Lettres de justice - article ; n°1 ; vol.101, pg 102-115
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1940 - Volume 101 - Numéro 1 - Pages 102-115
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1940
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges Tessier
Lettres de justice
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1940, tome 101. pp. 102-115.
Citer ce document / Cite this document :
Tessier Georges. Lettres de justice. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1940, tome 101. pp. 102-115.
doi : 10.3406/bec.1940.452561
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1940_num_101_1_452561DE JUSTICE LETTRES
les mesure généralement La auteurs, note du possible, qu'on anciens sans va la le ou lire définir sens modernes, a un et ; la double suggérer portée emploient but d'une que : préciser, la à expression lettre tout instant, dans de jusque la
tice n'apparaît pas, à l'origine, comme le calque d'un pré
cédent romain, mais s'insère dans le développement orga
nique des institutions françaises.
Dans son Cours élémentaire d'histoire du droit français,
Esmein esquisse une théorie des lettres de justice : « Dans
bien des cas, dit-il, pour intenter une voie de recours contre
un jugement, pour attaquer un contrat entaché de quelque
vice, pour invoquer ce qu'on appelle en droit un bénéfice,
c'est-à-dire un tempérament apporté à quelque règle trop
rigoureuse, il ne suffisait pas d'établir en justice qu'on se
trouvait dans les conditions voulues quant au fond, il fallait
préalablement obtenir des lettres du roi qui permettaient
de le faire..., il fallait des de justice. » Et il ajoute :
« Gela s'explique historiquement. A l'origine », les moyens
invoqués par les requérants, « le plus souvent tirés du droit
romain, n'étaient pas entrés dans la coutume : le roi, en per
mettant au plaideur de les invoquer, en ordonnant aux juges
d'en tenir compte, faisait acte de souveraineté et accordait
une véritable grâce individuelle qu'il aurait pu refuser...
Mais peu à peu le système se régularisa et se consolida. Ces
recours et ces bénéfices furent pleinement admis par la cou
tume, si bien que le roi ne pouvait pas refuser les lettres de
justice qui y correspondaient1. » Ces quelques lignes con
tiennent l'exposé d'une doctrine cohérente qui se ramène,
1, Esmein, Cours élémentaire d'histoire du droit français, cité d'après la
11e édition (Paris, 1912), p. 491-493. :
LETTRES DE JUSTICE 103
semble-t-il, à ceci. Les nécessités de la vie juridique des par
ticuliers ont amené les rois à intervenir, en vertu de leur
pouvoir discrétionnaire, de leur Imperium, dans le cours
ordinaire de la justice. Ces interventions ont d'abord eu un
caractère gracieux et se sont, par conséquent, exprimées par
le truchement de lettres de grâce, mais, par suite de leur
répétition à propos de cas analogues, elles ont fait pour ainsi
dire jurisprudence et créé une coutume ; elles ont donc perdu
leur caractère gracieux et les lettres de grâce qui les ren
daient efficaces sont devenues des lettres de justice.
Cette théorie a été reprise par Paul Viollet, qui, laissant
de côté les réalités positives, se plaît à voir dans l'octroi des
lettres de justice une manifestation de l'absolutisme de nos
rois, une application de la maxime : « Quod principi placuit
legis habet vigorem », « une sphère d'action ouverte au roi
qui s'y meut avec une liberté d'allure quasi impériale, quasi
romaine1 ». Suivent des exemples de lettres de justice dont
plusieurs ne semblent être telles que dans la pensée de l'au
teur.
En 1925, Declareuil reprenait à peu de chose près la doc
trine d'Esmein2.
Le caractère arbitraire de cette construction juridique a
frappé ceux qui ont été amenés à regarder la réalité d'un peu
près, André Guillois, par exemple, qui écrivait, en 1909 : «Les
auteurs modernes ont construit des lettres de justice di
verses théories que nous ne saurions songer à discuter ici
sans sortir du cadre de notre étude, mais que nous repous
sons implicitement, en ce qui concerne le xive siècle, comme
n'ayant point d'appui sur les textes3. » Ces théories, en effet,
ne reposent pas sur les faits, mais reproduisent les vues plus
ou moins systématiques des auteurs contemporains des trois
derniers siècles de la monarchie. C'est dans V Institution au
droit des François de Guy Coquille que j'en trouve la pre
mière esquisse, sous une forme d'ailleurs atténuée et pru
dente : « Aussi on a mis entre droicts royaux les restitutions
1. Paul Viollet, Histoire des institutions politiques et administratives de la
France, t. II, p. 228-237.
