Leçon d ouverture du cours de paléographie à l École des chartes (3 novembre 1923) - article ; n°1 ; vol.85, pg 129-147
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Leçon d'ouverture du cours de paléographie à l'École des chartes (3 novembre 1923) - article ; n°1 ; vol.85, pg 129-147

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1924 - Volume 85 - Numéro 1 - Pages 129-147
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1924
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A. De Boiard
Leçon d'ouverture du cours de paléographie à l'École des
chartes (3 novembre 1923)
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1924, tome 85. pp. 129-147.
Citer ce document / Cite this document :
De Boiard A. Leçon d'ouverture du cours de paléographie à l'École des chartes (3 novembre 1923). In: Bibliothèque de l'école
des chartes. 1924, tome 85. pp. 129-147.
doi : 10.3406/bec.1924.448713
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1924_num_85_1_448713LEÇON D'OUVERTURE
DU
COURS DE PALÉOGRAPHIE
A L'ÉCOLE DES CHARTES
(3 NOVEMBRE 1923)
II est de tradition qu'une leçon, ou, comme on disait autref
ois, un discours d'ouverture, soit une introduction sommaire à
l'enseignement qu'elle inaugure. Vous devinez, Messieurs, qu'on
ne saurait aborder tout à fait de plain-pied la technique paléo
graphique et vous attendez certainement de moi que je vous
entretienne de cette inconnue avant de vous mettre aux prises
avec elle.
J'y viens, en effet; et non pas tant pour obéir à la tradition
que parce que je suis convaincu de l'utilité de ces prolégomènes.
Ce ne sera pas, pour vous, un luxe d'érudition que de savoir
exactement ce qu'est la paléographie, d'en connaître les origines,
d'en suivre les progrès jusqu'à nos jours. Je vais donc vous expos
er brièvement tout cela. Je vous avertis que l'un des avantages
immédiats de cette leçon sera de vous apprendre une série chro
nologique de noms de paléographes, qu'un élève de cette École
ne doit pas ignorer, et d'ouvrages fondamentaux sur la paléogra
phie latine et française, auxquels vous aurez souvent recours.
Vous trouverez, en un mot, dans la brève esquisse que je vais
vous tracer de l'histoire de cette discipline, les éléments d'une
bibliographie critique et raisonnée du sujet.
Les auteurs qui définissent la paléographie, selon une vieille
et brève formule, « la science des anciennes écritures », prennent
soin d'ajouter qu'il ne suffit pas, pour mériter le nom de paléo-
1924 9 1 30 LEÇON D'OUVERTURE DU COURS DE PALÉOGRAPHIE
graphe, d'être en état de lire les manuscrits et les chartes ; mais
qu'il faut encore savoir fixer l'âge et reconnaître le lieu d'ori
gine des écritures, en classer enfin les différentes espèces selon
leur processus historique : en établir, comme on dit, la filiation.
On pourrait discuter sur la question de savoir si la paléogra
phie est bien une science, ou, plus précisément, si le mot
« science » rend bien compte de tout ce que comporte la paléo
graphie, depuis l'éducation des yeux, qui permet souvent de
déchiffrer, d'une façon réflexe, les pires grimoires, jusqu'aux
connaissances techniques (histoire morphologique des écritures,
abréviations, etc.), dont l'ensemble fait les paléographes habiles.
C'est ce que voulait dire Léon Gautier lorsqu'il exprimait que la
paléographie « est moins Une science qu'une habitude », et c'est
ce qu'a marqué plus explicitement encore un savant allemand
contemporain1 par cette définition, la plus concrète que je con
naisse : « C'est un ensemble de connaissances et de présompt
ions, de méthodes et de procédés empiriques » (Sie ist eine Ver
bindung von Kenntnissen und Vorstellungen, Methoden und
Kombinationen) .
Il ajoutait, comme complément de cette définition, une enu
meration des aptitudes requises du paléographe, que vous n'en
tendrez pas sans profit. Il faut, nous venons de le dire, qu'il
sache lire correctement les anciennes écritures, en déterminer
exactement l'âge et la provenance. Il faut encore qu'il connaisse
l'histoire abécédaire, comme on disait autrefois, c'est-à-dire des signes graphiques (lettres de l'alphabet, signes
d'abréviation, etc.). Cette connaissance ne s'acquiert qu'avec
une longue expérience; aussi est-elle retenue comme la carac
téristique du paléographe consommé. C'est elle qui le met en
mesure de se rendre compte des erreurs qui ont pu se glisser dans
la tradition écrite par suite de fautes de lecture, et cela, sans
avoir besoin de recourir à l'original, par la seule connaissance
des particularités paléographiques qui expliquent la méprise.
