Le Vichy de Pétain, le Vichy de Laval - article ; n°4 ; vol.6, pg 737-749
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Description

Revue française de science politique - Année 1956 - Volume 6 - Numéro 4 - Pages 737-749
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 12
Langue Français

Extrait

Monsieur André Siegfried
Le Vichy de Pétain, le Vichy de Laval
In: Revue française de science politique, 6e année, n°4, 1956. pp. 737-749.
Citer ce document / Cite this document :
Siegfried André. Le Vichy de Pétain, le Vichy de Laval. In: Revue française de science politique, 6e année, n°4, 1956. pp. 737-
749.
doi : 10.3406/rfsp.1956.402718
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1956_num_6_4_402718Le Vichy de Pétain, le Vichy de Laval
ANDRE SIEGFRIED
ON peut, dans la brève histoire de Vichy, distinguer quatre
périodes, dominées toutes par l'accablante pression de l'o
ccupant. Elles reflètent deux courants, parallèles, opposés ou enchev
êtrés, relativement aux relations avec l'Allemagne et à la con
ception même de la société et de l'Etat.
Dans une première période, qui va du 10 juillet au 13 décembre
1940, Laval, dont l'étonnant savoir-faire a permis la naissance du
régime, mais qui se soucie surtout des rapports avec l'Allemagne,
laisse agir Pétain et son entourage, du moins dans l'étroite limite
de leurs pouvoirs de fait. Mais le maréchal et le groupe qui l'ins
pire, méconnaissant volontairement l'étroitesse du domaine où
évolue le gouvernement, entreprennent de fonder un régime enti
èrement nouveau, en complète réaction non seulement contre la IIIe
mais contre tout ce qui s'est fait depuis un siècle au nom des prin
cipes de 1789: c'est la «Révolution nationale». Un complot, le
13 décembre 1940, élimine Laval.
Une deuxième période, qui durera jusqu'au 18 avril 1942, com
mence alors, laissant Pétain, avec son personnel propre, continuer
la Révolution nationale, sans intervention lavaliste : c'est le régime
Flandin, puis le régime Darlan.
Mais ensuite, à partir du 18 avril 1942 et jusqu'à la veille même
de la Libération, Laval, imposé par l'occupant, reprend en mains
le gouvernement de Vichy, non plus seulement la politique all
emande, mais la politique intérieure : Pétain n'est plus alors qu'une
sorte de président honoraire. Dans ces conditions nouvelles, la
* Extrait d'un livre intitulé De la Troisième à la Quatrième République, à
paraître prochainement chez Gallimard.
731 André Siegfried
Révolution nationale, dont les inspirateurs du début ont été écartés
ou réduits à l'impuissance, laisse la place à un régime dominé par
les aventuriers de la collaboration, créatures de Laval ou, sans la
moindre vergogne, de l'Allemagne elle-même.
Tout à la fin, dans les semaines qui précèdent immédiatement
la Libération, les deux leaders vichyssois, sentant la fin venir, cher
chent in extremis un terrain d'atterrissage, Pétain du côté de la
Résistance, Laval chez les parlementaires de la IIIe République.
Mais cette double tentative reste illusoire et le régime de Vichy
s'effondre définitivement avec l'entrée des Alliés à Paris le
24 août 1944.
Il y a donc un Vichy de Pétain et un Vichy de Laval. Le vrai
Vichy est celui du maréchal, et surtout du 10 juillet 1940 au
18 avril 1942. Le régime Laval, qui s'instaure ensuite, dominé par
un opportunisme d'aventuriers, ne représente pas, dans la politique
française, quelque chose de profond. Il en est tout autrement du
régime Pétain, dont les principes, les réactions, les rancunes cor
respondent à un refoulement plus que séculaire, trouvant enfin une
possibilité d'expression ou d'explosion. Je n'aime pas le terme de
psychanalyse, dont on abuse tant pour qualifier des phénomènes
ne relevant pas du refoulement freudien, mais il me semble ici tout
à fait à sa place.
I
Les sources, prochaines ou lointaines, de la Révolution natio
nale sont diverses, mais les courants qui en sortent vont tous dans
la même direction, qui est le contre-pied systématique de la IIIe
République et des régimes antérieurs dont celle-ci s'était inspirée.