2. J. Declareuil, Histoire générale du droit français, p. 673-674.
3. André Guillois, Récherches sur les maîtres des requêtes de l'Hôtel, des ori
gines à 1350, p. 99, n, 1.104 GEORGES TESSIER
en entier... jaçoit que les lettres soient de justice sans grace,
dont le remède par raison deust estre demandé par devant le
juge ordinaire selon son office de jurisdiction. Mais je croy
que l'introduction de tel droict est fondée sur ce que les
remèdes des restitutions dependent du droict civil des Ro
mains qui n'a force de loy en France, et pour authoriser et
faire valoir l'allégation qui s'en faict, on a recours a la chanc
ellerie du roy pour obtenir lettres 1. »
* * *
A ma connaissance, le premier texte législatif où se ren
contre l'expression lettre de justice est une ordonnance de
1310. L'article huit de cette ordonnance réglemente le fonc
tionnement de la commission appelée à devenir la Chambre
des requêtes : « Item qe bones persones et apertes de delive
rer soient a requestes de la langue d'oc et de la françoise...
e ne purront connestre ne prendre conissance de causes ne
de quereles..., mes se partie opposoit contre requeste a la
fin qe la lettre de justice ne soit donné, il purront bien co-
noestre e oier (sic) les parties a la fin se il donront lettre de
justice ou noun 2. » On notera en passant la possibilité don-
1. Guy Coquille, Institution au droit des François, p. 7, dans les Œuvres de
Me Guy Coquille (Paris, 1646). Dans le chapitre xiv de son Traité des seigneur
ies, Charles Loyseau expose une théorie quelque peu tendancieuse et sur cer
tains points, semible-t-il, inexacte des lettres de justice. Il écrira, lui aussi, à
propos des « recisions et restitutions en entier », pour expliquer la nécessité
d'obtenir en pareil cas des lettres de chancellerie : « ... ainsi qu'en l'ancien droict
romain, on s'addressoit au préteur ou magistrat pour mander à celuy qu'il com-
mettoit pour juger qu'il ne s'arrestast point à la rigueur du droict estroit » (Les
œuvres de M. Charles Loyseau, Paris, 1640, Traité des seigneuries, p. 160). Même
son de cloche dans le traité De la souveraineté du roy par Le Bret (Paris, 1632),
qui nous présente les lettres de justice comme servant à l'expédition des « affaires
que le préteur romain expédioit/wre sui officii » (p. 483). Le traité de Le Bret est,
dans toutes ses parties, une manifestation typique de l'état d'esprit de certains
érudits pédants qui voulaient à tout prix trouver un précédent romain à cha
cune des institutions françaises. — A noter que Loyseau, dans le passage cité
plus haut, est le premier à donner des lettres de justice la définition qu'après lui
les auteurs répéteront à l'envi : ce sont des lettres « qui sont fondées sur le droict
commun ou qui portent mandement de rendre la justice ».
2. Ch.-V. Langlois, Textes relatifs à Vhistoire du Parlement, p. 183, n° CXXVI.
Les lettres de justice sont nettement visées dans une ordonnance de janvier
1278, art. 16, bien qu'elles n'y soient pas désignées comme telles : « Les requestes
seront ouiez en la sale par aucun des mestres et seront portées au roi celles qui DE JUSTICE 105 LETTRES
née aux parties intéressées de s'opposer à la délivrance des
lettres de justice. Le rôle dévolu aux conseillers de décider
si les lettres seront dans ce cas délivrées ou non est analogue
à celui qui incombait à V auditor litter arum contradictarum de
la curie pontificale1. On peut croire, d'ailleurs, que l'expres
sion elle-même, lettre de justice, a été empruntée à la chanc
ellerie romaine où elle avait un sens technique dès la fin du
xne siècle 2 et où elle recouvrait une notion analogue &#

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