Les politiques de la drogue en Allemagne. Construction d un problème en mouvement - article ; n°1 ; vol.62, pg 47-65
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Les politiques de la drogue en Allemagne. Construction d'un problème en mouvement - article ; n°1 ; vol.62, pg 47-65

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Description

Communications - Année 1996 - Volume 62 - Numéro 1 - Pages 47-65
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mr Hans-Jörg Albrecht
Mr Jean-François Poirier
Les politiques de la drogue en Allemagne. Construction d'un
problème en mouvement
In: Communications, 62, 1996. pp. 47-65.
Citer ce document / Cite this document :
Albrecht Hans-Jörg, Poirier Jean-François. Les politiques de la drogue en Allemagne. Construction d'un problème en
mouvement. In: Communications, 62, 1996. pp. 47-65.
doi : 10.3406/comm.1996.1935
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1996_num_62_1_1935Albrecht Hans-Jbrg
Les politiques de la drogue
en Allemagne
Construction d'un problème
en mouvement
Les débats politiques sur la drogue en Allemagne ont été longtemps
dominés par la perspective étroite du modèle pénal. Il a entièrement
conditionné la politique allemande à partir de la fin des années 601 et
a empêché de prendre en considération d'autres manières de contrôler
et d'aborder les problèmes de drogue.
Dans les années 70 et 80, la politique allemande est caractérisée par
les tendances générales suivantes :
1) Le présupposé pénal gouverne une politique de la drogue qui peut
être à bon droit désignée comme une prohibition totale2.
2) Cette politique concerne le haschisch dans les années 60, s'étend
à l'héroïne dans les années 70, à la cocaïne et aux drogues de synthèse
à partir des années 80.
3) Elle vise la réduction de V offre et la limitation de la demande, mais
omet dans une large mesure de prendre en compte la réduction des risques
entraînée par une consommation continuelle de drogues3.
4) Le débat politique est préventif et empirique, ce qui signifie qu'il
tend essentiellement à stopper de la manière la plus efficace possible
l'offre et la demande.
5) II se limite aux problèmes directs créés par la consommation de
drogues ou aux effets de la drogue.
Dans les années 80 s'amorcent les premières modifications. Les
effets pervers négatifs de la prohibition sont de plus en plus pris en
considération. En outre, on s'interroge de plus en plus sur la ques
tion des principes normatifs que pose, en termes de Constitution et
de droits de l'homme, la prohibition totale et indifférenciée de cer
taines drogues en règle générale « étrangères à notre civilisation4».
La discussion, autrefois essentiellement abordée du point de vue de
l'efficacité, s'enrichit sans cesse de thèmes normatifs. Enfin, des
réserves se font entendre à l'égard des conventions internationales
47 Albrecht Hans-Jôrg
sur les stupéfiants, en particulier sur la convention des Nations unies
de 19885.
Ce changement d'optique est révélé, entre autres, par un débat consti
tutionnel déclenché par la justice pénale elle-même. Depuis 1992, en
effet, un certain nombre de tribunaux estiment que la pénalisation de la
drogue et la prohibition totale, en tout cas du cannabis, vont à l'encontre
des droits de l'homme. Conformément au Code de procédure allemand,
les poursuites pénales ont été interrompues dans l'attente d'une déci
sion du Tribunal constitutionnel fédéral appelée à statuer sur la ques
tion de savoir si l'interdiction pénale de l'introduction, de la livraison,
de l'achat et de la possession de haschisch allait à l'encontre des droits
fondamentaux. Cette décision aborda surtout le thème de la violation des
libertés individuelles et de la non-discrimination. Celle-ci est particu
lièrement à l'ordre du jour en Allemagne parce que la pratique des pour
suites pénales en matière de délits de drogue varie considérablement
d'un Land à un autre. Dans les années 80, de nombreux Lander fédé
raux ont entamé un processus de décriminalisation de fait, voire de dépé
nalisation de la consommation de haschisch et d'autres drogues illégales.
Les autorités engageant ces poursuites font converger tous leurs efforts
