Les langages de l action sociale - article ; n°1 ; vol.5, pg 100-119
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Description

Communications - Année 1965 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 100-119
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Olivier Burgelin
Les langages de l'action sociale
In: Communications, 5, 1965. pp. 100-119.
Citer ce document / Cite this document :
Burgelin Olivier. Les langages de l'action sociale. In: Communications, 5, 1965. pp. 100-119.
doi : 10.3406/comm.1965.1035
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1965_num_5_1_1035HE CRITIQ
Olivier Burgelin
Les langages de Faction sociale
Monnaie, pouvoir et influence selon Talcott Parsons
S'interrogeant au début de ce siècle sur l'objet « à la fois intégral et con
cret » de la linguistique, Ferdinand de Saussure déclarait la question « parti
culièrement difficile » K En effet, loin que cet objet s'impose avec évidence et
détermine le point de vue adopté pour l'étudier, il semble que ce soit le point
de vue adopté qui détermine l'objet, sans qu'un classement rationnel de ces
divers points de vue possibles paraisse en quelque manière que ce soit s'im
poser. Le mot français nu est-il un son, l'expression d'une idée, ou le corre
spondant du latin nudum ? Ou plutôt, puisque nous savons qu'il est tout cela,
comment peut-il l'être à la fois ? Quel est le point de vue faut adopter
pour en même temps comprendre tous les autres et saisir l'objet dans son inté
gralité ?
Il y a plus : chacun des différents objets mis en lumière par ces différents
points de vue paraît se décomposer sous l'analyse. Le son est un phénomène
d'articulation vocale, mais aussi de perception acoustique ; le mot est un son,
mais aussi une idée ; le langage un fait individuel et un fait social ; un système
établi et le résultat d'une évolution. Comment parvenir à maîtriser cette matière
qui ne cesse de se cliver et de se scinder dès qu'on la touche ?
Or, loin d'être particulière au langage, la situation que déplorait Saussure
paraît assez générale dans les sciences humaines.
Prenons le cas du pouvoir. Si nous nous reportons aux innombrables dis
cussions qui opposent sociologues ou politicologues sur ce thème, nous cons
tatons que la situation est à bien des égards analogue. Nous avons affaire en
premier lieu à une pluralité de points de vue, dont chacun détermine un objet
différent. Tantôt le pouvoir est considéré comme une certaine capacité d'un
sujet A s' exerçant sur un sujet B, l'un et J'autre individus ou groupes ; tantôt
comme l'expression sociale de la force ; tantôt comme reposant sur un con
sensus à l'action ou à l'organisation collective ; tantôt comme un moyen de
réaliser certaines fins. Toutes ces conceptions ne sont pas forcément contrad
ictoires. Mais elles sont différentes et déterminent des objets différents que
nous ne savons pas comment articuler.
D'autre part les différents objets déterminés par les dii érents points de vue
1. Ferdinand de Saussure, Cours de Linguistique générale, Paris, Payot, 3e éd.,
pp. 23-24.
100 langages de V action sociale Les
paraissent, ici encore, se scinder dès qu'on tente de les analyser. Une « capac
ité » de A sur B implique un certain type de « réceptivité » de B à l'égard dé"
cette « capacité » ; si elle est potentialité, elle doit aussi être exercice actuel y
si elle suppose la force, elle suppose également un certain consensus ; si elle*
se dépose sur un individu ou sur un groupe, elle détermine une collectivité
plus vaste ; si elle est un moyen, elle est aussi une fin.
Pour Saussure il n'y avait qu'une solution possible à toutes les difficultés
concernant l'objet de la linguistique : « se placer de prime abord sur le terrain
de la langue et la prendre pour norme de toutes les autres manifestations du
langage ». En quoi le point de vue de la langue est-il meilleur que les autres ?
En ce que, dit Saussure, la langue est « un tout en soi et un principe de classi
fication » 1. Le point de vue adopté isole un objet stable et concret et montre
comment il accède à l'existence et y fait accéder en même temps tous les autres.
Est-il possible de trouver un point de vue analogue sur le pouvoir ?
Aucune des théories traditionnelles ne répond à une telle exigence. On nous
dit d'ordinaire que le pouvoir est une capacité, possibilité ou potentialité d'ob
tenir un quelque chose dont la nature et l'extension varient d'une définition
à l'autre. Ce n'est là qu'analyser un concept, démarche utile certes, mais d'une
portée très limitée car elle nous révèle, au mieux, les implications d'un terme
qui est d'abord un terme du sens commun et dont l'emploi admet de grandes
variations. Au bout du compte l'arbitraire commence où la tautologie s'achève.
On nous dit d'autre part que le pouvoir « repose sur » telle ou telle donnée ;
c'est faire un pas de plus. Mais de même que la langue « repose sur » nos apti
tudes à émettre des sons, à en recevoir, à concevoir des idées, sur notre besoin
de communiquer et sur mille autres données, de même le pouvoir peut très
bien « reposer » à la fois sur la force, l'organisation sociale, le contrôle d'une
source d'incertitude, la volonté de puissance et le besoin de sécurité. Tout le
problème est de parvenir à saisir le double mouvement par lequel des réalités
si diverses se trouvent transformées en une « capacité » qui serait elle-même
la « source » de relations concrètes entre des acteurs individuels ou collectifs.
Il y a là toute une alchimie, dont il faut parvenir à nous étonner si nous vou~
Ions passer de vérités partielles et « hétéroclites » à une véritable elucidation
des phénomènes.
Mais le modèle saussurien n'a pas seulement ici une portée épistémologique
d'ordre général. Il est très précisément applicable au pouvoir parce que, comme
la langue, le pouvoir est un fait qui n'a de réalité que dans et par la commu*
nication.
Partons pour le montrer de la fameuse relation entre A et B en quoi chacun
prétend trouver l'essence du phénomène. Il y a, de l'accord universel, « quelque
chose » chez A (capacité ou potentialité) qui se traduit par « quelque chose »
chez B (un acte, une modification du comportement exprimée positivement
ou négativement, peu importe). Qu'est-ce donc qui passe de A à B lorsque nous
parlons du pouvoir de A sur B ? Sauf cas de pure pression de la force phy
sique — c'est-à-dire non pas menace mais pression d'un corps sur un autre —
la seule réalité physique dont nous puissions discerner le passage est celle d'un
message ou d'un signe. Quand aux réalités autres que physiques, on ne voit
1. Cours, p. 25.
101 Olivier Burgelin
pas très bien comment elles pourraient « passer » autrement que signifiées par
ce message.
Le terme de message ne doit pas nous égarer ; rien ne dit que ce message doit
être codé en termes linguistiques ; d'autre part ce message n'est pas quelconque.
Il est manifestement doué d'au moins une propriété particulière, qui est
d'être efficace. Mais il nous suffit pour l'instant que l'acte du pouvoir soit la
transmission d'un message. Pour que ce message passe, il faut qu'il puisse être
lu ; autrement dit que A et B se réfèrent l'un et l'autre à un même code. Le
pouvoir en général est l'ensemble formé par ces messages d'efficacité et le code
auxquels ils se réfèrent. C'est donc un « langage » ou un « système de signes » 1.
Cette conclusion peut paraître absurde, dans la mesure où nous avons l'ha
bitude de ne considérer les signes que comme une image affadie de la réalité 2 ;
et le haut degré de réalité que nous prêtons au pouvoir paraît mal s'accorder
à cette nature symbolique. Mais l'analyse nous oblige à rejeter ces sentiments
confus et ces images imprécises, et d'autant plus ici que l'efficacité du pou
voir est très directement liée à sa nature symbolique. Il suffit, pour s'en rendre
compte, de comparer le pouvoir à la force physique pure. Il est manifeste que
celle-ci peut nous écraser ; mais elle n'a sur nous de pouvoir qu'à partir du
moment où elle est suspendue, traduite, relayée par un signe. Et le pouvoir
r

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