Le traitement du mythe chez Ronsard : un exemple, Narcisse - article ; n°1 ; vol.16, pg 41-51
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 1983 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 41-51
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 43
Langue Français

Extrait

Nathalie Dauvois
Le traitement du mythe chez Ronsard : un exemple, Narcisse
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°16, 1983. pp. 41-51.
Citer ce document / Cite this document :
Dauvois Nathalie. Le traitement du mythe chez Ronsard : un exemple, Narcisse. In: Bulletin de l'Association d'étude sur
l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°16, 1983. pp. 41-51.
doi : 10.3406/rhren.1983.1326
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1983_num_16_1_132641
LE TRAITEMENT DU MYTHE CHEZ RONSARD :
UN EXEMPLE, NARCISSE (1)
« Les fictions dont tu décores
L'ouvrage que tu vas peignant
D'Hyacynthe, Europe et encore
De Narcisse se complaignant
De son ombre le dédaignant...» (2)
La fontaine de Narcisse est un motif privilégié de la poésie ronsardien-
ne. Guillaume de Lorris en avait fait le miroir de la Rose, Ronsard semble voul
oir y mirer sa poésie, sa poétique entière. Le «Narcisse» n'est-il pas dédié à
François Charbonnier, poète ? Mais à travers se pose d'abord le
statut du mythe chez Ronsard, «fiction ou décor».
Un mythe, comme le souligne bien Weinrich (3), est par définition un
récit, une narration. Or le Moyen-âge, par le traitement simplement tornemen-
tal ou allégorique du mythe avait effacé, éludé l'aspect narratif, avait figé et
arrêté le mythe, devenu nature morte, pur motif d'un logos argumentatif,
didactique (4). Ainsi, dans \g Roman de la Rose, l'histoire de Narcisse n'est-
elle que prélude, prétexte au dessin d'une figure orgueilleuse, punie dans l'
amour de soi du refus d'aimer autrui (5) ; l'histoire est par excellence ici exemp
le (6).
Le «Narcisse» de Ronsard, faisant retour à Ovide, fait retour à la nar
ration :
« Jà le soleil avait sa chaleur redoublée
Quand Narcisse aux beaux yeux pantoisement lassé
Du chaud et d'avoir trop es montagnes chassé
Vint là pour étancher la soif fui le tourmente» (7)
Mais quelque fidèle que soit le récit ronsardien à son modèle, dans la lon
gueur et le mouvement général du texte où alternent comme chez Ovide nar
ration, description, discours direct et commentaires didactiques, un certain
décalage est lisible dans la mise en œuvre de ces modes du discours : de façon
caractéristique, Ronsard amplifie les passages descriptifs et didactiques, qu'il
s'agisse des interventions du narrateur ou de la description de la fontaine (8) ; 42
le texte ovidien privilégie le mouvement du récit, l'enchaînement des actions,
la progression de la découverte dans le discours direct, quand Ronsard semble
vouloir souligner la clôture du récit : les deux descriptions de la fontaine et
de la fleur encadrant les deux discours comme en miroir du narrateur et de
Narcisse, divisés en deux parties par deux passages brefs et narratifs.
L'emploi des temps accentue ce très léger glissement du texte ronsar-
dien vers le descriptif et le didactique : Ronsard joue sur la gamme ovidienne
du présent de narration au présent didactique (9) jusqu'au présent du style
direct, pour en étendre le registre ; et le passé largement repris par Ovide en la
conclusion dramatisée de son histoire, n'affleure plus dans notre texte que par
petites touches (10); transition vers le présent final éternisant fleur et mythe :
« Si bien que de Narcisse qui fut jadis si beau
(...) ne resta rien sinon une petite fleur
Laquelle n'oubliant sa naissance première
Hante encore aujourd'hui la rive fontenière» (1 1)
Cependant cet effacement des temps du récit, ce recul de la narration elle-
même, semblent se faire tout entiers au profit de la description et du discours
direct, dont les passages didactiques ne sont plus que le commentaire. La nar
ration loin de s'achever en exemple, est ici enclose dans le miroir de la fon
taine, dans le cadre de la description, et le réseau du récit ne cesse d'être troué,
