Le Bevanisme ou la crise du Parti travailliste en Grande-Bretagne - article ; n°1 ; vol.4, pg 105-130
27 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Bevanisme ou la crise du Parti travailliste en Grande-Bretagne - article ; n°1 ; vol.4, pg 105-130

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
27 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue française de science politique - Année 1954 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 105-130
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Marcel Merle
Le Bevanisme ou la crise du Parti travailliste en Grande-
Bretagne
In: Revue française de science politique, 4e année, n°1, 1954. pp. 105-130.
Citer ce document / Cite this document :
Merle Marcel. Le Bevanisme ou la crise du Parti travailliste en Grande-Bretagne. In: Revue française de science politique, 4e
année, n°1, 1954. pp. 105-130.
doi : 10.3406/rfsp.1954.452639
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1954_num_4_1_452639Le Bevonisme
ou la Crise du Parti Travailliste Suite* en Grande-Bretagne
MARCEL MERLE
II
ESSAI D'INTERPRETATION
II a paru nécessaire de rappeler, avec quelque détail, la trame
des faits dans lesquels s'insère le bevanisme. A vrai dire, cette
histoire apparaît quelque peu confuse. On suit parfaitement les
diverses péripéties de la querelle ; mais on perçoit beaucoup moins
clairement les motifs profonds, l'objet immédiat et la portée loin
taine de la dispute. Il en va du bevanisme comme de ces conflits
qui éclatent pour des raisons profondes, cachées sous un prétexte
futile, et dont les adversaires, pris dans l'ardeur du combat, finis
sent par oublier les motifs. Comme la guerre finit par trouver sa
justification en elle-même, les querelles intestines de parti se nour
rissent de rivalités de personnes et d'ambitions déçues, au milieu
desquelles les controverses doctrinales ne sont plus souvent qu'un
prétexte pour alimenter la bataille. Il n'est donc pas facile de démêl
er les prétextes des causes réelles pour découvrir le ressort qui a
déclenché puis sous-tendu la révolte bevaniste.
La première explication qui se présente con-
LE « CAS » BEVAN siste à faire porter toute la responsabilité de
la crise sur la personne de M. Bevan. C'est
la thèse qui prévaut dans les milieux travaillistes « orthodoxes ».
Le bevanisme n'aurait aucune consistance doctrinale, aucune assise
* Voir ie numéro précédent, octobre-décembre 1953. pp. 770-790.
105 Marcel Merle
politique. Il correspondrait simplement à une agitation démagogique
provoquée par l'ancien ministre du Travail pour renverser la vieille
garde du parti et donner ensuite libre cours à son ambition sans
bornes.
Il est certain que la personnalité de M. Bevan pèse d'un poids
considérable dans le débat. Tous les portraits qui ont été tracés de
lui ces dernières années s'accordent à reconnaître sa forte origi
nalité, son caractère bouillant et dynamique. Sa carrière politique
elle-même apparaît hors série. Fils d'un mineur du pays de Galles,
lui-même ouvrier mineur à l'âge de 13 ans, Aneurin Bevan est rap
idement sélectionné par ses camarades et envoyé au Central Labour
College pour y recevoir sa formation théorique de futur agent syn
dical. De 1919 à 1928, il occupera dans des circonstances difficiles,
les fonctions de conseiller et de défenseur de son syndicat. Après
avoir été élu à plusieurs assemblées locales, il devient, en 1929,
député de la circonscription d'Ebbw Vale - — qu'il représente tou
jours à la Chambre des Communes. Membre du Cabinet, sous le
gouvernement de coalition de M. Churchill, il se voit confier par
M. Attlee le Ministère de la Santé puis, en janvier 1951, le Minist
ère du Travail. A son origine ouvrière, à son expérience syndicale
— qui font défaut à M. Attlee et à beaucoup d'autres leaders tra
vaillistes — M. Bevan joint donc une longue carrière politique et
une pratique ministérielle appréciable. De tels atouts dans son jeu
auraient pu lui conférer l'autorité d'un Bevin auprès des masses
syndicales. Cependant, sa formation intellectuelle, ses contacts régul
iers avec les milieux politiques « avancés » de la capitale britan
nique ont fait de lui un tout autre personnage.
