Le dit et le vu - article ; n°1 ; vol.29, pg 57-69
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Description

Communications - Année 1978 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 57-69
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Rio
Le dit et le vu
In: Communications, 29, 1978. pp. 57-69.
Citer ce document / Cite this document :
Rio Michel. Le dit et le vu. In: Communications, 29, 1978. pp. 57-69.
doi : 10.3406/comm.1978.1433
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1978_num_29_1_1433Michel Rio
Le dit et le vu
a Lisez l'histoire et le tableau » (Poussin).
« Les interprétations des tableaux sont multiples et totalement contradictoires,
tout comme les phraseologies qui les expriment1. » A. Zemsz fait ici allusion
à la peinture occidentale contemporaine, qu'il oppose aux « figures intelligibles »
de certains peuples, figures se référant à un système de signification unanimement
compris dans la culture qui les a produites. Nous pensons que c'est à ce rapport
plus ou moins fluctuant, plus ou moins systématisé entre l'image (nous parlerons
ici uniquement de l'image fixe à deux dimensions, et non de sculpture ni de cinéma
qui demanderaient un traitement particulier) et l'ensemble historico-culturel
qui l'a fait naître que nous devons poser les premières questions fondant l'analyse
du phénomène pictural. Nous l'assimilons avant tout à un des rapports fonda
mentaux de la parole (ce qui est dit, dans la plus vaste acception du terme) et
de l'image (ce qui est représenté, et par suite vu). Nous disons bien un rapport
entre autres, car une tendance de la critique picturale est de penser abusivement
avoir résolu l'essentiel des problèmes d'analyse de la production de l'image en
posant celle-ci comme une des manifestations « logiques » d'une culture à un
moment donné de son histoire, c'est-à-dire d'une parole conceptualisante fixée
dans le temps et l'espace. C'est d'une part méconnaître le rapport dialectique
entre la parole, certes instrument par excellence de systématisation, et les acti
vités humaines extra-linguistiques (par exemple, justement, la production
des images 2). C'est, d'autre part, et en conséquence, limiter les rapports parole-
image à un type unique où la seconde apparaît comme l'enfant plus ou moins
discipliné de la première, les écarts étant notés davantage comme des manifes
tations d'inconduite que comme des signes d'autonomie d'une activité qui
réfléchit sur ses propres codes. Partant de ces quelques réflexions, nous avons
précisément été amené à envisager différents niveaux possibles de rapports
de la parole et de l'image. Nous en avons défini quatre, qui, sans prétendre être
exhaustifs, paraissent assez bien rendre compte du problème dans son ensemble.
Un premier type de rapports est justement celui qui a introduit cette réflexion,
et qui met en jeu la vision du monde, la cosmologie, l'ensemble des concepts
qui organisent une société à un moment donné de son histoire, et les modèles
iconiques (sur les deux plans optique et thématique) que cet ensemble élabore
(dans le cas évidemment où une culture engendre une iconographie). Un second
1. A. Zemsz, Les optiques cohérentes, Revue d'esthétique, 1967, p. 40.
2. Certaines pages de Francastel sont très éclairantes à ce point de vue : cf. La
Figure et le Lieu, Paris, 1967.
57 Michel Rio
type peut être envisagé lorsque l'image et la parole coexistent dans un message,
sont les parties constituantes de ce message (par exemple, les titres de tableaux
isolés ou la bande dessinée). Un troisième type, lorsque l'image prétend visualiser
tout un discours, montrer ce qui a été dit, se constituant alors non comme simple
illustration, mais comme « récit » autonome développant ses propres lois sans
s'appuyer sur le récit du texte correspondant (ou de la tradition orale), que l'image
soit isolée (tableau particulier) ou qu'elle s'étale dans une série (ex. : adaptation
en bande dessinée). Le quatrième type est évidemment celui du discours critique
(descriptif et théorique), où la parole tente de prendre en charge l'image, de
l'élucider au maximum tant sur le plan de sa structure formelle que sur celui de
sa signification. Partant de l'objet pour aller au concept, la parole a ici, par rap
port à l'image, la double tâche de dégager des modèles et des lois et de spécifier
la différence de l'objet précis qu'elle étudie. Elle est théorique dans la mesure
où elle intervient pour analyser et systématiser les trois premiers types de rap
ports, elle est épistémologique dans la mesure où elle réfléchit sur son propre
discours.
