Les esclaves rêvent aussi... Remarques sur La clé des songes d Artémidore - article ; n°1 ; vol.13, pg 71-113
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Les esclaves rêvent aussi... Remarques sur La clé des songes d'Artémidore - article ; n°1 ; vol.13, pg 71-113

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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1987 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 71-113
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Jacques Annequin
Les esclaves rêvent aussi... Remarques sur "La clé des songes"
d'Artémidore
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 13, 1987. pp. 71-113.
Citer ce document / Cite this document :
Annequin Jacques. Les esclaves rêvent aussi.. Remarques sur "La clé des songes" d'Artémidore. In: Dialogues d'histoire
ancienne. Vol. 13, 1987. pp. 71-113.
doi : 10.3406/dha.1987.1751
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1987_num_13_1_1751DHA 13 1987 71-113
LES ESCLAVES REVENT AUSSI...
Remarques sur "La clé des songes " d'Artémidore
Jacques ANNEQUIN
Besançon - UA 0338
"Le songe est un mouvement ou
un modelage polymorphe de
l'âme qui signfie les événements
bons ou mauvais à venir..."
Artémidore, I, I, 3.
Jusqu'à une date récente - et encore demeure-t-on dans des
limites fort étroites - l'oeuvre d'Artémidore a suscité peu de
travaux, provoqué peu de commentaires. L'oniromancie qui a
donné lieu à des recherches abondantes mais fort anciennes a
intéressé de façon continue surtout les psychologues - ne serait-ce
que Freud lui-même ! - et pour de toutes autres raisons les
philologues... et fort peu les historiens (1). Pourtant les éditions
critiques de R.A. Pack et D. del Corno, celle aussi de T. Fahd,
ouvrent par leurs préfaces, indices, bibliographies, notes... de
multiples champs à la recherche historique (2). Ces champs sont
longtemps restés en friches sans doute parce que le genre littéraire
avait mauvaise réputation ; il a été et reste comme le fait remarquer
St. Oberhelmann (et quoi qu'on en dise) largement méprisé. Sans
doute très répandues en Grèce - encore que l'essentiel de cette
littérature soit perdu - les "Clés des Songes", connues dès la plus
haute antiquité se présentaient - et Artémidore n'innove pas en la
matière - comme des manuels, des ouvrages à caractère technique,
proposant des classifications susceptibles en faisant entrer les
songes les plus divers dans de grandes catégories, de permettre à JACQUES ANNEQUIN 72
l'amateur comme au professionnel, de décrypter des images
fantasmatiques (3). Car c'est bien de décryptage qu'il s'agit.
Depuis l'ouvrage désormais classique de A.L. Oppenheim, J.
Bottéro a montré qu'en Mésopotamie ancienne on pratiquait déjà
deux types de lecture du songe selon son contenu clair et
immédiatement intelligible, ou au contraire, obscur et flou. Dans
ce deuxième cas, une exégèse de spécialistes était indispensable.
Cette distinction entre divination deductive, la plus répandue, et
divination inspirée sert encore de fondement au traité
d'Artémidore. J. Bottéro met d'ailleurs le développement du genre
littéraire des "Clés des Songes ", en relation avec le
développement d'une écriture pictographique, tant il est vrai que la
vision est lue comme un signe, ou une ensemble de signes, une
écriture "naturelle" à déchiffrer comme le dit si bien Plotin... mais
n'anticipons pas. ..(4).
Se fondant sur l'ancienneté des modèles, leur caractère
pédagogique, le retour des procédés formulaires, l'usage d'un
style rugueux et sans apprêt (sauf peut-être dans les prologues)
que rend fort bien la traduction d'AJ. Festugière, R. Caillois
refuse à la tentative d'Artémidore toute originalité ; toutes les "Clés
des songes ", se répètent et la sienne répète toutes les autres (5).
