Le prophète breton Guinglaff au service du roi de France Charles VII - article ; n°1 ; vol.39, pg 1-17
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Annales de Bretagne - Année 1930 - Volume 39 - Numéro 1 - Pages 1-17
17 pages

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Publié le 01 janvier 1930
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

J. Tourneur-Aumont
Le prophète breton Guinglaff au service du roi de France
Charles VII
In: Annales de Bretagne. Tome 39, numéro 1, 1930. pp. 1-17.
Citer ce document / Cite this document :
Tourneur-Aumont J. Le prophète breton Guinglaff au service du roi de France Charles VII. In: Annales de Bretagne. Tome 39,
numéro 1, 1930. pp. 1-17.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1930_num_39_1_1656J. TOURNEUR-AUMONT
LE PROPHÈTE BRETON GUINGLAFF
AD SERVICE DU ROI DE FRANCE CHARLES ¥11
Professeur en honoraire souvenir A de M. Poitiers, et Ernault, à en la hommage. Faculté des Lettres
Dater une œuvre de fantaisie, une « prophétie » en 2'i5 vers,
dont le texte est mal établi, en un langage dont on ne possède
pas la familiarité, est une aventure.
Le premier mouvement est de s'abstenir.
Mais les prophéties de Guinglaff contiennent des éléments
de géographie historique très particuliers, propres à retenir
l'attention, en dehors de l'altrail désormais ordinaire de la
recherche historique à travers la poésie.
On est ainsi conduit vers quelques propositions précises,
dont on eût d'abord incliné à se méfier.
I. — La prophétie de Guinglafl, composition savante
de style XVe siècle.
Le poème de Guinglaff se compose d'un Prélude [vers 1-17],
de quatre Refrains [18-23, 32-35, 62-65, 133-136] et quatre
Couplets [24-31, 36-61, 66-132, 137-245].
C'est donc un exemplaire de Chant Royal, suivant les fo
rmules connues du xve siècle. 2. LE PROPHETE BRETON GUINGLAFF
L'art de rimer une chronique, une complainte, un dialogue,
de mettre un mystère en douzaines de "milliers de vers était
alors vulgarisé depuis longtemps. A la fin du xive siècle, un
clerc trouvait à portée de sa main pour composer un sermon
des recueils de modèles pour utilisation instanlanée, comme
étaient le Dormi secure (dors tranquille), YArs dilatandi ser-
mones, etc. De même pour agencer des ritournelles et des
couplets, il y avait, par exemple, le guide pratique du héraut,
de Charles V, Eustache Deschamps, Art de dictier et de faire
ballades et chants royaux (1392).
Par leur forme, les prophéties de Guinglaff se classent donc
dans une série banale.
L'heuristique des thèmes littéraires conduit a la même
conclusion.
« Les visionnaires ont pullulé durant toute la première
moitié du xv° siècle », écrit A. Molinier :*). La vision était
depuis la Renaissance carolingienne (avec Ermold le Noir,
Walafrid Strabon, etc.) et même depuis les Vies de saints
mérovingiennes un genre littéraire mis en règles. Elle rede
vint de mise courante, quand le xve siècle eut popularisé, sous
l'influence de la culture ecclésiastique, la littérature didac
tique et morale. Il y eut un répertoire de lieux communs à
l'usage de l'ascète inspiré, du reclus comme Marie Robine à
Avignon, ou du solitaire au désert Guinglaff. Ainsi
qu'en témoignèrent des procès comme Je deuxième des quatre
procès de Jeanne d'Arc (celui de 1430-1431), comme celui de
Gilles de Rais (1440), la démonologie enrichissait alors ce
répertoire. Une prophétie se composait à l'aide de lieux
communs quasi-catalogues, comme on composait par exemple
un Dialogue du Corps et de l'Ame et, bientôt, un Miroir du
Salut.
La science du calendrier, que les Facultés de théologie
enseignaient aux ciercs avec autant de ferveur que les Facultés
de médecine, l'astrologie, procurait les thèmes chronologiques.
<1) A. Molinier, Les sources de l'Histoire de France, vol. IV, 1904, p. 309. r
Avec et naturels quiconque milieu les Aux que passages les du mêmes Noël [37-40], Tables Aïï xve sera serait sur SERVICE siècle, courants verra les de. un sphères Pd([ues tours que DU dimanche sans de Pâques ROI apocalyptiques pensée doute; translucides on DE pouvait tomberait FRANCE [vers à 184, l'uniforme 86-87] car prévoir CHARLES [45], et en la sentencieux w. les 1574 Prophétie appartiennent aisément, phénomènes VII le 11 avril [129, l'eau «3
