Les arguments contre la censure - article ; n°1 ; vol.9, pg 64-74
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Description

Communications - Année 1967 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 64-74
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 24
Langue Français
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Extrait

Jean-Jacques Brochier
Les arguments contre la censure
In: Communications, 9, 1967. pp. 64-74.
Citer ce document / Cite this document :
Brochier Jean-Jacques. Les arguments contre la censure. In: Communications, 9, 1967. pp. 64-74.
doi : 10.3406/comm.1967.1129
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1967_num_9_1_1129Jean-Jacques Brochier
Les arguments contre la censure
voulu c La censure s'en servir. a perdu » tous Chateaubriand. ceux qui ont
La censure est un peu comme le Diable selon Gide. Partout et nulle part,
évanescente dès qu'on veut la saisir, bien matérielle pourtant par la trace de
ses actes, comme le Diable elle finirait presque par nous faire croire qu'elle
n'existe pas, et c'est sa plus grande force. Comme du Diable, on parle d'elle,
on parle contre elle. Ne serait-ce que, comme le fait Laurent Goblot, lorsqu'on
intitule par antiphrase un ouvrage Apologie de la censure.
Bien avant que Gill ne la baptise Anastasie, elle avait déjà mauvaise réputat
ion. Gill dresse ainsi sa biographie : « Censure (Anastasie), illustre engin liber-
ticide français, née à Paris sous le règne de Louis XIII. Elle est fille naturelle
de Séraphine Inquisition et compte de nos jours dans sa nombreuse famille quel
ques autres personnages également très connus : Ernest Communiqué, Zoé
Bonvouloir, le vicomte Butor de Saint-Arbitraire et Agathe Estampille, ses
cousins, tante et beau-frère... Le pape Alexandre VI qui avait été l'un de ses
premiers pères, avait laissé un petit manuscrit intitulé : Guide du parfait censeur
et à l'aide duquel Anastasie avait pu faire son éducation. Voici quelques extraits
de cet intéressant travail.
« 1) La censure est l'art de découvrir dans les œuvres littéraires ou dramat
iques, les intentions malveillantes ;
« 2) L'idéal est d'y découvrir les intentions, même quand l'écrivain ne les
a pas eues.
« 3) Un censeur capable doit, à première vue, déterrer dans le mot ophicléide
une injure à la morale publique.
« 4) La devise du censeur est : « Coupons, coupons, il en restera toujours trop. »
« 5) Le censeur doit être persuadé que chaque mot d'un ouvrage contient
une allusion perfide. Quand il parviendra à découvrir l'allusion, il coupera la
phrase. Quand il ne la découvrira pas, il la coupera aussi, attendu que les allu
sions les mieux dissimulées sont les plus dangereuses 1 . »
Ce texte drôle, publié dans V Éclipse le 1er juillet 1874, est moins léger qu'il
n'y paraît. Presque tous les arguments contre la censure y sont recensés.
C'est de ces arguments que nous avons voulu faire le compte. Très rapidement
on constate que leur nombre est limité, qu'ils reviennent sans cesse dans toutes
1. Cité par L. G. Robinet d'après L. Goblot.
64 arguments contre la censure Les
les diatribes contre la censure, dans toutes les études. Aussi notre bibliographie
est-elle assez réduite. Nous avons considéré les ouvrages de Louis Gabriel Robinet :
la Censure, Hachette, 1965 ; d'André Breton : Misère de la poésie (« l'affaire
Aragon » devant l'opinion publique), Éditions surréalistes, Paris 1932 ; de
Maurice Garçon : Plaidoyer contre la censure, J.-J. Pauvert, 1963 ; le numéro
spécial de la revue Image et Son : « la Censure contre le cinéma » x (n° 140-141,
avril-mai 1961). La collection du bulletin trimestriel : la Censure contre les arts
et la pensée 2. Enfin, le compte rendu de V Affaire Sade (Pauvert, 1957) qui,
à la fin de cette étude, nous permettra de rassembler les thèmes.
Nous ne nous dissimulons pas que cette collection pourrait être complétée.
Bien que les ouvrages sur la censure soient rares et, si le mal des uns peut guérir
celui des autres, que le catalogue de la Bibliothèque nationale, à l'article Censure,
soit particulièrement pauvre en publications autres que finlandaises, par exemple.
Il faut noter aussi, dès maintenant, la redondance des critiques de la censure,