« Bevan, dit un de ses biographes, c'est un « intellectuel », un
« intellectuel de gauche » ... Les William Lawther. les Sam
Watson du syndicat des mineurs, les Tanner des ouvriers de
la mécanique, les Deakin du Trade-Union des Transports ne
s'y trompent pas : Bevan n'est pas des leurs, c'est V « intellec
tuel s au cœur du travaillisme, plus redoutable que les autres
parce que son langage, son physique, son passé trompent les
militants ; les vieux chefs des Trade-Unions le haïssent pour
cela plus encore que pour son éblouissante intelligence, sa cul
ture marxiste, son impatience de la bêtise et de la pesanteur
d'esprit, son dédain des vieux leaders d'être vieillis sous le
harnais. l »
1. Alain Verney : « Aneurin Bevan de Bloomsbury :>, La Tribune des
Nations, 21 mars 1952.
106 Le Bevanisme
La complexité de l'homme en fait un signe de contradiction pour
les uns, de séduction pour les autres. De toute manière, tous lui
accordent les dons les plus riches pour tirer le meilleur parti de la
diversité de son personnage. « ïl a une immense vitalité, écrit
Francis Williams, historiographe du Parti, en 1948, un grand
charme personnel, une passion pour la vie politique, un humeur
débordant et contagieux qui fait de lui le plus agréable des com
pagnons, une confiance absolue en lui, une vaste ambition et un
très grand courage. Si l'on ajoute à cela son habileté dans la dis
cussion et ses qualités très réelles d'administrateur, on arrive à un
formidable capital politique » 2. Encore l'auteur omet-il de signaler
dans ce passage des dons d'orateur remarquables qui font merv
eille aussi bien à la Chambre des Communes que dans les réunions
électorales. On peut évidemment se demander si le détenteur de
cet imposant « capital politique » n'a pas été tenté d'en tirer le
profit le plus grand et le plus rapide possible.
L'interprétation du bevanisme par Bevan a sans doute l'avan
tage d'être rassurante pour le Parti : un renforcement de la disci
pline intérieure, une vigilance impitoyable contre toutes les manif
estations de politique personnelle devraient suffire à rendre au
mouvement travailliste la belle unité des années 1945-1950. Mal
heureusement, l'explication apparaît beaucoup trop simpliste. Que
M. Bevan ait joué un rôle de premier plan dans la création du
mouvement auquel il a donné son nom, c'est évident ; qu'il ait
songé — et songe encore — à prendre la tête du Parti travailliste
et qu'il ait manœuvré à cet effet, c'est pour le moins vraisemblable.
Mais le bevanisme ne peut pas être autant réduit à un feu
d'ambitions personnelles. Si M. Bevan n'avait voulu qu'accéder à
la direction du parti, il lui aurait suffi de gravir prudemment les
échelons de la hiérarchie intérieure et sa forte personnalité lui
aurait sans doute assuré un succès facile ait moment de la succes
sion de M. Attlee. Si le Parti n'avait eu affaire qu'à un démagogue
sans scrupules, il aurait pu l'évincer sans difficultés comme ii en
avait expulsé tant d'autres — y compris M. Bevan lui-même en
Ï937.
Sans doute est-il toujours difficile d'apprécier le rôle exact
d'une personnalité dans un mouvement collectif, mais il semble
bien que si M. Bevan a pu rallier rapidement tant de suffrages,
c'est qu'il a touché juste dans ses critiques et exploité une ou
2. Spectator, 24 septembre 1948.
101 Marcel Merle
deux faiblesses sérieuses dans l'édifice travailliste. Si l'on admet
cette hypothèse — et l'ampleur du mouvement bevaniste semble
bien la confirmer — la signification du bevanisme doit être recher
chée non pas tant comme une manifestation de dissidence que comme
l'expression d'un malaise qui affecte l'ensemble du parti. Ce qui fait,
à notre point de vue, l'intérêt et la portée du bevanisme est qu'il
révèle l'existence d'une double crise à l'intérieur du parti : crise
de conscience d'un mouvement dont le passage au pouvoir a épuisé
les réserves doctrinales et qui se trouve désorienté en face des
options à prendre ; crise de confiance dans un parti dont la struc
ture lourde et compliquée tendait à fausser le jeu démocratique au
profit d'un groupe limité de dirigeants.
A l'égard d'un pays où le pragma-
LA CRISE DE CONSCIENCE tisme domine toute la vie politique,
DU TRAVAILLISME il est toujours délicat de parler

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents