Mouvements paysans et réforme agraire - article ; n°5 ; vol.19, pg 982-1017
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Description

Revue française de science politique - Année 1969 - Volume 19 - Numéro 5 - Pages 982-1017
Peasant movements and agrarian reform, by Jean-Pierre Bernard Structure and contingency work together to cause the agrarian crisis to come to a head, but, in the cases studied (Bolivia and Peru), this crisis only leads to the organisation of peasant movements on account of the intervention of political agents who are not of the peasant class, as the interventions of the Bolivian government in 1945 and in 1952, and that of reformist or revolutionary groups in the Peru of 1956 to 1964, clearly show. These observations lead to two complementary hypotheses. First, the strength of the peasant movement depends more on the relative strength of the groups that take if over than on the real nature of the crisis the peasants suffer from. Secondly, the impetus given to the agrarian reform even in these two cases, where the pressure of the peasants was manifest, is essentially the result of politics while the technical content of the reform, if it is real, as it was in Bolivia, is limited by the aspirations of the peasants.
Mouvements paysans et réforme agraire, par Jean-Pierre Bernard Facteurs structurels et conjoncturels combinent leurs effets dans le mûrissement et la manifestation d'une crise agraire, mais, dans les cas étudiés (Bolivie et Pérou), cette crise n'entraîne l'organisation de mouvements paysans que par suite de l'intervention d'agents politiques étrangers au paysannat : celle du gouvernement bolivien, en 1945 puis en 1952, et celle des groupes réformistes ou révolutionnaires dans le Pérou des années 1956 à 1964. Ces observations conduisent à émettre deux hypothèses complémentaires. Il apparaît, d'une part, que la force du mouvement paysan dépend plus étroitement de la force relative des groupes qui le prennent en charge que de la profondeur de la crise dont souffrent les paysans. D'autre part, la vigueur de la réforme agraire mise en branle semble, même dans ces deux cas de pression paysanne évidente, essentiellement déterminée par la politique, alors que son contenu technique, dans le cas d'une réforme réelle telle que la bolivienne, se trouve limité par les aspirations propres aux paysans.
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Pierre Bernard
Mouvements paysans et réforme agraire
In: Revue française de science politique, 19e année, n°5, 1969. pp. 982-1017.
Citer ce document / Cite this document :
Bernard Jean-Pierre. Mouvements paysans et réforme agraire. In: Revue française de science politique, 19e année, n°5, 1969.
pp. 982-1017.
doi : 10.3406/rfsp.1969.418550
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1969_num_19_5_418550Résumé
Mouvements paysans et réforme agraire, par Jean-Pierre Bernard
Facteurs structurels et conjoncturels combinent leurs effets dans le mûrissement et la manifestation
d'une crise agraire, mais, dans les cas étudiés (Bolivie et Pérou), cette crise n'entraîne l'organisation de
mouvements paysans que par suite de l'intervention d'agents politiques étrangers au paysannat : celle
du gouvernement bolivien, en 1945 puis en 1952, et celle des groupes réformistes ou révolutionnaires
dans le Pérou des années 1956 à 1964. Ces observations conduisent à émettre deux hypothèses
complémentaires. Il apparaît, d'une part, que la force du mouvement paysan dépend plus étroitement
de la force relative des groupes qui le prennent en charge que de la profondeur de la crise dont
souffrent les paysans. D'autre part, la vigueur de la réforme agraire mise en branle semble, même dans
ces deux cas de pression paysanne évidente, essentiellement déterminée par la "politique", alors que
son contenu technique, dans le cas d'une réforme réelle telle que la bolivienne, se trouve limité par les
aspirations propres aux paysans.
Abstract
Peasant movements and agrarian reform, by Jean-Pierre Bernard
Structure and contingency work together to cause the agrarian crisis to come to a head, but, in the
cases studied (Bolivia and Peru), this crisis only leads to the organisation of peasant movements on
account of the intervention of political agents who are not of the peasant class, as the interventions of
the Bolivian government in 1945 and in 1952, and that of reformist or revolutionary groups in the Peru of
1956 to 1964, clearly show. These observations lead to two complementary hypotheses. First, the
strength of the peasant movement depends more on the relative strength of the groups that take if over
than on the real nature of the crisis the peasants suffer from. Secondly, the impetus given to the
agrarian reform even in these two cases, where the pressure of the peasants was manifest, is
essentially the result of "politics" while the technical content of the reform, if it is real, as it was in Bolivia,
is limited by the aspirations of the peasants.MOUVEMENTS PAYSANS
ET RÉFORME AGRAIRE
Réflexions sur les cas bolivien et péruvien
JEAN-PIERRE BERNARD
Le but de cette étude est de contribuer à préciser, à partir
d'exemples limités, le rôle et le poids de la paysannerie latino-
américaine dans les mouvements actuels de réforme agraire.