Tout d'abord, Vichy est évidemment le produit d'une circons
tance immédiate, cette défaite catastrophique dont la République et
son équipe de gouvernants sont rendus responsables. Dans cet
effondrement sans précédent, risquant de dégénérer en mortelle
anarchie, il faut faire quelque chose, tout de suite, et c'est dans
ce sens que le recours au vainqueur de Verdun, pour limiter si
possible le mal et sauver ce qui peut encore être sauvé, paraît
naturel. Comme en 1871, le pays terrassé demande la paix : il
avait alors refusé de suivre Gambetta, il refuse maintenant de
738 Le Vichy de Pétain, le Vichy de Laval
suivre de Gaulle. Dans ces conditions, et il n'y a pas lieu de s'en
vanter, Pétain, le 10 juillet 1940, représente incontestablement la
grande majorité du pays. Sans doute est-ce Laval qui manœuvre
et met sur pied l'instrument, mais l'opinion ne connaît que le
maréchal.
Le mouvement cependant, que l'on peut croire circonstanciel,
provient de sources moins immédiates et beaucoup plus profondes.
Depuis le Six Février et le Front populaire, la République, en tant
que régime, est ébranlée. Le radicalisme, pilier traditionnel de l'édi
fice, est usé, débordé à gauche par des forces plus avancées, qui
déplacent l'axe de la majorité républicaine. Une réaction naturelle
entraîne dans ces conditions les forces conservatrices vers une
droite, non plus simplement conservatrice mais réactionnaire et vite
factieuse, dont les espoirs dépassent bientôt le programme d'un
simple redressement dans le cadre républicain. Pétain est devenu,
dès 1934, l'espoir de cette réaction.
L'évolution qui fait du maréchal, simplement jusqu'alors grand
soldat, un personnage politique candidat au pouvoir, est intéres
sante à suivre. Doumergue a fait appel à lui dans son cabinet de
sauvetage républicain et chacun a trouvé naturel que le vainqueur
de Verdun, le liquidateur à la fois humain et habile des mutineries
de 1917, soit ministre de la Guerre. Sans doute a-t-il traité depuis
bien longtemps avec les hommes politiques, mais cette fois il entre
en contact avec eux comme étant l'un d'eux. Ceux qu'il préfère
sont naturellement les tenants de l'ordre et de l'autorité. Il ne se
cantonne plus dans les questions strictement militaires, il s'intéresse
aux problèmes de l'enseignement, souhaitant même le portefeuille
de l'Instruction publique. Par personnes interposées, il entretient
avec les ligues des relations que l'on ne connaîtra que plus tard,
et cela au moment où l'opinion, où le gouvernement lui font enti
èrement confiance, comme symbole national. Son prestige européen
est immense, partout où il est délégué c'est sa personne qui monop
olise toute l'attention ; quand il est nommé ambassadeur en
Espagne, Léon Blum estime que c'est faire trop d'honneur à Franco
que d'accréditer auprès de lui une personnalité de telle envergure.
Si sa position cependant est nationale, la droite sent bien qu'il y
a là une force dont elle pourrait se servir. De là cet appel, « C'est
739 André Siegfried
Pétain qu'il nous faut », qui réclame l'intervention de l'homme
fort contre les idéologues et les bavards du Parlement. Une feuille
dans ce sens circule dans les académies et se couvre de signatures,
j'aimerais bien me rappeler lesquelles. L'opinion républicaine, dans
les milieux informés, sait cela, et la gauche, au moins l'extrême
gauche, se méfie quelque peu de ce sabre, qui risquerait de peser
un peu trop dans la balance s'il y était jeté, mais le maréchal n'est
nullement considéré comme anti-républicain et c'est en tant que
figure nationale que Paul Reynaud lui demande d'entrer dans son
Cabinet. Là son évolution politique, comme nous l'avons souligné
pîus haut, est rapide. Dès Bordeaux, surtout dès l'arrivée à Vichy,
le maréchal est bien autre chose politiquement qu'un sauveur dans
le cadre du régime.
Le mouvement qui élève Pétain répond par ailleurs à des
sources plus lointaines. Depuis 1789, il y a toujours eu en France
une minorité, avouée ou non, qui n'a jamais accepté la Révolution
française, ni

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