Des exemples sont ici nécessaires. En voici :
Le mot autem s'abrège, au moyen âge, de ces différentes
façons : är, äü, Sûr, H".
Or, cette dernière, qui est propre aux documents irlandais et
1. L. Traube, Geschichte der' Palaeographie, dans Vorlesungen und Abhandl
ungen..., herausgegeben von Fr. Boll, t. 1, p. 1. a l'école des chartes (3 novembre 1923). 131
anglo-saxons, ressemble singulièrement à d'autres abréviations
très communément usitées au moyen âge : h- = hoc. h9 = hujus.
Plus d'un éditeur de textes s'y est trompé. Eh bien, tandis qu'un
lecteur ignorant de la paléographie s'égarera en hypothèses en
présence d'une transcription où l'un des mots hoc ou hujus aura
ainsi été substitué à autem, un paléographe avisé s'expliquera
aussitôt la méprise et corrigera l'erreur.
Celle-ci, d'ailleurs, tout en ne portant que sur une seule lettre,
peut être considérable. Exemple. Nous verrons ensemble, en
étudiant la cursive du xve siècle, que certaines formes alphabé
tiques s'y ressemblent au point de prêler à la confusion. Ainsi
en est-il des lettres p et x qui se présentent souvent avec ce
même ductus : 7O. C'est pour n'avoir pas su distinguer, qu'un
évêque érudit du xvne siècle lut et transcrivit paperiam pour
paoceriam, et, là où il était question d'une paissière, ce qui est
la chaussée d'un moulin, comprit qu'il s'agissait d'un moulin à
fabriquer du papier. Cette méprise paléographique eut des con
séquences si durables qu'elle fit, comme dit l'auteur de la recti
fication, «joliment son chemin dans l'érudition du xixe siècle»1.
Sur la foi de ce texte erroné, les spécialistes les plus autorisés,
Briquet, Wattenbach, Giry, d'autres encore, répétèrent qu'en
1189 un évêque de Lodève avait autorisé l'établissement de moul
ins à papier sur l'Hérault. Or, on ne connaît en France aucun
document sur papier antérieur à l'année 1243 (Registre des
comptes d'Alphonse de Poitiers). Il y avait là, pour le moins, de
quoi faire réfléchir; et certes, pour discerner la méprise sans
recourir à l'original, un paléographe moins savant que Watten-
bach eût suffi. Il ne s'en est pas avisé. Persuadez-vous donc
que l'esprit d'un paléographe en action doit être, comme ses
yeux, constamment en éveil.
Cette définition de la paléographie et du paléographe date
d'hier et ne saurait s'appliquer qu'à la science et qu'aux savants
d'une époque relativement récente.
On dit communément que la paléographie n'existait pas avant
Mabillon. Mais, s'il n'est pas contestable que la paléographie
1. J. Berthelé, dans le Bibliographe moderne, 1906. p. 201. )32 LEÇON ^OUVERTÜRE Öü COURS DE PALEOGRAPHIE
scientifique soit née seulement à la fin du xviie siècle, il est cepen
dant évident que, l'écriture latine n'ayant jamais cessé de se
transformer, les érudits ou chercheurs de tous les temps furent
aux prises avec des écritures qui étaient, à leurs yeux, d'an
ciennes écritures. Alcuin, par exemple, chargé par Charlemagne
de ramener, pour l'Église franque, la Bible à la version originale
de saint Jérôme, ou les Cisterciens et les Dominicains qui s'em
ployèrent, aux xii° et xme siècles, à la correction du texte de
l'Ancien Testament, ou encore les innombrables glossateurs et
commentateurs du moyen âge eurent ainsi à faire œuvre de
paléographes.
Il en est de même de nos lointains prédécesseurs, les archi
vistes du même temps, tel le célèbre garde du Trésor des chartes
Gérard de Montaigu, qui nous a laissé, dans un registre aujour
d'hui conservé aux Archives nationales (JJ l24), de si curieux
témoignages de son érudition. Et je passe sous silence la succes
sion anonyme de

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