Le ralliement à la France Libre des colonies du Pacifique - article ; n°1 ; vol.1, pg 67-80
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1945 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 67-80
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1945
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Paul Faivre
Le ralliement à la France Libre des colonies du Pacifique
In: Journal de la Société des océanistes. Tome 1, 1945. pp. 67-80.
Citer ce document / Cite this document :
Faivre Jean-Paul. Le ralliement à la France Libre des colonies du Pacifique. In: Journal de la Société des océanistes. Tome 1,
1945. pp. 67-80.
doi : 10.3406/jso.1945.1487
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1945_num_1_1_1487LE RALLIEMENT À LA FRANCE LIRRE
DES COLONIES DU PACIFIQUE.
Le 9 juillet 1941, à Beyrouth, le Général de Gaulle signait les instructions
destinées à son haut-commissaire dans le Pacifique, le Capitaine de Vais
seau d'Argenlieu. Sur trois de nos bâtiments, la mission appareillait
d'Angleterre à la fin d'août. A Londres, on plaisantait : « Vous allez là-bas
pour vous embusquer ! ». On allait, au contraire, accomplir une démarche
indispensable et qui montrait que la pensée du général n'abandonnait pas
les premiers territoires où avait été hissé le pavillon de la France libre.
Il savait en effet que déjà le Japon s'apprêtait à régler le sort des; Euro
péens dans le Grand Océan. Pearl Harbour éclata en décembre, six mois
plus tard. Et il se souvenait des Français qui, dès septembre 1940, malgré
les mauvaises volontés administratives, s'étaient ralliés autour de lui, aux
Antipodes, parce que sa voix avait refusé de reconnaître la défaite et parce
qu'elle annonçait l'heure de la libération de la France dont ils se sentaient
une province fidèle et lointaine (1).
En France, nous l'avons ignoré longtemps et ne le savons pas toujours
très précisément. La petite lueur d'espoir de septembre 1940 est passée
inaperçue, masquée par l'obsession du présent immédiat et des événements
gigantesques qui bousculaient la vieille Europe. Eux aussi, les Français
d'Océanie, Calédoniens ou Tahitiens, ils avaient ressenti le choc de ces
événements. Mais, sentant leur force intacte, leurs terres encore libres,
placés au contact des vastes dominions du Pacifique dont leur vie matér
ielle dépendait pour une bonne part et avec lesquels ils entretenaient des
rapports étroits, ils ne s'avouaient pas vaincus. La mobilisation les avaient
pris, ils n'étaient pas partis et ne comprenaient pas pourquoi. Le moment
(1) C'est au lieutenant-colonel Laporte, membre de la mission, que nous
devons les indications qui la concernent. SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES. 68
était venu de voler au secours de la mère-patrie. Et du reste, au début,
les gouverneurs eux-mêmes avaient manifesté leur volonté de continuer
la lutte en accord avec le reste de l'Empire.
Aux îles Australes, perdues sous le Capricorne à 300 milles au sud de
Tahiti, le Directeur de l'Enseignement, M. Delage, était en tournée au
mois de juin. Tous les soirs, les insulaires de Rurutu se groupaient sur la
plage, mais ce n'était point pour danser et chanter. Finie, l'mssouciante
gaîté traditionnelle 1 Ils écoutaient la radio et l'administrateur leur tra
duisait les informations. Et tous ils suivaient la marche de l'armée all
emande dans cette France qu'ils ne connaissaient pas, mais dont le moindre
nom de village conquis, en Flandre ou en Lorraine, leur faisait mal comme
ci l'ennemi eût pris leurs villages. Ce fut un soir, vers 18 heures, l'annonce
de la prise die Paris. Un diacre, juge du village, vint trouver les Européens:
« Ce n'est pas, vrai, ça ne peut pas être vrai, Paris ne peut pas être prig... »
Pour lui, xine telle lumière ne pouvait s'éteindre. Le 14 juillet, aux Iles-
&ous-Le-Vent, le Docteur de Curton, administrateur, adressait aux notables
et aux chefs — une cinquantaine — quelques mots de tristesse et d'espoir.
Les orateurs, selon la coutume, se mirent à tour de rôle à les commenter r
a Tu nous parles, dit un vieux chef, de la tristesse de savoir les Prussiens
à Paris, à Bordeaux et à Lyon. Nous la comprenons et nous la partageons
parce que tous nos frères sont prisonniers de l'ennemi, et nous avons
comme toi le cœur bien triste. »
« Mais les Prussiens n'ont pas encore vaincu tous; les territoires fran
çais, si vastes que le soleil ne s'y couche jamais.
