Monsieur de La Fontan et les Essais de Montaigne - article ; n°1 ; vol.36, pg 7-26
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 1993 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 7-26
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gabriel-André Pérouse
Monsieur de La Fontan et les Essais de Montaigne
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°36, 1993. pp. 7-26.
Citer ce document / Cite this document :
Pérouse Gabriel-André. Monsieur de La Fontan et les Essais de Montaigne. In: Bulletin de l'Association d'étude sur
l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°36, 1993. pp. 7-26.
doi : 10.3406/rhren.1993.1898
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1993_num_36_1_1898DE LA FONTAN MONSIEUR
ET LES ESSAIS DE MONTAIGNE
Nous avons tenté ailleurs de ressusciter la personnalité, très
effacée, de Monsieur de La Fontan : celle d'un petit-maître qui
cherche à s'introduire auprès des puissants par les ressources de
son bel esprit. Nous nous permettons donc de renvoyer à cette
présentation d'ensemble1. Ce qui nous intéresse aujourd'hui,
c'est de montrer en lui le lecteur et l'imitateur de Montaigne,
pour servir à l'histoire de la première réception des Essais.
Aussi bien, après quelques repères indispensables, on trouvera
ici de brèves données concernant l'esprit de l'imitation et son
contexte, et enfin une liste (provisoire) des emprunts les plus
apparents — avec, à titre d'exemple, l'analyse d'un chapitre où
la dépendance de La Fontan à l'égard de son modèle est
particulièrement spectaculaire.
J. de La Fontan était gascon, peut-être agenais. Il a dû naître
un peu avant 1580 et mourir aux environs de 1635. Il paraît avoir
été quelque temps précepteur dans une puissante famille. Au
moment où il écrit, en quête de quelque emploi, il fréquente la
petite cour de Marguerite de Valois, épouse répudiée d'Henri IV :
enfin autorisée à revenir à Paris, celle-ci tient table ouverte aux
beaux esprits2.
1. « Le petit-maître et Marguerite. Un mot sur le sieur de La Fontan », dans
Actes du Colloque « Marguerite de Valois », Soc. fr. des Seiziémistes, Agen-
Nérac, 1991, à paraître en 1993.
2. Même le prénom de notre auteur est inconnu, à part l'initiale « J ». Dans
l'art, cit. ci-dessus, on trouvera quelques données sur les rapports de La
Fontan avec la Réforme, ainsi qu'une hypothèse biographique que nous
croyons probable. Notre écrivain a dû être un temps au service de la
famille de La Trémouille. Les dédicaces de certains chapitres des Jours et
Nuicts sont peut-être exploitables par les historiens.
RHR36 — Juin 1993 Gabriel- André Pérouse 8
Notre homme n'a, que l'on sache, donné que deux ouvrages,
tous les deux en 1606 : Le triomphe de l'ame sur la sensualité, que
nous nous contenterons ici de citer — et, un peu plus volumineux,
le recueil qu'il intitule Les Jours et les Nuicts de Monsieur de La
Fontan3.
Ce titre a pu faire croire à certains bibliographes qu'il
s'agissait là d'une collection narrative, peut-être plus ou moins
« libre », comme il s'en imprimait depuis les années 1590 :
« Facétieuses Journées », « Matinées », « Après-Disnées »,
« Serées », etc...4 Or, certes, il n'en est rien. C'est un ouvrage
parfaitement sérieux, où La Fontan donne carrière à son esprit
dans les matières de philosophie naturelle et morale. Dans un
désordre cavalier, il nous livre ici les fruits de ses « estudes »
solitaires (les « Nuicts » ?) et ceux qu'il tire — avec un
émerveillement non exempt de flagornerie — des conversations
tenues par la reine Margot et ses convives, puisqu'il a le bonheur
d'y participer (les « Jours » sans doute)5. La Fontan insiste sur
la distinction de ces deux types de chapitres : assez
artificiellement selon nous.
3. Les deux ouvrages paraissent à Paris, chez Charles Sevestre. Les Jours et
les Nuicts comptent 162 ff. in-12 ; le Triomphe (...) 60 + 44 ff. in-12. Nous
signalons aux historiens du genre que ledit Triomphe contient deux
Méditations sur des Psaumes.
