Le conseiller du roi : les écrivains carolingiens et la tradition biblique - article ; n°12 ; vol.6, pg 111-123
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le conseiller du roi : les écrivains carolingiens et la tradition biblique - article ; n°12 ; vol.6, pg 111-123

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Médiévales - Année 1987 - Volume 6 - Numéro 12 - Pages 111-123
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Madame Geneviève Bührer-
Thierry
Le conseiller du roi : les écrivains carolingiens et la tradition
biblique
In: Médiévales, N°12, 1987. pp. 111-123.
Citer ce document / Cite this document :
Bührer-Thierry Geneviève. Le conseiller du roi : les écrivains carolingiens et la tradition biblique. In: Médiévales, N°12, 1987. pp.
111-123.
doi : 10.3406/medi.1987.1063
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1987_num_6_12_1063BUHRER-THIERRY Geneviève
LE CONSEILLER DU ROI
Les écrivains carolingiens et la tradition biblique
Pour peindre une situation politique ou caractériser un personnage avec
ses qualités et ses travers, les clercs du haut Moyen Age recourent sans
hésiter à la Bible : de ce texte inépuisable, ils tirent un certain nombre
de prototypes, aussi bien de « bons » que de « méchants » : ainsi le bon
roi carolingien devient-il un « nouveau David », tandis qu'on compare
les victoires de Charles et Louis sur les Normands à celles de Salomon
sur les païens (1). On peut ainsi établir des modèles typologiques valant
pour chaque catégorie de la société, la Bible fonctionnant comme un
« miroir », comme un modèle universel dans lequel chacun se reflète (2).
Mais si cette typologie est bien connue en ce qui concerne la personne
royale (et ses modèles dans l'Ancien Testament) (3), elle est souvent moins
évidente pour l'entourage royal où elle fonctionne cependant pour un des
personnages essentiels dans la structure du pouvoir des derniers temps
carolingiens : le conseiller du roi. Les annalistes et chroniqueurs des IXe
et Xe siècles tracent de lui un portrait qui mêle étroitement le modèle
biblique et la réalité politique.
Les dernières années du règne de Charles 111(4) ont été durement
troublées par les difficultés de la succession : de plus en plus malade, de
moins en moins capable d'assurer le gouvernement d'un immense royaume
en proie aux attaques des Normands, le roi n'avait aucun successeur direct.
Il y eut donc de nombreuses luttes entre les différents groupes de
l'aristocratie carolingienne pour savoir qui serait l'héritier de Charles et
1. Par exemple : Notker de Saint-Gall in Gesta Caroli IL 19.
2. Nous ne faisons que reprendre ici la thèse développée par P. RICHE dans : « La Bible
et la vie politique dans le haut Moyen Age» in : « Le Moyen Age et la Bible », 1984,
p. 385/400.
3. Ils ont été étudiés en particulier par P. E. SCHRAMM : «Dos alte und dos neue
Testament in der Staatslehre und Staatssymbolik des Mittelalters », in : « La Bibbia »,
Settimane di Spoleto 1963, tome 10, p. 229/255.
4. Le plus jeune des fils de Louis le Germanique qui a régné sur le royaume de l'est,
mais aussi sur l'Italie et la Francie occidentale entre 876 et 887. 112
si l'unité du royaume serait maintenue, jusqu'à ce que, en octobre 887,
le neveu du roi, Arnolf de Carinthie (5) s'empare du pouvoir en
« destituant » son oncle (qui devait mourir peu après) avec l'assentiment
de la majorité des grands du royaume (6). Quelques mois seulement avant
sa chute, Charles s'était séparé de son principal conseiller, Pévêque de
Verceil, sous la pression des grands d'Alémanie en particulier.
De ces deux destitutions, celle de l'évêque Liutward et celle du roi
Charles, nous possédons plusieurs récits, où ce que l'on reprochait au
conseiller du roi s'exprime comme un topos biblique, même si celui-ci reflète
également les rapports de pouvoir du IXe siècle finissant.
