Madame de Sévigné, grande coquette - article ; n°3 ; vol.40, pg 506-535
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Description

Annales de Bretagne - Année 1932 - Volume 40 - Numéro 3 - Pages 506-535
30 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1932
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

G. Kirn
Madame de Sévigné, grande coquette
In: Annales de Bretagne. Tome 40, numéro 3, 1932. pp. 506-535.
Citer ce document / Cite this document :
Kirn G. Madame de Sévigné, grande coquette. In: Annales de Bretagne. Tome 40, numéro 3, 1932. pp. 506-535.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1932_num_40_3_1704,
G. KIRN
MADAME DE SÉVIGJNÉ
GRANDE COQUETTE
Si j'ai choisi Mme de Sévigné comme sujet de cette con
férence W, c'est que, Bretonne par son mariage, châtelaine
des Rochers, près de Vitré et du jBuron, près de Nantes,
elle eut dans ce pays où elle aimait à séjourner de véri
tables attaches. Au surplus, elle intéresse tant ceux qui
s'appliquent à la connaître qu'elle compte parmi ses com
mentateurs une légion d'amoureux posthumes : il semble
qu'il flotte autour de son ombre quelque chose de ce
charme si personnel qu'elle avait et qu'il lui suffise,
aujourd'hui comme autrefois, d'être l'aimable Sévigné pour
séduire. Cependant la correspondance universellement con
nue et presque journalière qu'elle a échangée pendant
plus de vingt ans avec Mme de Grignan, mariée en Provence,
fait que la plupart des gens voient surtout en elle une mère
passionnée, une mère idolâtre de sa fille; on ne songe pas
assez d'ordinaire qu'elle fut femme, l'une des femmes les
plus brillantes, les plus mondaines, les plus courtisées de
son temps, et qu'il y eut tout de même une période dans sa
vie où l'amour maternel n'étairpas son unique affaire!
C'est de cette période que je voudrais vous entretenir
aujourd'hui. Antérieure à la correspondance avec Mm* de
Grignan qui ne commence qu'en 1669, elle va de 1643 à
(1) Conférence publique faite à la Faculté des Lettres le jeudi 16 mars 1933. MADAME DE SÉVIGNÉ GRANDE COQUETTE 507
1662 environ et comprend toute la jeunesse de Mme de
Sévigné.
Celle qui devait être la marquise de Sévigné, Marie de
Rabutin Chantai, naquit à Paris, vous le savez, dans un
hôtel de la ^^ Royale, le 5 février 1626. A dix-huit mois
elle perdit son père, à sept ans sa mère, puis, à peu d'inter
valle, ses grands-parents, M. et M"16 de Coulanges. Bref,
à dix ans, il ne lui restait plus qu'une grand'mère, sainte
Chantai, qui, trop absorbée par la direction de l'ordre des
Visitandines, s'en remit à Dieu du soin de cette tutelle. Il
fallait pourtant confier l'orpheline à quelqu'un : ce fut son
oncle maternel, Christophe de Goulanges, abbé de Livry,
qui s'en chargea, celui-là même qu'elle appellera plus tard
« le bien bon ».
De 1636 à 1641, on ne sait rien de la jeunesse de
MUe de Rabutin, sinon qu'elle vécut à Livry, dans la forêt
de Bondy, que l'abbé de Coulanges lui donna d'excellents
professeurs, tels que Chapelain et Ménage, et qu'elle mena
près de lui une existence très calme que se partageaient
l'étude et les exercices de piété.
Tâchons maintenant de nous imaginer Mme de Sévigné
au moment où elle commença de paraître dans le monde.
Nous avons d'elle plusieurs portraits que nous ont laissés
les peintres ou les écrivains de son temps. Deux d'entre
eux, une toile de Mignard et un pastel de Nanteuil, sont
d'une authenticité certaine, mais la marquise de Sévigné
qu'ils représentent a déjà quarante, quarante-cinq ans.
C'est une beaujté épanouie, un peu trop épanouie pour notre
goût actuel ! Vous connaissez certainement le pastel de
Nanteuil dont les reproductions sont très répandues. Il suffît
de le voir pour comprendre la boutade de Jules iLemaître
qui appelait un jour Mœe de Sévigné : « cette grosse mère
La Joie !»
La toile de Mignard, au contraire, nous montre une
femme infiniment plus séduisante : cheveux blonds et
frisés, teint éclatant, la bouche spirituelle, les yeux mali- 508 MADAME DE SÉVIGNÉ GRANDE COQUETTE
