Marguerite de Navarre et le platonisme de la Renaissance [premier article]. - article ; n°1 ; vol.58, pg 259-292
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1897 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 259-292
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1897
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Abel Lefranc
Marguerite de Navarre et le platonisme de la Renaissance
[premier article].
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1897, tome 58. pp. 259-292.
Citer ce document / Cite this document :
Lefranc Abel. Marguerite de Navarre et le platonisme de la Renaissance [premier article]. In: Bibliothèque de l'école des
chartes. 1897, tome 58. pp. 259-292.
doi : 10.3406/bec.1897.447899
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1897_num_58_1_44789917-O2J6
MARGUERITE DE NAVARRE
ET LE
PLATONISME DE LA RENAISSANCE.
Dans une étude d'histoire littéraire publiée l'année dernière1,
et consacrée à l'attachante question de la propagation du plato
nisme en France à l'époque de la Renaissance, nous arrivions à
cette conclusion, que l'honneur d'avoir provoqué et dirigé ce
mouvement de rénovation philosophique devait revenir, pour la
plus grande part, à la femme supérieure dont l'influence s'est fait
sentir, sous des formes si diverses, sur la civilisation tout entière
de l'époque, à la reine Marguerite de Navarre. Les recherches
complémentaires auxquelles nous nous sommes livré depuis, spé
cialement en ce qui touche les différentes phases de la diffusion
des idées platoniciennes dans notre pays, n'ont fait que rendre
sur ce point notre conviction plus profonde. Il reste maintenant,
sans revenir sur les faits si nombreux et si probants sur les
quels s'est appuyée notre première démonstration, et qui ont
révélé l'action immédiate exercée dans ce domaine par la sœur
de François Ier, à considérer en soi, si l'on peut dire, le pla
tonisme de la reine de Navarre. Après avoir cherché à définir
1. Revue d'histoire littéraire de la France, numéro de janvier 1896, p. 1 à 44.
Je n'ai pas craint, dans la présente étude, de traiter de diverses questions qui,
eu égard au but qui y est poursuivi, peuvent paraître accessoires; mais, sur ce
terrain de l'histoire intellectuelle, encore si peu exploré, il est indispensable de
ne pas s'en tenir à un seul ordre de faits ni à un seul courant d'idées, trop
rigoureusement délimité. A ne considérer que le problème principal, sans tenter
d'éclaircir ceux qui y confinent, on risquerait fort de n'aboutir qu'à des conclu
sions incomplètes, étroites et sans doute aussi peu solides. Dans ce domaine,
plus que dans aucun autre peut-être, tout se tient, et il ne suffît pas de procé
der isolément à l'analyse d'un élément, fût-il parmi les plus importants, pour
aboutir à un résultat vraiment utile. MARGUERITE DE NAVARRE 260
son rôle dans la transformation décisive qui s'accomplit, entre
1540 et 1550, dans la manière de penser et de sentir des classes
éclairées, il importe de reconstituer l'évolution intellectuelle qui
l'amena à agir si résolument dans ce sens. Quelles influences ont
pu produire chez elle l'ensemble de sentiments et d'idées qui
peuvent le mieux se grouper sous cette appellation de platonisme ;
quelles circonstances expliquent le développement intérieur qui
la conduisit vers le divin philosophe ; jusqu'à quel point a-t-elle
approfondi et pénétré les doctrines de l'Académie, connues év
idemment en plus d'un cas par des intermédiaires qui en avaient
altéré la pureté primitive ; dans quelle mesure leur a-t-elle apporté
son adhésion ; enfin, et surtout, que retrouvons-nous de propre
ment platonicien dans son œuvre littéraire, miroir fidèle de ses
pensées et de ses convictions intimes ? Yoilà autant de questions
qu'il est devenu nécessaire de résoudre, d'autant mieux qu'elles
se lient à plusieurs des côtés les plus délicats et les plus ignorés de
l'histoire de notre Renaissance française. Ce sera l'objet du pré
sent travail.
I.