Dans les lignes qui vont suivre, nous ne ferons qu'aborder quelques aspects,
en les illustrant, des problèmes ainsi posés.
La parole créatrice : du concept à V objet.
« La surface picturale est une charnière où l'optique spontanée, empirique,
" topologique ", se rencontrent... La peinture oppose au visible et l'optique codée,
naturel des visibles signifiants, culturels, mythiques 1 .» On peut avancer que
lorsqu'une culture a découvert la possibilité de systématiser la perception
empirique du monde pour reconduire celui-ci sur un espace limité à deux dimens
ions, c'est-à-dire a créé véritablement l'espace symbolique, ou métaphorique,
que le phénomène de la rencontre de « l'optique empirique et de l'optique codée »
(Zemsz) a eu lieu, l'acte pictural s'est manifesté dans son expression la plus ache
vée. Nous disons la plus achevée, car il ne peut y avoir de jugement de valeur,
en ce qui concerne ce qu'on a bien voulu appeler « l'œuvre d'art » (ici l'image),
fondé sur une hiérarchie logique née de nos propres codes. La cohérence ne se
situe pas dans des définitions ethnocentriques, mais bien dans le rapport entre
une œuvre particulière et la culture particulière qui l'a suscitée à un moment
donné de son histoire. Dès lors qu'on parle de reconstruction picturale selon
une optique codée, on pense immédiatement à une déconstruction préalable,
c'est-à-dire à une opération susceptible de décomposer en éléments optiques
un univers continu, parfaitement abstraite, conceptuelle, « culturelle ».
C'est cette déconstruction qui permettra la représentation dans un espace symb
olique, ou métaphorique, de formes délimitées par la ligne et /ou la couleur.
C'est la possibilité de représenter au moyen d'une optique codée qui donnera
naissance et signification à l'espace où s'inscrit cette représentation (même si le
tableau vierge, en tant qu'objet du monde, porte en lui, déjà, les virtualités
de la métaphore, appelle en quelque sorte la symbolisation de l'espace). Cette
intervention d'un espace conceptualisé suppose la parole. Une culture organise
sa propre optique codée à travers sa façon spécifique de percevoir et de concevoir
le monde, l'image produite étant une actualisation particulière d'un gigantesque
1. A. Zemsz, Les optiques cohérentes, op. cit., p. 73.
58 di Pietro : Saint Blaise ordonne au loup de rapporter le porcelet volé à la veuve. Sano Michel Rio
travail d'interprétation et de codification de la perception empirique K Dans
toutes les cultures ayant une tradition picturale, le nez, par exemple, ou les yeux,
sont repérables dans les représentations anthropomorphiques. C'est sans doute
la part de l'influence de l'optique empirique sur toutes ces cultures. Si on ne
considère à présent que codée, la seule forme picturale, les différences
sont énormes et innombrables, et si on exclut la référence même aux objets
<c nez » ou « yeux » (qui sont repérables par exemple de par leur situation dans la
représentation), on peut dire qu'il n'y a guère de parenté entre toutes ces formes,
posant pourtant un rapport avec un objet identique. D'autre part la culture, la
vision du monde d'une communauté à un moment de son histoire, n'intervient
pas seulement dans l'image pour traiter systématiquement les seuls objets per
ceptibles du monde. Dieu, monstres, figures et scènes prises aux mythes et aux
religions, autant de thèmes existant dans la représentation et non dans la nature.
Le rapport général des optiques préside toujours plus ou moins à l'élaboration
picturale : la ligne servant à cerner sur la surface la forme du cheval servira aussi
(

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