Cette interprétation, largement partagée est préjudiciable à la
compréhension de l'oeuvre de l'onirocrite, à son interprétation
historique ; elle est injuste d'abord envers l'enquête conduite par
Artémidore ; elle conduit à gommer les problèmes théoriques
abordés - prudemment il est vrai et de façon détournée dans les
préfaces - problèmes qu'avaient su lire avec l'attention que l'on
sait S. Freud... et С G. Jung, pour ne citer qu'eux; elle induit
par une contradiction évidente des problèmes d'interprétation
historique du texte (6). Sur ce point, compte tenu de notre propos
actuel, il faut être très clair :
- ou cette oeuvre est une vaste et hasardeuse compilation et son
témoignage incertain est mal situé dans le temps et dans l'espace
donc difficile à utiliser et l'on explique difficilement les attaques
dont Artémidore a été l'objet (7).
- ou son exposé relève pour une part non négligeable de l'enquête,
d'expériences personnelles et fournit de ce fait des renseignements
précieux sur la société, disons à l'époque des Antonins . Dès lors
il peut être considéré comme un traité ayant son originalité et pour
l'historien, comme un corpus de données relativement homogène
dans lequel il peut puiser (8). Cette option fut dès 1899/1901, celle
de Ed. le Blant, qui, pour s'intéresser à l'image des esclaves -
selon lui réaliste - que présente Artémidore, ne se soucie D'HISTOIRE ANCIENNE 73 DIALOGUES
pratiquement pas de la nature de son corpus (9). C'est encore
celle, plus récente de H. Bellen, qui, dans des recherches
ponctuelles sur le phénomène de la fuite des esclaves et de sa
répression, utilise certaines interprétations de notre auteur et plus
largement nous fait revivre, grâce à lui, les angoisses qui furent
celles des asservis, leurs angoisses et leurs espoirs. ..(10). Ces
deux auteurs partagent l'idée fort répandue que le texte
d'Artémidore, nous introduit de façon privilégiée et quasi
exclusive, par son genre même, à une interprétation des angoisses
de la société impériale du Hème s. de notre ère, nous introduit à
une sorte de chronique de la vie nocturne de cette époque pour
reprendre une formulation de G.F. Gianotti (11). Ce pourrait être
notre choix. Ce ne le sera pas pour des raisons que nous
expliciterons dans la première partie de ce texte, mais dont
voulons dire tout de suite la logique : il ne faut pas confondre
songe et interprétation, il ne faut pas oublier de se poser cette
question simple : qui rêve ? Les esclaves rêvent aussi, mais ils ne
sont pas les seuls et ils n'ont pas, à en croire Artémidore, d'autres
rêves que les autres... Ce sont les interprétations qui changent...
La problématique doit être déplacée et dès lors se pose de façon
incontournable le problème de la nature de l'interprétation chez
Artémidore.
Cette remarque nous ramène au sujet de ses 5 Livres sur
l'interprétation des songes divinatoires, c'est-à-dire à
l'onirocritique et à ses fondements, ses techniques, ses leçons. Il
est évident que cette "science", cet "art" (?) est à ranger et ce
depuis l'étude ancienne, parfois dépassée, mais encore inévitable
de A. Bouché-Leclercq, parmi les techniques divinatoires qui
forment la divination dans l'Antiquité (12). Non seulement elle se
range à leur côté mais elle en constitue même, comme une sorte de
synthèse : "L'oniromancie est donc comme une vaste encyclopédie
de la divination", elle s'intéresse à l'ornithomancie (cf. L. III), à
l'haruspicine en ce qu'elle ne méprise pas l'étude des parties du
corps, à la clédonomancie, c'est-à-dire à l'étude des noms propres
dont le manuel d'Artémidore donne de bons exemples, à la
cléromancie (cf. L. IV) et de façon prudente à la divination
météorologique.
Son goût pour l'anagramme qui n'est qu'un aspect de l'application
du système bien connu des équivalents, introduit aux subtilités de
la spéculation arithmétique ; celle-ci permet de remplacer un mot
par un autre s'il a la même valeur arithmétique (L. IV). Bref, notre
auteur suppute les lettres convertibles en chiffres qu'elles soient
isolées ou qu'elles forment un mot (L. II ; IV et surtout III). Mais JACQUES ANNEQUIN 74
pour autant, il est parfaitement conscient des menaces que
l'astrologie, alors si en vogue, fait courir à l'onirocritique ; sa
position est souple mais non ambiguë : s'il accepte les astrologues
stricto sensu, il se méfie des faiseurs d'horoscopes, des <

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