Vouloir préciser l'origine exacte des conceptions philoso
phiques de l'auteur de Y Heptaméron peut sembler téméraire,
et cela avec d'autant plus de raison que ces se rat
tachent à ce qu'il y eut dans l'ensemble de sa doctrine de plus
subtil, de plus mystérieux et peut-être aussi de plus féminin. Il
n'est pas douteux, en effet, qu'il doit exister plus d'un rapport
entre les sympathies platoniciennes de la reine de Navarre et les
préoccupations d'ordre mystique qui absorbèrent plusieurs années
de sa jeunesse, et qui, après avoir disparu pendant longtemps pour
laisser la place à des convictions plus fermes et mieux définies,
se manifestèrent de nouveau, au cours de ses dernières années,
dans quelques-unes de ses productions littéraires les plus carac
téristiques .
Remarquons tout d'abord que le premier contact de la fille de
Louise de Savoie avec la philosophie antique ne datait pas seul
ement de l'époque de sa maturité intellectuelle. Dès le temps de
son éducation, si nous en croyons un contemporain bien informé,
Charles de Sainte-Marthe, les précepteurs de Marguerite, parmi
lesquels figure au premier rang Robert Hurault, avaient ensei- ET LE PLATONISME DE LA RENAISSANCE. 26Í
gné à leur gracieuse élève les éléments de la philosophie profane.
L' 'Oraison funèbre prononcée par le docte maître des requêtes
de la reine de Navarre fournit à ce sujet un certain nombre de
renseignements précieux : « Et, pour ce que, nous dit-il, par
longue et certaine experience, nous avons aprins la sentence de
Platon es tre vraie, que lors les republiques seront heureuses quand,
ou les philosophes y régneront, ou que les roys et les princes y phi
losopheront, les précepteurs [de Marguerite] luy tenoient tousjours
quelque salutaire propos de philosophie à celle fin que, quand
elle entendroit qu'on doit fuir une belle chose et suivre l'aultre,
elle imprimast en son esprit qu'ainsi le failloit faire, puisque tel
estoit l'advis des philosophes. » Et, plus loin, l'aimable panégyr
iste, dont l'exactitude est attestée par les rapprochements les
plus probants, insiste sur ce même côté de l'éducation intellec
tuelle de la future reine de Navarre : « Les experts et saiges ins
tructeurs de Marguerite luy inculquèrent et meirent en l'esprit
des plus nécessaires préceptes et institutions de philosophie. . . Il ne
fault, toutefois, qu'on pense, quand nous faisons mention de phi
losophie, que nous ne parlons que de celle qui s'aprend es escripts
de Platon et des autres philosophes, car nous entendons aussi de
la philosophie evangelique, qui est la parolle de Dieu, des saincts
et salutaires préceptes de laquelle Marguerite fut, par ses institu
teurs, si bien endoctrinée et instruicte1. .. »
Voilà la caractéristique par excellence de l'auteur des
Prisons, que sa robuste foi religieuse ne ferma jamais au culte
de la nature pas plus qu'aux inspirations de la science profane, et
qui s'efforça toujours, au contraire, de réaliser une harmonieuse
fusion de ces deux éléments. Il paraît que son penchant si peu
dissimulé pour les leçons de la sagesse antique excita contre elle des
critiques malveillantes, voire même les plaisanteries plus ou moins
discrètes de certains milieux rétrogrades. On disait que ce n'étaient
pas là les délassements d'une femme appliquée à ses devoirs et
que la lecture des livres des philosophes, des « auteurs ethniques, »
comme on les appelait alors, ne convenait guère à son sexe. Ce
même reproche, nous l'avons entendu souvent depuis. Observons
seulement que, dès 1549, Sainte-Marthe y faisait la même réponse,
qui a été redite plus d'une fois, de nos jours, dans le débat sans
1. Oraison funèbre de Marguerite de Navarre prononcée par Sainte- Marthe,
p. 41 et 43, t. T de l'éd. de Г Heptaméron de M. de Montaiglon. MARGUERITE DE NAVARRE 262
cesse renaissant dont la haute culture féminine est demeurée l'ob
jet : « ... S'il est ainsi, pourquoy ne sera il donc permis aux
femmes de puiser en la commune fontaine, qui sont les livres, ce
qui leur est commun avec tous les hommes ? Les livres des gentils
et ethniques ont monstre les vertus à nos prédécesseurs ; les sainctes
lettres nous les mettent aussi devant les œils, mais c'est plus per-
fectement que les aultres. Si ceuls qui lisent les philosophes et
regardent les sainctes Escriptures pour y apprendre une intégrité
de mœurs sont de nous estim&

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