Les classes rurales en Bretagne du XVIe siècle à la Révolution (suite et fin) - article ; n°1 ; vol.25, pg 98-151
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Annales de Bretagne - Année 1909 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 98-151
54 pages

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Publié le 01 janvier 1909
Nombre de lectures 15
Langue Français
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Extrait

Henri Sée
Les classes rurales en Bretagne du XVIe siècle à la Révolution
(suite et fin)
In: Annales de Bretagne. Tome 25, numéro 1, 1909. pp. 98-151.
Citer ce document / Cite this document :
Sée Henri. Les classes rurales en Bretagne du XVIe siècle à la Révolution (suite et fin). In: Annales de Bretagne. Tome 25,
numéro 1, 1909. pp. 98-151.
doi : 10.3406/abpo.1909.1323
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1909_num_25_1_1323HENRI SÉE
Les classes rurales en Bretagne du XVIe siècle à la Révolution
(mite et fin)
CHAPITRE III
LA CONDITION MORALE DES PAYSANS. LA VIE POLITIQUE
DANS LES CAMPAGNES
Caractère des paysans bretons. — L'instruction. Insuffisance de rense
ignement primaire. — Ordinairement passifs, les paysans ont des mo
ments de révolte : leur attitude pendant les guerres de la Ligue ; la
révolte du papier timbré. — L'administration des paroisses rurales.
— Les revendications des paysans en 1789.
Il est certainement plus malaisé de se représenter la condi
tion morale des paysans que leur vie matérielle. Comment
déterminer le caractère collectif d'une classe aussi nombreuse,
et dont la condition économique est loin d'être uniforme ? Il
n'est pas étonnant que l'on ne puisse recueillir à ce sujet que
des données vagues, imprécises, superficielles.
Il apparaît clairement cependant que ces hommes, si peu
indépendants, dont l'existence est, souvent si misérable, qui
sont mal nourris et dénués de tout bien-être, manquent pour
la plupart de courage au travail, d'énergie, d'initiative. Telle
est l'impression générale des administrateurs et des voyageurs
qui ont parcouru la Bretagne au XVIIIe siècle. Nointel déclare
que « les Bretons ne sont ni industrieux, ni laborieux; c'est
ce qui fait que les habitants du milieu de cette province sont
assez pauvres' et adonnez à l'yvrognerie M. » L'intendant de
la Tour, en 1733, tente d'apprécier le caractère des habitants
de chaque subdélégation. A l'entendre, il est un assez grand
nombre de régions dont la population est industrieuse, ou tout
au moins laborieuse'; mais ailleurs, et notamment dans les
cantons les plus pauvres, les habitants sont « fainéants, » gros-
(1) Mémoire de Nointel, foi, 196. CLASSES RURALES DU XVIe SIÈCLE A LA RÉVOLUTION. 99 LES
siers, sans industrie, négligent, la culture et l'élevage W. Vers
la fin de l'Ancien Régime, M. de Brémontier note l'impr
évoyance des paysans te) :
Le laboureur ne travaille que pour lui. Sa prévoyance ne va point
au delà de son nécessaire; il s'endort sur ses besoins futurs, et il
s'en rapporte constamment à une Providence toujours juste, qui le
condamne souvent a des privations méritées par sa négligence;
alors il est au comble du malheur.
La brutalité paraît être aussi un trait de caractère du paysan
breton. Les domestiques sont souvent maltraités. Les juges
des régaires de Tréguicr, en 1780, déclarent que « le mépris
des lois et l'insolence de certains gros paysans de ce canton
sont montés à un si haut degré qu'il n'est pas possible à un
domestique de les servir sans courir à chaque instant les
risques ou d'être excédés de coups ou d'invectives, et souvent
les deux à la fois ; » trop souvent, ils exercent des violences
contre « des gens qu'ils croyenfc au-dessous d'eux. » Les diver
tissements eux-mêmes sont l'occasion de bien des violences <3>.
Les rixes sont fréquentes, qui mettent aux prises soit des indi
vidus, soit même les habitants de deux villages rivaux (*).
(1) Mémoire de M. de la Tour, passim. Il caractérise ainsi les habitants
de la subdélégation de Fougères : « habitants naturellement fainéans,
audacieux, aimant les procès » (fol. 20); les habitants de la région de Ba-
zouges sont « fainéans, grossiers, mutins et mauvais » (fol. 35); dans le