« Ilsj ne sont pas à Tahiti, aux Iles-sous-le-Vent, aux Tuamotou. Ils n'ont
pas vaincu les Maoris !
« Les ignorants et les lâches meurent et disparaissent de ce monde. Nous
ne sommes pas des lâches et nous ne sommes pas des ignorants !
ne pas des vaincus et nous ne pas des captifs*.
« Par conséquent, pourquoi serions-nous désespérés puisque nous pou
vons encore nous battre pour notre pays ? » (1).
Un juge, ancien combattant de Champagne, puis un orometua haapii
— instituteur indigène, d'un corps qui s'honore de maîtres remarquables —
parlèrent dans le même sens. Ce dernier ajouta :
«Nous voulons! former un bataillon du Pacifique et tous les tamarii
maohi (enfants polynésiens), iront aider les Piritam (Britanniques) à
chasser les- Prussiens du sol de France !
« la orana Farani ! la orana Tahiti ! »
(1) E. de Curton, Tahiti, Terre française combattante, Londres, 1942, p. 80.
Le Dr de Curton a bien voulu nous communiquer des documents person
nels et les compléter oralement. Bit OCÉiNIE. 69 tULLIEMENT
Écho lointain aux généreuse» indignations d'un Diderot pour qui la
civilisation ne devait apporter au Tahitien, vertueux enfant de la bonne
nature, que misère et malheur. Ce ne sont pas seulement des trafiquants
ou des exploitants qu'elle a exportés là-bas — et là-bas moins qu'ailleurs
peut-être — mais des médecins, des dispensaires, des missionnaires et des
instituteurs, des écoles. Et k colonie s'est créée et a grandi sans préjugés
de race ou de couleur, sans caste oppressive, sans spoliations. Petit propriét
aire, métayer ou artisan, ni ouvrier ni « prolétaire », le Tahitien est citoyen
français — et les autres originaires de la Polynésie Française ont été
jugés dignes de le devenir. C'est en Français qu'il sent, qu'il pense et qu'il
parle, en cet été de 1940. Dans sa tombe de Montmartre, M. de Bougainv
ille a dû en tressaillir. « La France, disait l'instituteur, est notre mère à
tous.»
A Nouméa, ce sont les Blancs, ceux qui s'appellent avec fierté les Calé
doniens, qui ont réagi. Le Canaque est un « brave gars », il aime bien la
France, et là-bas non plus il n'y a pas de préjugé de couleur. Le moment
venu, il s'est précipité pour s'enrôler — on a dû refuser du monde. Mais
ce n'est pas un citoyen : la politique est l'affaire des Blancs.
Ceux-ci ont formé là-bas une société différente de celle de la vieille
Europe, plus proche à certains égards des États-Unis. Pas de classes.
Certains manient des capitaux, d'autres n'en ont pas;. Grandes maisons
de commerce — comme la firme Ballande — ou sociétés minières avec leurs
administrateurs et directeurs locaux, comme le Nickel, qui dans son usine
transforme en mattes à 80 p. 100 le minerai qu'elle a extrait. Les autres
sont employés!, contremaîtres, ingénieurs, et parmi eux, grâce aux efforts
ée M. Gervolino, actuellement député à l'Assemblée constituante, le syndi
calisme s'était regroupé et organisé depuis 1936. Ce sont ceux-ci qui
réagirent dès la nouvelle de l'armistice. Mais on ne peut pas dire que le
patronat eu l'évêché se soient montrés systématiquement hostiles à leur
mouvement. Comme en France sous l'occupation, à l'ancien clivage entre
groupes sociaux et partis politiques, il s'en substitua un nouveau : on fut,
individuellement pour ou contre la capitulation. Même les! familles, sur
ce point, furent parfois divisées. Dans l'ensemble, cependant, la «bourg
eoisie » se montra plus réservée.
C'est des cadres administratifs et militaires d'origine métropolitaine que
vint le principal obstacle à l'élan qui emporta alors les Blancs de Calédonie.
Le 24 juin la capitulation était connue. Mais déjà les appels du général
de Gaulle à la radio de Londres depuis le 18 juin avaient été entendus.
Sans s'être donné le mot, ceux qui ne voulaient pas désespérer de la 70 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES.
Patrie : MM. Kollen, Gad

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