Le sang du guerrier et le sang des femmes - article ; n°1 ; vol.29, pg 7-21
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1984 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 7-21
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 103
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Héritier
Le sang du guerrier et le sang des femmes
In: Les Cahiers du GRIF, N. 29, 1984. l'africaine sexe et signe. pp. 7-21.
Citer ce document / Cite this document :
Héritier Françoise. Le sang du guerrier et le sang des femmes. In: Les Cahiers du GRIF, N. 29, 1984. l'africaine sexe et signe.
pp. 7-21.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1984_num_29_1_1629Le sang du guerrier et
le sang des femmes
Notes anthropologiques sur le rapport des sexes
Françoise Héritier
Version originale de « Maschile/Feminile » in Enciclopedia Einaudi T.VIII, Torino 1979.
Il ne fait pas de doute, pour tout observateur de la société occidentale, qu'elle
est marquée par une éclatante domination masculine. La subordination fémi
nine est évidente dans les domaines du politique, de l'économique et du symbol
ique. Il y a peu de représentantes féminines de la nation dans les organes
locaux ou centraux de gouvernement (décision et administration). Sur le plan
économique, les femmes sont le plus souvent confinées à la sphère domestique,
dont elles ne sortent d'ailleurs jamais absolument : en effet, les femmes qui ont
un travail salarié doivent combiner de fait les deux activités. Lorsqu'elles ont
des activités hors du champ domestique, il est rare que les femmes puissent
accéder au sommet, aux postes de responsabilité, de direction, de prestige, dans
leur profession. Sur le plan symbolique, relayé par la tradition et l'éducation
donnée aux enfants, les activités valorisées et prisées sont celles qu'exercent les
hommes. De plus, un corps de jugements de valeur met en évidence des carac
téristiques présentées comme naturelles et donc irrémédiables observable dans
le comportement, les performances, les « qualités » ou « défauts » féminins
considérés comme marqués sexuellement de façon typique. Un discours négat
if présente les femmes comme des créatures irrationnelles et illogiques,
dépourvues d'esprit critique, curieuses, indiscrètes, bavardes, incapables de
garder un secret, routinières, peu inventives, peu créatrices notamment dans les
activités de type intellectuel ou esthétique, peureuses et lâches, esclaves de leur
corps et de leurs sentiments, peu aptes à dominer et à contrôler leurs passions,
inconséquentes, hystériques, changeantes, peu fiables voire traitresses, rusées,
jalouses, envieuses, incapables d'être bonnes camarades entre elles, indiscipli
nées, désobéissantes, impudiques, perverses... Eve, Dalila, Galatée,
Aphrodite... Il existe un autre corps de discours, apparemment moins négatif.
Fragiles, casanières, peu douées pour l'aventure intellectuelle et physique, douc
es, émotives, recherchant la paix, la stabilité et le confort du foyer, fuyant les
responsabilités, incapables d'esprit de décision, d'esprit d'abstraction, crédules,
intuitives, sensibles, tendres et pudiques, les femmes ont besoin par nature
d'être soumises, dirigées et contrôlées par un homme. Dans les deux cas, et
sans souci des contradictions entre les deux versions (la femme brûlante, la
femme froide ; la femme pure, la femme polluante), ce discours symbolique
renvoie à une nature féminine, morphologique, biologique, psychologique. Ces
séries qualitatives sont marquées négativement ou de façon dévalorisée, alors
que les séries qualitatives masculines correspondantes sont positives ou valori
sées. Il y a un sexe majeur et un sexe mineur, un sexe « fort » et un sexe « fai
ble », un esprit « fort », un esprit « faible ». Cette « faiblesse » naturelle, congén
itale, des femmes implique et légitime leur assujettissement jusque dans leur
corps. ne poseront pas ici la question de savoir si ce rapport inégalitaire des Nous
sexes dans la société occidentale peut et doit changer, et si oui, selon quelles
modalités, mais deux questions tout à fait différentes. Peut-on dire que cette
domination masculine est universelle ? Si oui, où se situe l'origine, l'explication
de cette inégalité foncière entre les sexes ?
