Les transports sur la Seine aux XIIIe et XIVe siècles - article ; n°2 ; vol.85, pg 231-244
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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1978 - Volume 85 - Numéro 2 - Pages 231-244
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Publié le 01 janvier 1978
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Langue Français
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Alain Sadourny
Les transports sur la Seine aux XIIIe et XIVe siècles
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 85, numéro 2, 1978. Les transports au Moyen Age. Actes du
VIIe congrés des médiévistes de l'enseignement supérieur. Rennes Juin 1976. pp. 231-244.
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Sadourny Alain. Les transports sur la Seine aux XIIIe et XIVe siècles. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 85,
numéro 2, 1978. Les au Moyen Age. Actes du VIIe congrés des médiévistes de l'enseignement supérieur. Rennes
Juin 1976. pp. 231-244.
doi : 10.3406/abpo.1978.2935
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1978_num_85_2_2935transports sur la Seine Les
aux XIIIe et XIVe siècles
par Alain SADOURNY
« La Seine », écrit l'historien Farin, « forme le plus beau quai
qu'on puisse voir. Le flux de la mer qui s'y fait deux fois par jour
y fait monter des navires ; en deux fois vingt-quatre heures la mer
apporte les richesses à Rouen (1) ». Depuis l'Antiquité, le fleuve
a été, de préférence aux voies de terre souvent mal commodes,
utilisé comme voie de transport entre le centre du Bassin Parisien
et la mer. C'est grâce à la Seine que Rouen est devenu un centre
économique de grande importance puisqu'elle lui a permis d'exporter
les produits d'un arrière-pays étendu et de fournir à ce même pays
les denrées venues par mer ; le fleuve a donc joué un rôle essentiel
dans le développement économique de la Normandie orientale. La
vie de la Seine, de part et d'autre de Rouen, est assez bien connue
pour la fin du Moyen Age (2) ; certains aspects, comme la lutte
commerciale entre marchands parisiens et rouennais le sont aussi (3).
Le trafic et les conditions des transports aux xine et XIVe siècles,
probablement en raison de la pauvreté de la documentation, le sont
moins. C'est sur certains points que nous voudrions insister, notam
ment les conditions des transports, les moyens et le transport de
quelques produits (vins, sel, pierre).
LES CONDITIONS
I. En aval de Rouen.
Les conditions de navigation sur la Seine maritime ont toujours
été difficiles (4). Les navires qui remontaient le fleuve ou qui le
descendaient étaient menacés par trois périls : la brume, l'insta
bilité des fonds et le mascaret (5). ANNALES DE BRETAGNE 232
La brume était toujours dangereuse à l'entrée de l'estuaire lorsque
le navire devait trouver le bon chenal.
Le lit du fleuve était extrêmement changeant. Entre Rouen et
la mer se trouvaient un nombre important d'îles : en 1716, la carte
de Magin en indique dix-huit entre l'île Lacroix à Rouen et Du-
clair (6). Au cours de la période médiévale certaines furent rattachées
à la terre ferme : ainsi à Rouen les îles Saint-Eloi, Saint-Clément
et de la Roquette sur lesquelles furent construits les quais (7) ; près
de Jumièges l'île de Conihout fut rattachée à la rive au cours du
XIVe siècle (8). Les navires qui remontaient à Rouen étaient donc
obligés de se frayer un passage au milieu de ces îles, de trouver-
un bras d'eau ou « diep » propice. Il n'était guère possible de_
naviguer le long de la rive, dans la mesure où du côté de la plaine
alluviale, les limites entre la terre et l'eau étaient fort imprécises (9).
Les bas fonds eux aussi variaient très souvent ; dans deux régions
ces migrations étaient particulièrement dangereuses : entre Ville-
quier et Aizier d'une part, entre Villequier et Caudebec d'autre
part ; dans la première zone, au cours du xive siècle, se formèrent
des atterrissements qui donnèrent lieu à d'innombrables litiges.
