu'elles
sont, de ce qu'elles font, de leur manière d'être au monde et d'agir ? La langue,
entendue comme système de signes régi par des règles et propres à une commun
auté, contribue à mettre en place un ordre symbolique auquel elle se soumet
après coup. De là les appels réitérés - lancés par nombre de juristes, d'anthropo
logues et de politiques contemporains — au respect d'un ordre symbolique sacré,
dont l'intangibilité même garantirait rien moins que le sens et la cohésion des
sociétés humaines. L'analyse attentive du rôle très actif des médias de référence
permet de mettre en lumière l'assise de ces mythologies modernes qui n'ont de
cesse de renvoyer les femmes à un devoir-être, d'autant plus contraignant qu'il
tend à disparaître, à se fondre dans les plis des jeux de la langue. Au fond, nous
croyons tous que la langue nous appartient, mais nous n'avons de cesse de lui
appartenir. Oui la nous tient. Mais qui tient la langue ? Qui ou quoi, et
surtout pour quoi faire ?
Cette étude repose sur l'hypothèse selon laquelle la très faible visibilité médiat
ique des femmes est le résultat d'une forte mobilisation du langage médiatique
en faveur du maintien de la situation présente. La notion de
et/ou journalistique désigne un langage spécifique utilisé dans le contexte des
médias de masse, notamment de la presse écrite et de la télévision. Ce langage est
le produit d'une combinaison complexe de signes écrits, visuels et sonores régis
par des codes et des conventions spécifiques à chaque média et mobilisant une
partie très restreinte des ressources de la langue.
Nous verrons que les professionnels des médias de masse, et plus particulièr
ement les journalistes, s'avancent ainsi comme des prescripteurs indirects des
normes politiques et sociales et exercent un pouvoir disciplinaire d'autant plus
contraignant qu'il est banalisé et inquestionné. Ce dernier point appelle deux
remarques importantes. La première concerne le terme même de « formule »
utilisée ici pour qualifier l'un des outils essentiels de la rhétorique journalistique.
Le choix de ce mot se réfère à une pratique importante des professionnels de
l'information. Elle concerne les effets de miroir d'un média à un autre et d'un
support à un autre qui entraînent une forte intertextualité. Les modes d'écriture
des articles de presse en particulier, conditionnés par la double exigence de rapi
dité — due aux délais de rédaction et à la réactivité à l'actualité — et de concision,
sont caractérisés par le recours fréquent à des automatismes linguistiques
marqués par l'usage d'expressions convenues fournissant la solution-type d'une
difficulté. C'est précisément leur caractère non réfléchi et conventionnel qui érige
communication & langages - n° 152 - Juin 2007 Langage et pouvoir : la femme dans les médias ( 1 995-2002) 5
ces formules en propositions révélatrices des représentations sociales et cultur
elles sous-jacentes1.
La seconde remarque concerne les effets de cette rhétorique médiatique.
Celle-ci prend appui sur une confusion constante - entretenue par l'usage de ces
formules récurrentes - entre information et commentaire. Ou plus exactement, le
propre des stratégies discursives mises en œuvre dans le discours journalistique
est de renverser sans cesse l'information dans le commentaire, de donn

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