Mme de Sévigné pouvait plaire, et l'ori cieux et doux; certes,
conçoit fort bien, surtout si on se la figure d'une quinzaine
d'années plus jeune, que les hommages ne lui aient point
manqué. Cette impression est d'ailleurs confirmée par les
portraits en prose que nous ont laissés ses amies Mme de iLa
Fayette et MUe de Scudéry, ainsi que Somaize dans son
Dictionnaire des Précieuses. Tous trois insistent sur l'éclat
de sa beauté, le blond de ses cheveux, la blancheur de son
teint, l'élégance de sa taille et la grâce inimitable qu'elle
avait à la danse. En outre, MUe de Scudéry remarque le
charme tout particulier de son sourire, et Mme de La Fayette
celui, plus vif encore, que prêtait à sa physionomie
l'entrain de la conversation.
Mais ces portraits faits par des amis et appelés à circuler
dans les salons où c'était le jeu à la mode, peuvent être
soupçonnés d'indulgence ou de flatterie : on n'en saurait
craindre autant de celui qui nous est parvenu dans YHis-
toire amoureuse des Gaules, car Bussy-Rabutin qui le
composa en 1654, était à ce moment brouillé avec sa cousine
et cherchait à se venger des torts dont il la jugeait cou
pable à son égard.
Madame de Sévigné a d'ordinaire le plus beau teint du monde,
les yeux petits et brillants, la bouche plate, mais de belle cou
leur; le front avancé, le nez seul semblable à soi, ni long ni
petit, carré par le bout, la mâchoire comme le bout du nez; et
tout cela qui, en détail, n'est pas. beau, est, à tout prendre assez
agréable. Elle a la taille belle sans avoir bon air; elle a la jambe
bien faite, la gorge, les bras et les mains mal taillés; elle a les
cheveux blonds, déliés et épais; elle a bien dansé1; elle a l'oreille
encore juste; elle a la voix agréable, elle sait un peu chanter 4
voilà pour les dehors à peu près comme elle est faite.
Bussy-Rabutin.
Soit qu'il fût instinctivement sincère, soit qu'il fît de sa
sincérité un calcul destiné à mieux accréditer les traits les
plus méchants de sa satire, Bussy a donné là. de Mme de
Sévigné un portrait qui, pour être sévère, n'en est pas MADAME DE SÉVIGNÉ GRANDE COQUETTE 509
moins ressemblant et qui lui laisse des attraits encore fort
enviables.
Au moral elle était, selon ses contemporains, vive,
aimable, enjouée, honnête et spirituelle. Pour contrôler
ces appréciations flatteuses, M. André Hallays, lors d'une
conférence qu'il fit naguère à Paris, eut recours à un pro
cédé bien moderne : ayant pris quelques échantillons de
l'écriture de Mme de Sévigné, il demanda une consultation
graphologique à Mme de Salberg ! Cette consultation, dont
il vous est loisible de contester refficacité accorde à la mar
quise : bonté, intelligence, esprit large, facilité de parole,
et, — soulignons-le en passant, — immatérialité; mais on
peut s'étonner qu'elle lui trouve une sensibilité vive et ne
décèle aucune trace de son imagination ni de sa Coquett
erie. L'ascendance de Mme de Sévigné peut nous fournir
d'autres lumières. Si elle ne s'est guère réclamée des Cou-
langes, à qui elle doit pourtant ses qualités d'économie et
de sens pratique, elle s'est trop souvent flattée elle-même
d'être Rabutin des pieds à la tête pour qu'il ne faille pas
remarquer ici qu'en effet elle devait aux Rabutin et part
iculièrement à son père un penchant très vif pour les
plaisirs mondains, l'art de dire les choses et celui, plus
redoutable,"
de peindre les gens d'un mot, enfin cet esprit
leste, gaillard, qui accepte toute plaisanterie « pourvu
qu'elle soit enveloppée, vous la renvoie et vous mène plus
loin que vous ne pensiez aller ».
Ajoutez à cela que Mme de Sévigné avait le goût de la
toilette : j'en vois la preuve dans les détails minutieux
qu'elle donnera plus tard à Mme de Grignan sur les robes,
les coiffures nouvelles ou sur les mirifiques atours de
Mme de Montespan; elle avait aussi ce désir instinctif de
plaire à chacun, homme ou femme, qui est le génie même
de la séduction; bref, amie du monde, elle était faite pour
le monde et pour

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