Les rejets de l art contemporain - article ; n°1 ; vol.16, pg 151-162
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Description

Publics et Musées - Année 1999 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 151-162
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Nathalie Heinich
Les rejets de l'art contemporain
In: Publics et Musées. N°16, 1999. pp. 151-162.
Citer ce document / Cite this document :
Heinich Nathalie. Les rejets de l'art contemporain. In: Publics et Musées. N°16, 1999. pp. 151-162.
doi : 10.3406/pumus.1999.1149
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pumus_1164-5385_1999_num_16_1_1149REJETS DE L'ART LES
CONTEMPORAIN
Nathalie Heinich
c, 'ontrairement aux analyses sociologiques qui
ont été produites il y a une vingtaine d'années, j'ai voulu travailler spé
cifiquement sur l'art contemporain. Je ne vais pas ici décliner les critères
de différenciation avec l'art moderne, parce que ce n'est pas l'objet de
cette journée; mais je crois que ces critères existent non seulement sur
le plan sociologique des réactions qu'il suscite, mais aussi sur le plan
proprement esthétique, puisque ces réactions sont bien sûr liées à la
caractéristique esthétique des objets (Heinich, 1999).
L'intitulé qui a été précédemment donné à mon intervention parle
de «résistance» selon les types de public. Le terme de «résistance» est un
terme que je n'ai jamais utilisé, parce qu'il sous-entend qu'il y aurait
quelque part une vérité et que toute réaction qui n'accepterait pas
d'emblée cette vérité serait à percevoir en terme de résistance à réduire,
selon le modèle psychanalytique de la vérité inconsciente qui fait l'objet
d'une résistance. Cette position, qui est absolument compréhensible et
acceptable pour des gens qui comme vous sont en situation de faire
comprendre à des non spécialistes des valeurs que vous considérez à
juste titre comme intéressantes, ne doit pas être celle du sociologue, qui
lui, n'a pas à prendre parti a priori pour les uns ou pour les autres, et
n'a pas à considérer comme résolue la question de la valeur des objets
qui font l'objet des controverses qu'il étudie. J'étudie des controverses,
et je n'essaie pas d'argumenter ni d'un côté ni de l'autre. Le terme de
résistance est déjà très chargé, très connoté, et nous déporte d'emblée
vers l'idée qu'il y a des bons objets et des mauvais sujets qui réagiraient
mal à des bons objets. Mon propos n'est pas celui-là ni non plus de dire
le contraire, à savoir que l'art contemporain serait un mauvais objet et
que ceux qui y résistent seraient des bons sujets. Il est de comparer les
positions, et de ne pas se donner a priori de jugements de valeur, quels
qu'ils soient. C'est pourquoi j'ai parlé de «rejets», parce qu'il s'agissait
simplement de constater qu'il y avait des rejets. «Rejet» est suffisamment
neutre pour ne pas comporter ce type de connotations.
Des résistances «selon les types de public» n'est pas non plus mon
propos. Je me démarque de la perspective méthodologique, qu'a très
bien exposée Olivier Donnât, de l'analyse statistique classique, qui
consiste à croiser des comportements ou des pratiques avec des caracté
ristiques socio-démographiques, dans une perspective explicative,
puisqu'il s'agit bien d'expliquer les pratiques par les caractéristiques, et
151
Actes du colloque
PUBLICS & MUSÉES N°l6 avec une contrainte de grande échelle puisque pour que ces chiffres
aient une certaine validité il faut qu'ils portent sur des ensembles très
nombreux. Ce cadre-là nous est absolument familier, puisque c'est le
cadre du sondage d'opinion qui s'est énormément développé depuis
une génération; c'est à lui que j'ai voulu échapper. Donc il ne s'agit nul
lement, dans le travail que j'ai fait, de croiser les résistances avec les
types de publics. Je vais m'en expliquer.