vers un objectif: empêcher l'apparition de la consommation de drogues
sur la place publique.
LA DECISION DU TRIBUNAL CONSTITUTIONNEL .
FÉDÉRAL À PROPOS DU CANNABIS
On chercherait vainement une décision du Tribunal constitutionnel
fédéral qui ait récemment rencontré autant d'échos que celle du 9 mars
19946. Les raisons n'en sont guère évidentes, car la décision du Tribu
nal constitutionnel fédéral n'a pas remis en cause les fondements de la
prohibition. Sans du tout problématiser la question, cette décision a pris
pour hypothèse que le législateur, en prohibant la drogue, poursuivait
des objectifs et des intérêts foncièrement justes. Elle a considéré que
les menaces de sanction pénale prévue par la loi sur les stupéfiants
avaient des objectifs de santé publique : protéger la santé des individus,
de la population dans son ensemble, et mettre la jeunesse à l'abri de la
dépendance à l'égard des drogues. Elle mentionne également au pas
sage la lutte contre les dangers que représente la criminalité organisée
et, pour finir, fait référence à la solidarité internationale réclamée par
les accords internationaux sur la drogue (pour l'essentiel la convention
48 Les politiques de la drogue en Allemagne
commune de 1961, la convention sur les substances psychotropes de
1971 ainsi que la de 1988 sur le commerce illicite des sub
stances psychotropes entraînant une dépendance). Mais les problèmes
suscités par ces dispositions pénales ne sont pas invoqués, bien qu'ils
aient récemment fait l'objet de plusieurs analyses critiques7. En se fixant
précisément pour objectif la « santé publique », on crée les conditions
favorables à une extension incontrôlable du droit pénal sur les stupé
fiants. Les problèmes posés par cette extension sont surtout observables
dans l'échange des seringues, les traitements de substitution (ou la pres
cription médicale de drogues), l'aménagement de locaux où il est per
mis de consommer des drogues illégales et, de manière générale, toutes
les démarches thérapeutiques ou d'assistance qui n'ont pas comme
objectif exclusif l'abstinence, mais cherchent à diminuer les risques
encourus par les consommateurs. Si l'incitation à la consommation de
drogues, la prescription médicale ou la délivrance injustifiées de stu
péfiants sont des délits passibles de sanctions, les moyens thérapeu
tiques d'assistance et de conseil destinés aux consommateurs de drogues
le sont également parce qu'ils incitent à faire un usage moins risqué de
la drogue. Ce n'est pas par hasard qu'il a fallu préciser, dans la loi por
tant modification de la loi sur les stupéfiants du 9 septembre 1992 (BGB1
— Journal officiel, I, p. 1593), que la délivrance de seringues jetables
stériles à des toxicomanes ne constituait pas un délit au sens de l'arti
cle 29 I n° 10 de la loi sur les stupéfiants (art. 29 1, p. 2). En fait, le droit
pénal ne garantit pas plus la protection de la jeunesse que la santé
publique, mais il fait obstacle à une alternative à la politique menée jus
qu'à présent et, de ce fait, aggrave les conflits qui surgissent dans les
débats sur la drogue8.
LE PROBLEME NORMATIF :
LE « DROIT DE DISPOSER DE SOI-MÊME »
Le Tribunal constitutionnel fédéral a rejeté, dans une première étape
de sa décision, le « droit à l'ivresse » garanti par la Constitution9. Il a
donc estimé incontestable que les actions permettant la délivrance de
stupéfiants (fabrication, commerce, délivrance, etc.) soient passibles de
sanctions. Si la consommation de drogues ne l'est fondamentalement pas
en Allemagne, la possession et l'acquisition le sont, si bien que consom
mer licitement des drogues paraît être difficilement pensable, étant
donné que sont criminalises tous les actes préalables à l'acte de consom-
49 Albrecht Hans-Jôrg
mation. La question cruciale est donc de savoir si l'Etat, au nom du res
pect des libertés individuelles, peut être empêché d'exposer à des sanc
tions les actes permettant la consommation individuelle de stupéfiants.
Le principe de proportionnalité a été choisi comme pierre de touche pour
l'examen de cette question : une menace p

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