Le cerveau et l événement - article ; n°1 ; vol.18, pg 37-47
12 pages
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Le cerveau et l'événement - article ; n°1 ; vol.18, pg 37-47

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Description

Communications - Année 1972 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 37-47
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Changeux
Le cerveau et l'événement
In: Communications, 18, 1972. pp. 37-47.
Citer ce document / Cite this document :
Changeux Jean-Pierre. Le cerveau et l'événement. In: Communications, 18, 1972. pp. 37-47.
doi : 10.3406/comm.1972.1257
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1972_num_18_1_1257Jean-Pierre Changeux
Le cerveau et l'événement
La physique macroscopique distingue classiquement les structures en équi
libre thermodynamique qui se conservent identiques à elles-mêmes sans échange
d'énergie et de matière — un cristal est le type même de structure en équi
libre — et les structures hors d'équilibre qui ne se maintiennent que par l'inte
rmédiaire d'un échange obligatoire d'énergie ou de matière avec le milieu extérieur.
Comme l'analyse avec beaucoup de justesse Prigogine dans Structure, Dissipation
and Life (1), les êtres vivants se rangent dans la deuxième de ces catégories :
celle des structures dissipatives. Les échanges obligatoires qu'ils effectuent avec
l'environnement sont de deux ordres. D'abord, les matériaux et l'énergie servant
à construire l'édifice vivant et à le conserver. Ensuite, plus discrets mais non
moins essentiels, des échanges de signaux régulateurs. L'énergie totale échangée
dans ce dernier cas est plusieurs ordres de grandeur inférieure à celle mise en
œuvre par la première; de plus ces signaux ne sont en général pas directement
incorporés dans la structure biologique. La pauvreté de leur contenu énergétique
est balancée par la richesse de leur spécificité, de l'information qu'ils véhiculent.
Ils règlent le fonctionnement de l'organisme vivant et en règlent souvent la
construction. L'ensemble de ces échanges, métaboliques ou régulateurs, s'effec
tue de manière telle que l'organisme vivant maintient une organisation stable,
en état de régime stationnaire, en d'autres termes se comporte comme un
« homéostat » (2).
Je considérerai ici comme « événement » pour un organisme vivant toute modif
ication de l'environnement, ou de l'organisme lui-même, susceptible de perturber
cet état d'homéostasie. L'événement le plus simple sera la suppression ou la
réduction des sources de matière et d'énergie nécessaires au métabolisme, ce qui
entraîne l'arrêt de la croissance et la mort. Événement important certes mais
dont l'analyse n'est pas du ressort de cet article. Autre classe d'événements :
la modification des échanges de signaux régulateurs.
Chez les animaux un organe particulier : le système nerveux et, plus parti
culièrement, son prolongement antérieur, le cerveau, se spécialise dans l'échange
de ces signaux. Par l'intermédiaire des organes des sens le cerveau reçoit les
signaux, les intègre, donne des ordres, qui finalement se traduisent en action
dont le résultat est le maintien ou l'établissement d'une certaine forme d'homéost
asie. Il apparaît donc essentiel d'analyser quelles formes peuvent prendre
les rencontres du cerveau avec son environnement et surtout quelles conséquences
ces auront dans la réalisation de sa structure fonctionnelle. La comp
lexité extrême du cerveau des mammifères supérieurs, de celui de l'homme en
37 Jean-Pierre Changeux
particulier, rend une entreprise de ce genre périlleuse, voire impossible. Il existe
à la fois trop de faits et trop d'inconnues. Je n'essayerai donc pas de faire une
mise au point objective de l'état actuel de nos connaissances dans ce domaine
mais de présenter un point de vue à la fois partiel et partial. Dans le en
pleine expansion de la neurobiologie moléculaire, nombre d'inconnues subsistent
certes, mais des lignes directrices se dessinent et des principes s'élaborent (3).
J'essayerai de les saisir dans leur forme bourgeonnante.
