Le concept de budget communicationnel - article ; n°1 ; vol.104, pg 42-55

Françoise Hemmendinger

Description

Communication et langages - Année 1995 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 42-55
Abraham Moles a initié de nombreuses approches originales de la communication. Il a créé en particulier le concept de budget communicationnel. Ce budget n'est ni prioritairement, ni seulement financier. Plus qu'un concept théorique, le budget communicationnel est un outil pour appréhender les communications sociales. De plus, il met de se détacher de l'impact immédiat du message pour considérer une globalité. Il comporte de nombreux éléments que recense Françoise Hemmendinger en en analysant les conséquences. Ainsi un disciple prolonge et enrichit l'œuvre d'un maître qui a montré la voie.
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• Publié par: COMMUNICATION_ET_LANGAGES
• Publié le: 01 janvier 1995
• Nombre de lectures: 21
• Langue: Français
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Extrait

Françoise Hemmendinger
Le concept de budget communicationnel
In: Communication et langages. N°104, 2ème trimestre 1995. pp. 42-55.
Résumé
Abraham Moles a initié de nombreuses approches originales de la communication. Il a créé en particulier le concept de budget
communicationnel. Ce budget n'est ni prioritairement, ni seulement financier. Plus qu'un concept théorique, le
communicationnel est un outil pour appréhender les communications sociales. De plus, il met de se détacher de l'impact
immédiat du message pour considérer une globalité. Il comporte de nombreux éléments que recense Françoise Hemmendinger
en en analysant les conséquences. Ainsi un disciple prolonge et enrichit l'œuvre d'un maître qui a montré la voie.
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Hemmendinger Françoise. Le concept de budget communicationnel. In: Communication et langages. N°104, 2ème trimestre
1995. pp. 42-55.
doi : 10.3406/colan.1995.2588
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1995_num_104_1_2588UJ
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met de se détacher de l'impact immédiat Abraham Moles a initié de nombreuses approches or
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ité. Il comporte de nombreux éléments particulier le concept de budget communic
ationnel. Ce budget n'est ni prioritair que recense Françoise Hemmendinger en
en analysant les conséquences. Ainsi un ement, ni seulement financier. Plus qu'un
disciple prolonge et enrichit l'œuvre d'un concept théorique, le budget communicat
maître qui a montré la voie. ionnel est un outil pour appréhender les
communications sociales. De plus, il
« Le but essentiel de la recherche empirique n'est pas [...] de
chercher comme ultime ratio à isoler tel ou tel "facteur", mais
d'abord d'intégrer le dit facteur dans un cadre théorique
d'ensemble1. »
En sciences sociales, les recherches sur la communication ont
longtemps porté sur l'influence des médias. Ces travaux renfe
rment deux interrogations majeures : l'individu peut-il résister à la
toute-puissance des médias ? Le système social, à travers les
médias, peut-il augmenter son emprise sur les individus ?
Ce débat, déjà ancien, soulève à lui seul toute la problématique
des relations entre le système social et ses membres, mais
aussi, son prolongement sous-jacent : le champ et la marge de
liberté des individus. Le développement rapide et incessant des
to médias n'a pas réduit, loin s'en faut, l'importance de ces quest
ions. Tout en les gardant en toile de fond, nous présentons ici
1 une perspective quelque peu différente. Nous abordons les com
munications par un angle peu exploité jusqu'ici, celui de l'inve
stissement personnel. Quelle est la part d'investissement que -S .o I 1 a> c
l'individu consacre aux communications, médiatisées ou non, et
qu'en retire-t-il ?
O o 1 . Morin Edgar, Sociologie, Paris, Fayard, 1 984, p. 1 27. Le concept de budget communicationnel 43
La prise en compte de l'investissement personnel dans les com
munications fait forcément apparaître des écarts et des ressem
blances entre les individus et, par là même, des formes
différentes de modalités de socialisation. C'est qu'ainsi se profi
lent les contours psychosociologiques des communications
médiatisées. Ces contours s'ébauchent dans la vie quotidienne
de chacun, dans le paysage médiatisé qui nous entoure. En