Je vais commencer par la méthode, car je crois que c'est par les
questions de méthode qu'on arrive le plus vite et le mieux aux ques
tions de contenu. Premier démarquage : je n'ai pas fait de mesure stati
stique des rejets; je ne les ai même pas comptés. Je n'ai pas essayé de
les systématiser, je n'ai pas essayé de les rapporter à une quelconque
représentativité des publics en question, je n'ai pas fait de pourcentages,
par exemple de gens très diplômés par rapport à l'ensemble de la popul
ation, ni de caractéristiques de type origine géographique. Dans
l'enquête que j'ai faite, on n'apprend rien sur la nature sociologique des
gens qui rejettent les œuvres d'art contemporain.
Deuxième démarquage par rapport à la tradition sociologique: non
seulement je n'ai pas fait de «quantitatif» mais je n'ai même pas fait du
«qualitatif» au sens où on l'entend d'habitude, c'est-à-dire des interviews.
Il n'y a aucune interview dans la double enquête que j'ai réalisée d'abord
grâce à la Délégation aux arts plastiques entre 1994 et 1996 (Les rejets de
l'art contemporain! puis aux États-Unis, New York, Philadelphie,
Boston et Washington (La guerre culturelle aux États-Unis)1 . J'ai donc tra
vaillé selon une méthode plus ethnographique, qui consiste à analyser
des exemples de réactions spontanées. Je n'ai donc jamais sollicité de
propos, je n'ai jamais demandé à quelqu'un «qu'est-ce que vous en pen
sez? », « pourquoi ça ne vous plaît pas? ». Le problème de l'interview,
c'est qu'il ne permet pas de mesurer la pertinence de ce dont il est ques
tion pour la personne interrogée. Si vous demandez à quelqu'un ce qu'il
pense de l'art contemporain, il est très difficile de savoir si la question
l'intéresse ou pas. Par contre si vous travaillez sur les réactions sponta
nées des gens, vous êtes certain que ça les intéresse, parce que s'ils ont
pris la peine de parler, d'écrire, de donner un coup de pied, de mettre
un coup de stylo à bille sur un tableau, c'est que cela les interpelle vrai
ment. Déjà le fait de travailler sur du spontané et non pas du sollicité, est
une mesure de l'investissement des personnes dans leur action, et donc
une bonne mesure de la pertinence de ce qu'on est en train d'étudier.
Autre problème des interviews : pour faire plaisir à l'interviewer, la per
sonne se lance souvent dans des énoncés relativement standards où l'on ne
mesure pas du tout le degré d'adhésion à ce qui est dit. On le mesure indi
rectement, parce qu'on s'ennuie, mais c'est très difficilement utilisable et
interprétable dans le cadre de l'enquête. Il y a beaucoup de lieux communs
qui sont produits notamment parce qu'on a affaire à des objets très valori
sés, et ces lieux communs apprennent évidemment sur la nécessité pour les
gens de produire à tout prix des énoncés et sur le contenu de ces lieux
communs qui circulent; mais ils n'apprennent pas grand-chose sur ce qui
se passe vraiment, au niveau émotionnel, dans leur tête.
152
Actes du colloque
PUBLICS & MUSÉES N°l6 Et puis, dernier avantage du spontané par rapport au sollicité : cela
m'a permis de travailler non pas seulement sur les contenus des argu
ments, mais aussi sur leurs formes, ce qui était très intéressant dans la
perspective d'une sociologie ou d'une anthropologie qui soit plus
proche des situations, qui soit plus proche de la réalité de l'expérience
vécue par les acteurs. Faire pisser son chien sur une colonne de Buren,
ce n'est pas pareil que d'écrire au ministre. Il y a toutes sortes de façons
d'exprimer son indignation, et ces façons sont connectées avec l'objet et
les contenus de l'indignation.
Sur quoi travaille-t-on quand on ne fait ni statistiques ni interviews?
En matière d'art contemporain, mon principal corpus a été le livre d'or
des expositions et des musées, matériau souvent problématique pour les
conservateurs mais absolument génial pour les sociologues: je vous
encourage à continuer à laisser des livres d'or, c'est un matériau formi
dable! Puis j'ai beaucoup écrit à des responsables de centres d'art,
FRAC, lieux d'expositions, DRAC, etc. pour leur demander s'ils avaient
des témoignages de réactions négatives, soit sous forme de lettres, soit
so

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