Pour commencer, je ne classerai pas les rencontres possibles du cerveau et de
son environnement en fonction de la nature physique de ces rencontres, ni en
fonction de la finalité de la réponse commandée par. le cerveau, mais en fonction
de la durée des traces que ces rencontres laissent dans la structure et le fonctio
nnement cérébral. Dans une première partie je considérerai les réponses rapides
du système nerveux à l'événement, réponses de l'ordre de la fraction de seconde
ou de la minute, qui ne laissent peu ou pas de trace. La perturbation est passa
gère, la réaction des centres nerveux est telle que l'organisme revient à son état
d'homéostasie initial. La mécanique de cette réponse et la morphogenèse de
cette mécanique sera alors rapidement évoquée. Puis, j'essayerai de montrer
comment en fonction de l'événement cette mécanique très rigide peut se modifier
et entraîner une évolution vers un nouvel état d'homéostasie. Ce nouvel état
sera soit génétiquement stable, soit stable seulement au sein d'une générat
ion.
1. La réaction immédiate à V événement et la prédétermination des structures
nerveuses de Vadulte
Examinons une propriété motrice, simple en apparence, comme la marche
d'un insecte ou d'un vertébré supérieur : un enchevêtrement complexe d'actions
de l'environnement, du sol, et de réactions de l'individu, de détentes et de contrac
tions musculaires. Survienne un obstacle quelconque, la marche de l'animal se
modifie, il surmonte ou contourne l'obstacle, et finalement poursuit son chemin.
Cette suite d'opérations, qualifiées habituellement d'instinctives, met en œuvre
un certain nombre de circuits nerveux relativement bien connus. Ces circuits
relient les récepteurs sensoriels des membres à des cellules nerveuses ou neurones
sensitifs, eux-mêmes connectés aux neurones moteurs qui commandent les
muscles de la marche.
Au départ l'événement : rencontre de l'obstacle, est reçu par une cellule sen
sorielle spécialisée, transformé en un signal électrique qui se propage le long
du nerf jusqu'au centre nerveux, y est analysé pouf donner lieu finalement à un
autre signal électrique qui se propage en sens inverse et vient stimuler une cellule
effectrice, musculaire par exemple.
L'étape critique de la rencontre, celle qui est à l'origine de la réponse des centres
nerveux, se situe donc au niveau de la cellule sensorielle. C'est elle qui reçoit le
signal physique et le transforme en signal nerveux. Analysons de plus près les
éléments en présence lors de cette rencontre. Il va de soi que le récepteur sensor
iel préexiste à la rencontre, le signal physique aussi. Mais, le n'est pas
sensible à n'importe quel signal physique, de plus il n'est sensible à un signal
physique donné que dans une zone d'intensité très restreinte. L'adéquation du
signal physique au récepteur sensoriel conditionne l'efficacité de la rencontre. Du
fait des performances limitées des organes sensoriels, l'événement, ne sera pas
saisi dans sa totalité. Suivant le groupe zoologique ou l'espèce, l'animal le percevra
38 Le cerveau et Vêvénement
d'une manière différente et l'on peut dire que le donné de l'événement dépasse
très largement le reçu. Il y a filtrage, sélection, au niveau des récepteurs. Corol
laire : un changement des propriétés de l'environnement n'accède au rang d'év
énement pour l'organisme considéré que dans la mesure où ses caractéristiques
physiques entrent dans le domaine de sensibilité de ses récepteurs. Ce qui sera
événement pour un insecte ne le sera peut-être pas pour un vertébré et récipr
oquement. Toutefois, la diversification des types de récepteurs observée chez les
animaux supérieurs permet à ceux-ci de recevoir l'événement d'une manière
plus complète mais toujours limitée et partielle.
Suivons maintenant à la trace au sein de l'organisme le signal électrique
ou potentiel d'action qui apparaît au niveau du récepteur sensoriel. Il est
remarquable que ce signal possède, à peu de chose près, les mêmes caractéris
tiques, quel que soit le nerf considéré ou l'organe sensoriel qui l'a produit.
Seuls la fréquence

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