prolongé de perspectives picturales : le tableau printanier dessiné par le prolo
gue, miré en la fontaine est repris en écho dans le discours de Narcisse à son
ombre :
« ... Ici l'herbe est fleurie
Id la torte vigne à l'orme s'assemblant
De tous cotés épand un ombrage tremblant
Id le vert lierre et la tendrette mousse
Font la rive sembler plus que le sommeil douce» (12)
pour réapparaître en la rive fontenière où renaît toujours le Narcisse, «près
des eaux», «au printemps». En ce paysage cadre (et interlocuteur) s'insère
et se répète le portrait de Narcisse «aux beaux yeux», se mirant (13), au mi
roir (14) souvenir enfin d'un portrait s'effaçant en son reflet même :
«Si bien que de Narcisse qui fut jadis si beau
Qui plus que lait caillé avait blanche la peau
Qui de front, d'yeux de bouche et de tout le visage
Ressemblait le portrait d'une adonine image ...» (15)
Le discours didactique lui-même se soumet à cet ordre privilégié de la descrip
tion, n'en est plus que le commentaire et le prolongement. Si description et 43
commentaire croissent en proportion égale par rapport au texte ovidien, cette
extension se fait tout entière en faveur du premier terme ; le thème de la ven
geance d'amour, motif de l'exemple chez un Guillaume de Lorris, repris en
un sonnet (16) est ici absent. En revanche les notations ovidiennes sur
l'«error», le simulacre, l'«umbra imaginis» (17) sont reprises et amplifiées à
loisir : ainsi le commentaire didactique se métamorphose-t-il en problémati
que de la représentation, variations sur le semblant, l'image, l'idole et le simul
acre ; jeu dans un premier temps de regard et de fascination où au «vain»,
s'oppose le «vrai» ; «au corps» la «menteuse idole» :
«En vain son ombre il aime ; et pauvre d'esprit croit
Que ce soit un vrai corps que son ombre qu'il voit
Et sans se remuer soi-même il s'affolle
De regarder en vain une menteuse idole» (18)
Jeu d'espérance, de désir et d'erreur ensuite :
«Ce que tu quiers n'est point (...) seul tu as apporté
L'image que dans l'eau tu vois représentée» (19)
Et l'eau menteresse prend les traits de la mort (20) ; traits d'Amour et de
Mort, où la flèche se change en ligne, où l'être métamorphosé perd son être
pour devenir «froid simulacre», obsession d'une image, ombre de lui-même.
L'« ombre», la «forme vaine», l'« image incertaine» (21) de Narcisse revien
nent de façon obsédante dans les sonnets amoureux, soulignant la valeur
exemplaire de ce mythe ; exemple des liens du désir à l'imagination, des jeux
de l'« amour, de l'image et de la poésie»,le vocabulaire moral de la vanité n'a
plus en effet le sens que lui prêtait le Roman de la Rose, n'a pas encore celui
que lui donneront les poètes baroques (22) ; le thème de la fugacité de l'exi
stence humaine, quoique présent (23), n'est ici que le contrepoint du rapport
de l'image à la mort - tain du miroir où nait l'image.
Loin de trouver sa signification ultime dans le mouvement de l'onde
qui emporte et efface l'image, dans la fuite et de l'eau et de l'être, le mythe ne
se donne à lire que dans la fixité de sa représentation ; la narration se résoud
dans la seule tension mortelle de l'image et du regard :
«II ne sait ce qu'il voit, et de ce qu'il ignore
Le désir trop goulu vivement le dévore
Et le pareil erreur qui l'incite à se voir
Lui nourrit l'espérance et le fait décevoir» (24)
L'erreur se fige et s'immobilise dans le seul vertige du désir. Ainsi le mythe
s'écrit-il en figure du désir, vertige fixé, métaphore de tout poème amoureux. 44
L'amour est chez Ronsard amour d'une image (25), l'aimée «idole» et «simul
acre» (26) ; et la tension entière du poème est celle d'un regard, défini par
l'abîme et l'écart de l'image à l'objet, du désir à la jouissance :
«ce que je vois me plaît et si n'ai puissance
Tant je suis désastre d'en avoir jouissance» (27)
Aussi Narcisse est-il le nom et l'emblème d'un désir écartelé, toujours renou
velé et toujours différé, désir au miroir :
«Plus je la vois moins so

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