nseigne, etc.].
Des préoccupations d'une profondeur particulières au siècle
de François Villon et des danses Macabre se trahissent en
quelques passages, sur le dévergondage et la cruauté des
mœurs après la Grande Guerre [145-146], sur la dépravation
et les malheurs du clergé après le Grand Schisme [27-31, 48,
52-61, 54, 134, 158], peints aussi au temps du Roman de la
Ptôse, mais avec un accent moins pénétrant. Cet accent est
comme la signature d'une époque, et contribue à expliquer
la survivance des prophéties de Guinglaff au milieu d'une
production littéraire de convention et surabondante.
Une première proposition peut donc être ainsi formulée :
les prophéties de Guinglaff ne sont pas de la poésie naïve et
populaire. Elles se présentent comme l'œuvre d'un clerc
attablé devant le métier, appliquant une recette de rhétori-
queur, usuelle au xve siècle.
II. — Inquiétudes bretonnes en ce siècle.
Une note de sincérité vitrante distingue l'œuvre.
Le clerc qui fait parler Guinglaff ne s'adresse qu'au pays
breton, veut atteindre les cœurs bretons, exprimer leur
anxiété, agir par son chant.
En Bretonnerie Haute et Basse, ("vers 189]
II renseigne ainsi. La série de malheurs que fait craindre
Guinglaff procure une exacte peinture, un dénombrement
précis des inquiétudes bretonnes au xv8 siècle.
(1) A. Giry, Manuel du Diplomatique. Paris, 1894, p. 903. 4 LE PROPHÈTE BRETON GUINGLAFF
En tôle vient la peur chronique de l'incursion anglaise, qui
domine l'œuvre, en toutes ses parties et emplit le couplet
Unal [159-245].
L'attente du secours à. organiser est une autre cause
d'anxiété. La guerre de Succession de Brelagne après avoir
apporté, au xive siècle, les horreurs d'une « guerre des Deux
Rosés », a prolongé un siècle ses contrecoups, qui perpétuent
le souvenir d'inexpiables atrocités, celui des
... cœurs de mères partagés
et pareillement blessés à moi l
... Entre chaque maison
une guerre déclarée [vers 101-107].
On voit vaciller l'institution ducale.
Un duc viendra de France en Bretagne [14SJ
Un duc ira de Bretagne en France. [1W>]
Guinglaff place le Roi avant le Duc, si le duc est visé au
vers 58 :
Roi et Chef.
Le prophète pense curieusement [205-213] aux milices des
paroisses organisées par Artur de Bretagne, comte de Riche-
mont, connétable de Fiance, en 1425, introduites plus tard
dans le royaume de France. 11 n'ignore pas l'artillerie [199],
citée dans le même passage et qui se développa en Bretagne
en même temps que l'architecture militaire, après la Guerre
de Succession de 131 1-1305.
Mais le clerc qui fait parler, GuinglaiT, « l'Archidruide »,
compte aussi pour le salut commun sur la puissance de la foi
chrétienne.
Sa terreur de l'hérésie,
Des hérétiques de mauvaise cervelle, [vers r>(î...J
fait penser à l'i Pré-Réforme, aux Hussites, contre lesquels,
en 1429, se tournait l'esprit de croisade de Jeanne d'Arc et
s'arm.ait l'évêque- de Winchester, chancelier d'Angleterre. SERVICE DU ROI DE FRANCE CHARLES VII O AU
Comme il convient en une prophétie médiévale, on rencontre
une allusion à !a lin du monde [21 j; de même qu'en un
passage habituel aux devins populaires, Guinglaff s'offie à
tout prédire excepté tes dates de mort des interlocuteurs [26J.
Mais ces questions d'usage prennent un sens singulier évo
quées dans la Bretagne anxieuse du xve siècle, où l'idée de fourni'
la prédication la fin du monde avait, en 14J8-J.il9, à
retentissante de saint Vincent Ferrier (canonisé en 1455) le
thème principal.
(Test Artur qui consulte Guinglaff.
Le \ve siècle apportait un renouveau de faveur au nom
d'Artur, comme à celui de Merlin.
Le nom de bon augure du défenseur légendaire des Bretons
contre les Saxons et Anglais sonne agréablement dans l'écrit
d'un prophète de malheurs.
11 convenait que ce nom fût ressuscité en un siècle d'infor
tunes bretonnes, pour être porté par quelque chef breton.
Peut-être le nom d'Artur n'est-il point introduit par hasard
dans un Chant royal Breton du xve .siècle.

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