effet, l'individu est de nos jours, rattaché, relié aux autres et à
l'ensemble social par les modes de communication. Il lui est
extrêmement difficile, si ce n'est impossible - voire asocial — de
se défaire de ces liens. Mais, en même temps, il dessine lui-
même ces contours par ses choix de communication. Le
concept de budget communicationnel va nous aider à en préci
ser et à en affiner la forme. Pour cela, procédons à la
« mise entre parenthèses >> du contenu des communications.
Nous adoptons un point de vue phénoménologique. Nous pen
sons ainsi mieux percevoir la place, le rôle et la fonction occupés
par les communications et leurs supports médiatiques, indépe
ndamment de leurs significations immédiates.
D'ABORD UN CLASSEMENT DES MÉDIAS
Nous adoptons le point de vue de la quotidienneté des individus
pour considérer l'ensemble des moyens techniques de commun
ication actuellement disponibles et utilisés dans nos sociétés.
Parmi ceux-ci, nous distinguons les mass media directifs modul
ables, les médias interpersonnels et le face à face.
Les mass media directifs
Ils se caractérisent par une très large diffusion et la disproportion
entre le nombre restreint d'émetteurs de messages, et le grand
nombre de récepteurs dont la seule alternative est « de couper
le contact ». Il s'agit de la télévision, la presse, la radio. Ces
mass media diffusent leurs messages d'une façon apparemment
autonome par rapport au public. En fait, l'avènement des
chaînes câblées thématiques, des radios de plus en plus spécia
lisées et le foisonnement des possibilités promises par le mult
imédia, sont en train de modifier l'unidirectionnalité des rapports
média/utilisateur pour lui substituer des systèmes de feed-back
de plus en plus sophistiqués et perfectionnés (par exemple, les
dispositifs interactifs servant au choix des programmes, aux
études d'audience, à la participation à des jeux, etc.). 44 Psychologie de la communication
Les mass media modulables ou personnels
À la différence des précédents, l'individu a ici la possibilité
d'adapter la communication à son gré. C'est à lui de choisir le
message et le moment de réception. Les livres, les CD, les cas
settes audio et vidéo appartiennent à cette catégorie.
Les médias interpersonnels
La création du message relève ici à la fois de l'émetteur et du
récepteur comme pour le téléphone et le courrier. A priori, la
dimension humaine joue un rôle important. Cependant, elle est
de plus en plus « dénaturée >> et récupérée à des fins commerc
iales. L'émetteur ne parle pas en son nom propre, mais diffuse
un message élaboré par d'autres dans le but d'exploiter la
dimension humaine pour faciliter l'établissement du lien.
Le face à face
II s'agit du seul mode de communication où la relation se joue en
direct et dans la proximité - sans interface technique. Ici, le
champ de liberté de chacun dépend de la relation et non d'un
support.
DU QUOTIDIEN AU CONCEPT
Le budget communicationnel est un concept proposé par
Abraham Moles (1920-1992). Il a pour but d'appréhender les
communications comme un ensemble intégré à la vie quoti
dienne des individus des sociétés modernes. Il prend comme
point de départ la définition de l'un des fondateurs de l'écologie
scientifique, Haeckel, qui a étudié les interactions d'espèces di
fférentes à l'intérieur d'un territoire limité. Appliquée aux commu-
§ nications, cette approche débouche sur la « science des
^ relations et des interactions existant entre les différentes
<g espèces d'activités de communication, à l'intérieur d'un domaine
§J fermé tel le temps disponible d'un individu ou tel qu'un ensemble
j§ social dispersé sur un territoire 2 ».
■Jb De ce point de vue, les modes de communication dépendent des
§ ressources disponibles d'un individu et s'insèrent dans son envi-
g ronnement.
O§ 2. 1986, Moles p. 94. Abraham, Théorie structurale des communications et société, Masson, Paris, Le concept de budget communicationnel 45
L'écologie communicationnelle repose sur trois principes :
- Les ressources limitées de l'individu. Rappelons qu'elles sont
constituées de ses forces physiques (son niveau de fatigabilité),
ses revenus financiers, son temps (son emprise dans les actes
de la vie quotidienne) et ses capacités psychologiques et inte
llectuelles (elles déterminent les possibilités d'effort mental).
La somme de ces efforts peut être calculée grâce au concept de
« coût généralisé », proposé