La suprématie masculine comme question
Il n'est pas sûr du tout que l'on dispose d'un recensement exhaustif de toutes les
sociétés humaines existantes ou ayant existé. Il est certain que routes les socié
tés connues ne sont pas pour autant toutes décrites. Et quand elles le sont, ce
n'est pas nécessairement d'une manière qui met en évidence la nature du rap
port établi par chacune entre les hommes et les femmes. Ces réserves faites, qui
impliquent l'absence de preuve scientifique absolue, il existe une forte probabil
ité statistique de l'universalité de la suprématie masculine, qui résulte de l'ex
amen de la littérature anthropologique sur la question.
Une des critiques faites à cette affirmation d'un point de vue féministe, est que
la majeure partie des études anthropologiques a été menée par des hommes. On
ajoute que lorsqu'elles sont menées par des femmes, celles-ci participent néces
sairement de l'idéologie dominante de leur propre société qui valorise la masculi
nité, et par conséquent s'intéressent davantage au monde des hommes, consi
déré comme plus intéressant et de toutes façons plus facile d'accès. Un double
biais, ethnocentré et androcentré, ferait que l'on regarde les autres sociétés avec
les yeux de la nôtre et plus particulièrement avec les yeux de l'homme chez
nous dominant. Enfin, le monde des femmes étant particulièrement secret et
clos pour un anthropologue, mâle de surcroit, on dispose en ce qui les concerne
de la vision masculine de leur propre société. Les femmes des sociétés étudiées
de la sorte seraient donc regardées d'un regard doublement masculin, ce qui
expliquerait que domine dans la littérature anthropologique l'image de leur sta
tut humilié.
Il n'est pas possible de rejeter totalement cet argument, mais il convient d'en
atténuer la portée pour plusieurs raisons : en premier lieu, s'il est admis que les
anthropologues femmes participent de l'idéologie dominante de leur propre
société, il est contradictoire de penser que dans d'autres sociétés, les femmes
puissent avoir un corps de représentations radicalement différent de celui des
hommes. En deuxième lieu, la tendance naturelle de tout anthropologue étant
de s'intéresser aux aspects exotiques et les plus éloignés de sa propre culture, il
n'est donc pas évident que des hommes seraient incapables de voir et de noter
les cas où les femmes jouent un rôle important et actif, éloigné des canons de
notre propre culture. Il n'est pas exclu d'ailleurs qu'une percée massive dans le
monde des femmes, menée par des anthropologues femmes et féministes, ne
fasse apparaître des handicaps supplémentaires jusqu'ici ignorés. Enfin, un tra
vail récent (Whyte, 1973) qui présente des corrélations statistiques établies sur
un échantillon de 93 populations entre des variables concernant la position des
femmes et le sexe de l'observateur, montre que cette dernière donnée est
d'importance négligeable. L'auteur conclut que les travaux faits par des hom
mes ne sont pas nécessairement exhaustifs et sûrs, mais qu'on n'y trouve pas de
distorsion systématique tendant à présenter le statut féminin comme anormale
ment bas. Une plus grande abondance de documents fournis par des observat
eurs de sexe féminin donnerait une vue plus détaillée et donc plus juste du rôle joué par les femmes, mais n'indiquerait pas nécessairement que leur part est
meilleure que celle que l'on croyait généralement. Il est vrai, par exemple, que
Phyllis Kaberry, a dès 1939, rectifié l'image donnée par Malinowski pour les
aborigènes australiens, de femmes humbles, déférentes devant l'homme, écra
sées, écartées du sacré. Mais elle n'inverse pas pour autant le sens général de
leur histoire.
Une seconde objection à la probabilité statistique (fondée sur l'examen des
documents anthropologiques), de l'universalité de la domination masculine, est
qu'elle ne fait pas la part belle à l'Histoire. Cet argument est présenté de deux
façons diffférentes. Dans les grandes sociétés actuelles, on observer

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