4. Ouvrages de genres différents sous ces titres de même famille : les
Facétieuses Journées sont un recueil de nouvelles à l'italienne (compilées
par G. Chappuys) ; les Matinées et les Apres-Disnées (de Cholières) sont
des discours bigarrés, comme aussi les Serées de Guillaume Bouchet. Tous
ces titres apparaissent dans la décennie 1580, ce qui révèle évidemment
une mode. La Fontan peut avoir délibérément choisi un titre archaïsant.
5. Voir p. ex. la dédicace des Jours et Nuicts à la reine Margot, f A viij v° —
et, immédiatement après, la Préface au Lecteur. Voir encore le début du ch.
14, f> 131 et le ch. 2, f° 12 v° (les chapitres des Jours et Nuicts sont
numérotés par nous, l'éd. originale ne leur affectant pas de numéros). M. DE LA FONTAN ET LES ESSAIS DE MONTAIGNE 9
Métaphysique (« l'Idée »), encyclopédie naturaliste (« Des
eaux, des rivieres et des fontaines »), dissertations morales (« Si
les ignorans sont capables d'admiration », « Louange de
i'amitié », « Contre les mesdisans »...), exceptionnellement une
narration romanesque (belle histoire tragique parisienne,
sanglante à souhait) se partagent l'espace — exigu — du texte :
seize chapitres en tout. Rien là, en somme, que de très familier :
c'est l'âge des « Contes et Discours ». Et, dans une telle forme
d'écriture, la tendance à l'« essai » est très repérable chez
plusieurs contemporains6.
Les traces de lectures, notamment montaigniennes,
apparaissent aussi bien dans les chapitres qui sont censés
rapporter fidèlement des conversations que dans les « estudes ».
La cohérence de l'affabulation est très faible, comme celle de la
pensée. Simple exemple de celle-ci : comment La Fontan peut-il
s'afficher philogame avec tant de ferveur, alors qu'il est,
ailleurs, assez platement misogyne ? 7
La Fontan est excessivement maladroit. Il pense que, pour
faire sa cour, il lui faut à tout prix exhiber des textes séduisants,
et il a des doutes (très fondés) sur ses capacités. Il va dont
naturellement chercher appui sur autrui. Par exemple sur
Scipion Dupleix, ainsi qu'il l'avoue, pour une fois
explicitement8. Certainement sur d'autres contemporains que
les érudits repéreront, n'en doutons pas. Et, avec beaucoup plus
d'insistance, sur Montaigne, valeur sûre !
6. Nous nous permettons de renvoyer à notre art. « De Montaigne à
Boccace et de Boccace à Montaigne ; contribution à l'étude de la naissance
de l'essai », dans La Nouvelle française à la Renaissance, études réunies
par Iionello Sozzi, Genève/Paris, Slatkine, 1981, p. 13-40.
7. Opposer, p. ex.; le ch. 5 (« Conseil à un ami de secouer les fers d'une
passion amoureuse »), notamment ff. 35-36, et, au ch. 8 (« Louange de
l'amitié, et blasme de la dissimulation »), le î° 78 r°/v°.
8. Jours etNuicts, ch. 16, ff. 159 v°/160. Notre auteur connaît La Curiosité
naturelle de Dupleix dans l'année même de sa publication. Gabriel- André Pérouse 10
On peut supposer qu'il était très jeune quand il a lu les Essais,
vu leur vivacité dans sa mémoire. Son exemplaire était
antérieur à l'édition de 1595, car il semble bien qu'aucun des
ajouts appartenant à ce que nous appelons la couche « C » des
Essais ne soit repris dans Les Jours et les Nuicts.
Le mot d'« estudes » (« quelques traicts de mes estudes », dit-
il au chapitre 16 et dernier) est visiblement choisi pour éviter
l'impression d'une imitation trop servile — quoique même celui
d'« essai » ne soit pas totalement absent9. Ayant longuement
médité, il veut « dire son opinion », en simplicité et — prétend-
il — sans visée didactique :
Icy le fard de la langue, le discours de l'indiference ne présidera
point : je veux que ce soit une pure meditation de la vie heureuse, un
esprit non qui vueille rechercher l'origine des causes avec subtilté, mais
qui naïvement et sans sophisterie en die son opinion ; qui s'arreste
toutesfois à celle des plus relevez et resveillez que soy10.
Cette profession de foi de l'essayiste va s'assortir
d'émouvantes tentatives pour singer la manière m&

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