La source principale en ce qui concerne les péripéties des derniers mois
du règne de Charles est constituée par les « annales de Fulda », qui font
office d'annales officielles du royaume de l'Est. Malgré le nom qu'elles
ont conservé, elles ont été rédigées à Mayence de 864 à 887, dans un milieu
proche de l'archevêque Liutbert de et s'appliquent à montrer
sous un jour peu favorable l'évêque de Verceil :
« En d'autres temps, c'est-à-dire à l'époque où il avait été fait roi en
Alémanie, il (Charles) avait élevé au-dessus de ceux du royaume un
des siens, de basse naissance, appelé Liutward, et de même qu'Aman
dont il est fait mention dans le livre d'Esther, il l'emportait sur tous
les autres en nom et en dignité. Celui-ci en effet était second après
le roi Assuérus, mais à la vérité, celui-là était premier avant même
l'empereur et il était honoré et craint de tous plus encore que
l'empereur. En effet il enleva des filles de très nobles familles en
Alémanie et en Italie, sans que nul ne s'y oppose et il les donna en
mariage à ses proches./... /Alors que le dit Liutward avait très souvent
traité des affaires du royaume pendant plusieurs années, enflé par
le désir d'une vaine gloire et aveuglé par la cupidité, il travaillait
à pervertir la foi catholique et à détruire notre salut en disant qu'il
y a unité de la substance mais non de la personne, alors que la Sainte
Église croit et confesse qu'il y a deux substances en une personne./.../
Ayant tenu un colloque avec les siens, au lieu appelé Kirchen,
il (Charles) le déposa, pour qu'il ne soit plus archichapelain et,
ses nombreux bénéfices lui ayant été enlevés pour cause d'hérésie
et pour de nombreuses choses odieuses, il le chassa du palais avec
dégoût.
Celui-ci se tourna vers Arnolf en Bavière et construisit avec lui
5. Arnolf avait le commandement de la marche de Bavière, la Carinthie que son père
Carloman, dont il était le fils bâtard, lui avait remise.
6. Les mécanismes et l'histoire de cette succession ont été étudiés de très près
par H. KELLER : «Zum Sturz Karls III. », in : Deutsches Archiv 22, 1966,
p. 344/380. 113
une machination destinée à priver l'empereur de son royaume. Ce qui fut
fait. » (7)
L'annaliste de Mayence a donc accumulé sur la personne de
l'archichancelier un grand nombre de reproches, qui aboutissent d'une part
à expliquer la destitution de Liutward au plaid de Kirchen en 887, et
d'autre part à le rendre responsable de la chute de Charles quelques mois
plus tard.
Or si la liste des défauts et méfaits de Liutward semble un peu
hétéroclite, elle est aussi en grande partie dictée par un modèle biblique
dont le rédacteur s'inspire plus ou moins consciemment.
Basse naissance et mésalliance
Le premier défaut de Liutward, selon le clerc de Mayence, est d'être
né dans une famille de basse extraction - « infimo génère » - c'est-à-dire
de ne pas faire partie de cette aristocratie carolingienne qui détient
normalement tous les offices royaux (8). L'évêque de Verceil devait donc
son rang exclusivement au roi Charles qui l'avait « élevé » au-dessus des
autres tout comme Assuérus avait élevé Aman :
«Post haec exaltavit Aman filium Amadathi qui erat
de stirpe Agag » (9) dit la Vulgate et il est probable que l'annaliste a
repris intentionnellement le même mot : «exaltare» (= élever en
dignité, distinguer), même si la situation est un peu différente, car
Aman était de la famille d'Agag, roi des Amalécites (10), et sa naissance
7. Annales Fuldenses, Pars III, anno 887, éd. F. KURZE, 1891 ; p. 105 : «Qui prisas
temporibus, id est quo rex in Alamannia constitutus est, quendam de suis ex infimo génère
natum nomine Liutwartum supra omnes, qui erant in regno suo, exaltavit, ita ut Aman, cuius
mentio facta est in libro Hester, et nomine et dignitate praecelleret. Ille enim post regent
Assuerum erat secundus, iste vero prior imperatori et plus quam imperator ob omnibus
honorabatur et timebatur. Nam nobilissimorum filias in Alamannia et Italia nullo
contradicente rapuit suisque propinquis nuptum dédit. /.../Cum autem memoratus Liutwart
talia in regno imperatoris per plures annos actitaret, tandem cenodoxia inflatus et philargiria
caecatus fidem catholicam pervertere et redemptori nostro detrahere laborabat, dicens eum
unum esse unitate substantiae, non personae, cum sancta ecclesia credat et confiteatur eum
in duabus substantiis unam habere personam./.../Qui habita cum suis conlocutione in loco
qui vocatur Kirihheim, eum deposuit, ne esset archicapellanus, multisque beneficiis ab eo
sublatis ut hereticum et omnibus odiosum cu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents