Les origines de l Etat moderne : les traditions historiographiques françaises (1820-1990) - article ; n°1 ; vol.171, pg 297-312
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Les origines de l'Etat moderne : les traditions historiographiques françaises (1820-1990) - article ; n°1 ; vol.171, pg 297-312

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Publications de l'École française de Rome - Année 1993 - Volume 171 - Numéro 1 - Pages 297-312
La naissance et le développement de l'Etat français, loin d'être perçus comme des évidences, sont des problèmes majeurs de l'historiographie française des XIXe et XXe siècles. Depuis 1820, toutes les écoles historiques ont eu des origines et de la définition de l'Etat français une interprétation différente, correspondant à la philosophie ou à l'esprit du temps et à l'état de développement des sciences historiques. De 1820 à 1860, les historiens proposent de grandes interprétations politiques du phénomène, dans la tradition orléaniste (Guizot voyant dans la constitution de l'Etat au XVe siècle par la royauté centralisatrice un dépassement du communalisme bourgeois, ou Augustin Thierry décelant dès l'origine une alliance entre cette même bourgeoisie et la monarchie), aristocratique (Tocqueville) ou républicaine (Michelet et Perrens). A partir de 1860, «le temps des anato- mistes, des philologues et des juristes», la perspective se rétrécit, et en dépit de l'abondance et de la qualité erudite des travaux (Monod, Petit- Dutaillis, Dupont-Ferrier, Luchaire), s'appauvrit. Les nouveaux historiens, enfin, d'abord indifférents (jusqu'en 1970) : le «mépris» des fondateurs de l'Ecole des Annales et de leurs disciples contraste avec l'élan donné par Bernard Guenée et son équipe d'une part, et avec l'intérêt manifesté de leur côté par des historiens comme Georges Duby et Emmanuel Leroy- Ladurie de l'autre. Il reste pourtant toujours aussi difficile de définir l'Etat moderne.
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Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 108
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Charles-Olivier Carbonell
Les origines de l'Etat moderne : les traditions historiographiques
françaises (1820-1990)
In: Visions sur le développement des États européens. Théories et historiographies de l'État moderne. Actes du
colloque de Rome (18-31 mars 1990). Rome : École Française de Rome, 1993. pp. 297-312. (Publications de
l'École française de Rome, 171)
Résumé
La naissance et le développement de l'Etat français, loin d'être perçus comme des évidences, sont des problèmes majeurs de
l'historiographie française des XIXe et XXe siècles. Depuis 1820, toutes les écoles historiques ont eu des origines et de la
définition de l'Etat français une interprétation différente, correspondant à la philosophie ou à l'esprit du temps et à l'état de
développement des sciences historiques. De 1820 à 1860, les historiens proposent de grandes interprétations politiques du
phénomène, dans la tradition orléaniste (Guizot voyant dans la constitution de l'Etat au XVe siècle par la royauté centralisatrice
un dépassement du communalisme bourgeois, ou Augustin Thierry décelant dès l'origine une alliance entre cette même
bourgeoisie et la monarchie), aristocratique (Tocqueville) ou républicaine (Michelet et Perrens). A partir de 1860, «le temps des
anato- mistes, des philologues et des juristes», la perspective se rétrécit, et en dépit de l'abondance et de la qualité erudite des
travaux (Monod, Petit- Dutaillis, Dupont-Ferrier, Luchaire), s'appauvrit. Les nouveaux historiens, enfin, d'abord indifférents
(jusqu'en 1970) : le «mépris» des fondateurs de l'Ecole des Annales et de leurs disciples contraste avec l'élan donné par Bernard
Guenée et son équipe d'une part, et avec l'intérêt manifesté de leur côté par des historiens comme Georges Duby et Emmanuel
Leroy- Ladurie de l'autre. Il reste pourtant toujours aussi difficile de définir l'Etat moderne.
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Carbonell Charles-Olivier. Les origines de l'Etat moderne : les traditions historiographiques françaises (1820-1990). In: Visions
sur le développement des États européens. Théories et historiographies de l'État moderne. Actes du colloque de Rome (18-31
mars 1990). Rome : École Française de Rome, 1993. pp. 297-312. (Publications de l'École française de Rome, 171)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1993_act_171_1_3045CHARLES-OLIVIER CARBONELL
LES ORIGINES DE L'ÉTAT MODERNE :
LES TRADITIONS HISTORIOGRAPHIQUES
FRANÇAISES
(1820-1990)
II faut, enseignons-nous à nos étudiants, définir les termes es
sentiels du sujet avant de le traiter - sauf si le sujet est de définition.
Suivons donc la règle. Trois mots Etat moderne, traditions et origines
doivent être, d'emblée, éclairés. Pour un historien français «mo
derne» renvoie aux trois siècles XVIe, XVIIe et XVIIIe1. Quant à l'Etat
- avec majuscule - c'est, pour reprendre l'expression de Pierre Chau-
nu «le sommet institutionnalisé, le sommet séparé de la société ci
vile»; c'est l'Etat-pouvoir, distinct mais inséparable de l'état-territo-
rial - avec minuscule. Qu'appellerons-nous «traditions»? S'il s'agit
du «lien du présent avec le passé» (Lamennais), disons qu'en ce cas
notre communication n'a pas d'objet si diverses furent, en ce do
maine, les analyses et les interprétations successives, et les mé
thodes aussi, des historiens français; si, par contre, on entend par
«traditions» un phénomène durable, qui marque une ou deux géné
rations, mais non perenne, alors notre objet existe, au pluriel. Il s'a
git donc d'étudier les historiens français de l'Etat, et plus précis
ément des origines de l'Etat. Nous sommes invités, et les organisa
teurs du Colloque nous le précisent, à considérer les origines d'une
édification qui va du XIIIe au XVIIIe siècle, et, dans le cas français,
très précoce, sinon le plus précoce, à rechercher, chez les historiens
français, les analyses et les interprétations qui, depuis deux siècles
environ, décrivent, caractérisent et expliquent les premiers
commencements de l'Etat. «Premiers commencements», l'expres
sion n'est pas un pléonasme inutilement provocateur. Quand on sait
la complexité du réel, la longue durée dans laquelle s'étalent les
1 Dans son chapitre «Vers l'Etat moderne», Robert Fossier écrit : «Peu de
mots ont autant servi que celui de "moderne" : je le prendrai ici dans son sens le
plus réduit, celui que la tradition historique attache à la période qui va du XVIe à
la fin du XVIIIe siècle». Il ajoute, il est vrai : «C'est là une convention, d'ailleurs
absurde». (Le Moyen Age, tome 3, Paris, 1986, p. 443). 298 CHARLES-OLIVIER CARBONELL
grands phénomènes de l'Histoire - et l'Etat en est un - mais aussi
cette tendance au vieillissement dont témoignent tant de domaines
historiographiques - et pas seulement la préhistoire -, cette
constante remontée dans le temps si souvent associée à ce que l'on
nomme, optimistement, «les progrès de l'histoire», on ne peut don
ner au mot «origines» qu'un sens fort, je veux dire un sens tiré vers
le haut dans l'échelle du temps; plus haut tiré en tout cas que le sens
d'ordinaire donné à ses pseudo-synonymes que sont «début» et
«commencement» .
Voilà pourquoi, en ce qui concerne le vieux pays de France,
nous interrogerons les historiens du Moyen Age, qu'ils soient médiév
istes de spécialité ou que leurs curiosités, plus larges, les aient ame
nés à embrasser cette période entre autres.
Notre propos sera donc très strictement délimité. Trop peut-
être? Ce choix délibéré n'est pas seulement dû au «cas» français, si
précoce nous l'avons dit; il est dû aussi à l'abondance de la matière.
Fidèles à notre méthode, nous avons parfois relié notre analyse au
mouvement général de l'historiographie et à l'histoire générale. C'é
tait le seule façon d'éviter le catalogue bibliographique rebutant.
Ainsi sont apparues trois phases historiographiques :
- Une période initiale féconde en interprétations politiques qui
court de 1820 à 1860 environ. C'est le temps des tableaux, des syn
thèses, des interprétations simples et fortes.
- Puis ce fut le temps des anatomistes myopes, contemporains
du «positivisme» historiographique et de la IIIe République.
- Enfin vinrent les nouveaux historiens, indifférents dans un
premier temps au problème des origines de l'Etat mais qui, depuis
1970 environ, par leurs approches nouvelles, donnent de nouveaux
éclairages.
I - AUX SOURCES DE LA TRADITION HISTORIOGRAPHIQUE :
LES GRANDES INTERPRÉTATIONS ORLÉANISTES ET RÉPUBLICAINES
(1820-1860)
La tradition orléaniste : F. Guizot et A. Thierry
Sans doute est-ce à Guizot que l'on doit l'approche libérale la
plus ample de l'histoire de l'Etat en France. Dans le cours qu'il pro
fessa en Sorbonne en 1828 - cours public dont le succès fut immense
-, celui qui n'était encore qu'un opposant à Charles X et à la monarc
hie restaurée des ultra-royalistes, dessina, en une vaste fresque,
l'Histoire de la civilisation en Europe2. C'est là qu'on trouve, mieux
que dans ses travaux antérieurs3, une authentique théorie historique
de l'Etat, en Europe bien sûr, mais en France aussi et plus parti- LES TRADITIONS HISTORIOGRAPHIQUES FRANÇAISES 299
culièrement. Théorie que j'appellerai des concomittances. Au XVe
siècle - car le phénomène, datable, est tardif - naissent en Europe,
dans sa partie occidentale du moins, les Etats-nations : en Espagne
(union des deux royaumes), en Angleterre (règne d'Henri VII), en A
llemagne où Maximilien Ier fonde définitivement la prépondérance
habsbourgeoise, en Italie où «tombent les républiques»4, en France
aussi et surtout. Surtout, car le cas français offre une espèce de per
fection.
En France, en effet, «dans le même temps» paraît «l'esprit natio
nal», se forme «un territoire qui se réglait, s'étendait et s'affermis

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