Ces bancs sont attestés dès le xir2 siècle, dans le cartulaire de
Jumièges : en 1112 l'abbé partage avec Robert de Meulan ces terres
d'alluvion qu'elles croissent ou qu'elles décroissent et dans un autre
acte les mêmes personnes reconnaissent les changements fréquents
du lit du fleuve (10). Dans la seconde zone fluviale, l'île de Belcinac
eut une histoire mouvementée : elle existe au VIIe siècle, au xi* siè
cle les moines de Saint-Wandrille la revendiquent et fixent ses limites
entre Caudebec et le château de Vatteville, puis elle disparaît soudai
nement et par la suite des atterrissements se reforment, s'accroissent
et disparaissent suivant la force du flot (11). L'existence de ces
bancs était donc très dangereuse pour la navigation car leurs
migrations étaient totalement imprévisibles. Ce n'est qu'au début
du xix* siècle qu'une étude a montré qu'ils changeaient en fonction
du vent : ces bancs formés de sables déposés sur un fond tourbeux
sont poussés au Sud par les vents du Nord et ramenés au Nord
par les vents du Sud (12). Le courant rendait aussi la remontée
dangereuse. A Rouen, le courant est peu rapide (0,50 m/ s en temps
ordinaire et 3 mètres en temps de crue) ; l'amplitude entre la haute
mer et la basse mer était beaucoup plus grande jadis que de nos
jours : au début du xixe siècle elle était à Rouen de 2,30 m
à 3 m en vive eau (13). La juxtaposition de deux courants du flot
dans l'estuaire donnait naissance au phénomène bien connu du
mascaret ; cette barre formée par la rencontre des deux ondes avait
une hauteur variable : de 2 m 50 à 3 m à Quillebeuf et 0,70 m dans
le port de Rouen (14); ces perturbations pouvaient gêner considé
rablement la navigation et les bateaux amarrés à quai devaient aussi
être plus solidement attachés que dans les ports ordinaires.
Comment s'effectuait la remontée jusqu'à Rouen ?
« La Seine », écrit Jean Alfonso de Saintonge, « est une rivière
dangereuse en son entrée, à cause de la marée qui emplist trop m Caudebec
Villequier
Tancarviile
La Maiileraye
Rouen
Aizier
Vieux-Port
LA SEINE MARITIME La Bouille 234 ANNALES DE BRETAGNE
tôt et reflotte rapidement. A l'entrée il y a un rocher qui se nomme
le Ratier ou tu n'y dois entrer sans pilote du pays » (15). Le navire
devait se frayer une voie dans les fonds instables, au milieu de
courants, de tourbillons. En automne et en hiver, la brume venait
en plus souvent gêner le navigateur ; celui-ci devait donc attendre un
temps clair et des vents propices de l'ouest et du sud-ouest ; il en
résultait des escales forcées soit devant Honfleur sur la rive gauche,
soit devant Harfleur et Leure sur la rive droite. Le navire atteignait
Quillebeuf à la fin du flot, c'est-à-dire en trois ou quatre heures (16).
Ce passage était particulièrement dangereux en raison des effets
conjugués du mascaret et des bancs de sable de Gravenchon ; le
navire pour arriver jusque-là avait été aidé par les pilotes de Quil
lebeuf ; ceux-ci ne sont guère connus par des actes avant le milieu
du xv" siècle : en 1450, une ordonnance de Charles VII (17) recon
naît qu'ils « sont gens vivans sur la mer, du fait et mestier de la
mer et n'ont que peu de terres labourables et sont menans et
conductans des vaisseaux montans et avallans en lad. rivière de
Seine de Honnefleu à Caudebec et de Caudebec à Honnefleu ».
Cette compagnie était beaucoup plus ancienne et ses attributions
qui ne sont précisées que dans un règlement de 1566, sans aucun
doute consacrent un usage bien antérieur (18) : ils devaient à chaque
lune baliser les passes dangereuses, ils avaient le droit d'aller au
devant des navires jusqu'au travers de Dieppe et dans la baie de
Seine vers Harfleur ; leur salaire était proportionnel au tonnage du
navire.
A Quillebeuf, le navire restait solidement amarré aux pieux en
attendant la marée suivante ; celle-ci le menait jusqu'à Caudebec,
le flot permettant de passer sans encombre les bancs de sable de
la zone Aizier-Villequier. A Caudebec les navires s'arrêtaient obliga
toirement car l'arrivée coïncidait avec la fin du flot (le temps de
remontée était de cinq à six heures, selon la force des marées).
A la troisième marée, le navire allait jusqu'à La Mailleraye et à
la quatrième, il s'amarrait à Rouen (19).
La descente était moins ou plus longue selon les vents : de deux
à dix jours. La « posée » de Quillebeuf restait obligatoire car le
travers d'Aizier ne pouvait se passer qu'avec le flot et le bateau
qui arrivait toujours après ne pouvait continuer (20).

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