pays de Savenay, les paysans sont « naturellement paresseux, insolents
et pauvres » (fol. 73); dans la subdélégation de Hédé, « les habitons sont
d'un esprit grossier, aimant les procès, le vin et l'eau-de-vie, ne s'appliquent
point au commerce et négligent même l'agriculture » (fol. 25 v°). — Bagot
(op. cit., p. 305) déclare que -les habitants de la côte sont « laborieux,
gais, sobres, honnêtes en général », mais que les paysans de l'intérieur
sont « paresseux, sombres, fourbes, yvrognes, et le nombre des coquins
y égale à peu près celui des honnêtes gens. »
(2) Mémoire de M. de Brémontier, dans le Précis des opérations relatives
à la navigation intérieure de Bretagne (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4955).
(3) A. Corre et P. Aubry, op. cit., pp. 191 et sqq. — Sur les terres du
prieuré de Maxent, on constate fréquemment des rixes, parfois sanglantes
ifonds'de Redon, Arch. d'Ille-et-Vilaine, H 134).
(4) Noël du Fail donne bien l'idée de ces haines de villages, lorsqu'il décrit
« la grande bataille » des gens de Flameaux et des gens de Vindelles
{Propos rustiques, éd, de la Borderie, pp. 64 et sqq.;. 100 LES CLASSES BUBALES EN BBBTAGlfE
Rien ne porte plus à la violence et à la brutalité que l'ivro
gnerie, qui paraît assez répandue dans les campagnes bre
tonnes W. Il existe au XVIIIe siècle, non seulement dans les
bourgs et les villages, mais le long des routes, de nombreux
cabarets, où l'on débite du mauvais vin et de l'eau-de-vie ; et
certains cahiers des sénéchaussées de Quimperlé et de Con-
carneau demandent que, dans l'intérêt de la santé et de la
moralité publiques, on en restreigne le nombre W, qu'aux
jours de foires ou de marchés, il soit interdit de débiter des
boissons sur les grandes routes W. Toutefois, il semble que
l'on boive infiniment moins d'eau-de-vie que de nos jours.
On peut affirmer aussi, sans crainte de se tromper, que la
population des campagnes est, dans l'ensemble, très inculte,
et que la grande majorité des paysans ne sait ni lire, ni écrire.
L'enseignement primaire semble avoir été encore plus dé
fectueux en Bretagne que dans la plupart des autres provinces.
(1) A. Corre et P. Aubry, op. cit., pp. 92 et sqq.
(2) Cahier de Moëlan (sénéch. de Quimperlé), art. 11 : « Demander la
suppression des cabarets ou bouchons qui se sont établis dans les cam
pagnes; dans le bourg de Moélan, par exemple, on compte six cabarets,
quatre cafés où se débitent eau-de-vie et liqueurs; on y vend même du
chocolat; dans différents cantons de la paroisse, on compte Une vingtaine
de cabarets, où il se consomme mal à propos les sommes qu'on ne peut
apprécier au juste, sans compter les désordres qui s'y commettent. » Cf.
le Cahier de Riec (ibia.j, art. 7.
(3)de Nizon (sénéch. de Concarneau), art. 12 : « ... Que pour
les bonnes mœurs et la sûreté publique, tous cabarets établis dans les
villages écartés ou sur les routes soient supprimés comme autant de
retraites à voleurs, avec défenses d'en établir ailleurs que dans les villes
et bourgs et sur un certificat du recteur de la paroisse et des douze dél
ibérants pour attester la probité de ceux qui voudroient tenir cabarets,
que toutes les expositions de boissons sur lès grandes routes aux jours
de foires, marchés et autres assemblées soient prohibées dans toute la
province comme un usage dangereux, dont les paroisses du pais éprouvent
journellement les plus funestes effets; que le fermier des devoirs de la sera tenu d'établir dans chaque gros bourg une cantine qu'il
fournira des meilleurs vins de Bordeaux pour être distribués en détail et
à un bénéfice modéré, sur les certificats des recteurs, aux malades de
leurs paroisses, pour qui l'usage de cette liqueur bienfaisante aura été
jugé nécessaire, l'expérience aiant prouvé que l'usage des vins aigres
ou frelatés qui se débitent dans les cabarets de campagnes cause jôXirnelle-
ment la mort aux malheureux qui se flattent d'y trouver la vie. » — Par
contre, la plupart des cahiers de la sénéchaussée de Brest demandent que
]'eau-de-yie ne cp$te pas plus cher au Tiers Etat qu'aux ordres privilégiés. XVI* SlèCLB A LA DÉVOLUTION. 101 VU
En Basse-Bretagne, on note d'assez nom

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