chez qui, on retrouve toujours, diversement combinés, un petit nombre d'a
rguments.
Aucun des auteurs envisagés, bien sûr, ne justifie la censure, dans les termes
et avec la tranquillité d'un Bonald, par exemple, qui la déclarait innocemment
protectrice des arts et de leur dignité, tutrice nécessaire de la littérature. Aucun
non plus ne tente de définition, sinon très générale. Ainsi, pour Robinet, la
censure c'est l'interdiction avant publication de tout ce qui pourrait troubler
l'ordre, menacer les institutions, répandre de fausses nouvelles, corrompre les
esprits. Le bulletin Censure, avance une définition toute négative. Il n'y a pas
à proprement parler, pour lui, censure dans les pays communistes dans la mesure
où toute publication émane de l'État ou dépend de lui. Ou alors il faudrait
appeler également censure le refus d'un manuscrit par un éditeur, en France
par exemple. Pour tous les autres, la censure est ce diable dont nous parlions
plus haut, qui n'a pas besoin de prouver son existence pour être. En fait tous les
auteurs entendent par censure, cette censure de fait exercée par les autorités
judiciaires, politiques et religieuses sur la littérature et les arts. C'est une notion
culturelle commune, plus ou moins précisée par une expérience vécue ou apprise.
LÀ Encyclopédie reste curieusement muette sur la censure. Rien à l'article Cen
sure lui-même, qui ne parle que des censures ecclésiastiques. Rien non plus à l'arti
cle Censeur. Mais la lettre C fut publiée avec le privilège royal, et officiellement.
Rien encore à Librairie, sinon l'éloge de d'Aguesseau et de Malesherbes. Il faut
chercher à Privilège pour lire : « Quelques-uns des derniers règlements (de la
Librairie de France) dérogent aux anciens, d'autres sont mal expliqués, et plu
sieurs sont contraires au bien et à l'avantage du commerce de la librairie. »
C'est peu, et il faut remarquer que le volume qui contient cet article a pourtant
été publié clandestinement en 1765, et daté de Neuchatel.
Il n'y a guère qu'André Breton et les cinéastes à refuser catégoriquement la
censure, sans faire le détail. Dans Misère de la poésie, cette récusation en bloc,
pour être implicite, n'en est pas moins évidente. C'est d'ailleurs autant une
récusation de la justice qui attaquait Aragon pour son poème Front rouge, que
de la censure en tant qu'activité sordide. Les cinéastes sont aussi violents,
explicitement. Peut-être parce que, dans leur cas, il existe une censure organisée,
qui s'affirme comme telle. Pour Autant-Lara, « toute censure, cette Police de la
1. Indiqué dans nos références par /. et S.
2.nos par Censure et l'indication du numéro.
65 Jean-Jacques Brochier
Pensée, doit être purement et simplement abolie ». Sadoul : « Je suis contre. »
Tailleur : « La censure est contre nature dans son principe, contre l'art dans ses
effets. La vie n'est pas censurable, pourquoi l'art le serait-il ?... Il faut supprimer
la censure et, s'il le faut, les censeurs. » Weehler : « La censure cinématographique
n'a pas plus de raison d'être qu'une censure théâtrale ou littéraire. Les auteurs
de films, comme les écrivains et les auteurs dramatiques, ne devraient être
responsables de leurs œuvres que devant la loi. » Fovez : « La censure est, par
définition, incompatible avec la démocratie. » Labarthe : « La censure, je suis
contre. Je propose qu'on la supprime. »
Mais ce sont les seules condamnations sans appel que nous ayons rencontrées.
Même Maurice Garçon, qui reconnaît que « la censure est d'une rigueur contraire
à toute notion de liberté de penser, de s'exprimer, d'écrire et de publier », c'est-
à-dire contraire à la Déclaration des Droits de l'Homme, nuance sa position.
Une condamnation totale va en effet de pair avec une révolte totale, la volonté
de pouvoir tout dire et tout montrer. Peu de critiques osent prendre un tel
risque.
Le plus souvent la censure sera considérée, même par des cinéastes, comme
un mal nécessaire, qu'on justifie tantôt par des arguments moraux, sociaux,
voire métaphysiques. Ainsi Raymond Barkan (/. et S.) affirme qu'il serait aussi
utopique de réclamer la suppression de la censure dans le monde présent que
de «..

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