L'Amérique latine présente pour ce genre de recherche un champ à
la fois très riche et très varié. Cependant, bien des moments de l'his
toire agraire et de l'histoire politique de nombreux pays restent encore
assez mal connus. Les lacunes de notre information autant que la
complexité du sujet nous obligent donc à limiter le terrain de cette
première exploration aux deux principaux pays andins à forte popul
ation indigène, la Bolivie et le Pérou, quitte à faire occasionnellement
quelques rapprochements simples avec ce qui s'est passé dans d'autres
nations. C'est indiquer d'emblée la modestie de cet essai d'analyse.
Le sujet pourtant a déjà passionné bien des hommes politiques,
écrivains ou chercheurs. Pour en donner la mesure, il suffit de rap
peler, parmi les thèses en présence, les plus extrêmes : la théorie
du paysannat révolutionnaire, dont la version latino-américaine a
été élaborée dans le sillage de la révolution cubaine, et la doctrine,
fille ou nièce du capitalisme nord-américain, selon laquelle la r
éforme agraire, essentiellement destinée à augmenter la productivité
agricole, est affaire de technique, de capitaux et de plan, c'est-à-dire
une affaire dans laquelle le paysannat, facteur maniable parmi d'autres,
ne joue qu'un rôle assez secondaire. On considère la paysannerie, ici
comme une composante presque mineure et subordonnée, là comme une
force essentielle, voir directrice. Entre ces deux antipodes la diversité
des positions idéologiques ouvre l'éventail de toutes les combinaisons
et de tous les dosages intellectuels. Mais que dit la réalité ?
982 Mouvements paysans et réforme agraire
Sans exclure a priori toute référence aux notions européennes
correspondantes, les termes de « paysan » et de « paysannerie » seront
employés ici comme traduction approximative du terme campesino,
« l'homme des champs », et désigneront donc l'ensemble assez hété
rogène des travailleurs de la terre en Amérique latine 1. Il est inutile
par ailleurs de préciser que cet « ensemble » n'est qu'une catégorie
conceptuelle. L'un des problèmes majeurs de notre étude est justement
de mieux connaître les conditions et les processus par lesquels, éven
tuellement, les paysans peuvent former une catégorie réelle, liée dans
une action, autrement dit une classe sociale susceptible d'intervenir
dans la vie politique d'une nation. Malgré leur nombre, en effet,
statistiquement considérable dans la plupart des pays latino-américains,
les paysans d'ordinaire ne forment en pratique ni un ensemble, ni
même une masse. La dispersion géographique et la faiblesse des
communications n'en sont pas seules responsables, l'organisation
politique en est cause. On peut prétendre même que la fragmentation
et le musellement de la paysannerie d'Amérique latine ont été, sur la
base d'un ordre « colonial », poussés à un degré inconnu ailleurs. A
ce point que la formation et l'intervention d'une « masse » paysanne,
au-delà des limites étroites d'une collectivité rurale déterminée et pour
quelque action que ce fût, ont toujours paru aussitôt constituer un
phénomène politique grave. Elles signifiaient précisément l'irruption
au niveau de la vie publique d'un groupe social normalement relégué
en marge de la politique.
Une telle intervention n'est pas, bien entendu, un acte posé
in vacuo. Elle résulte en fait du jeu antagonique des forces paysannes
avec les différents détenteurs du pouvoir, notables ruraux, gouver
nement ou partis. Il faudrait donc, pour l'analyser parfaitement,
un tableau à deux entrées. Nous nous limiterons à une approche plus
simple, en mettant l'accent sur la paysannerie par rapport au pouvoir.
C'est, d'autre part, un jeu en trois actes. On verra comment, face
à une structure d'autorité donnée, les groupes paysans sont travaillés
par une insatisfaction croissante, comment se cristallise et s'exprime
dans une lutte le refus de la paysannerie, et comment le pouvoir répond
1. Le terme de « cultivateur » implique un statut social d'un certain niveau,
celui d'« agriculteur » évoque en plus l'utilisation de techniques modernes. « Paysan »
a l'avantage d'être un mot plus « archaïque » et de désigner les membres d'une cellule
de production familiale, en grande partie auto-consommatrice. Il faut ajouter qu'en
Amérique latine les « paysans » occupent la majeure partie de leur temps à travailler
directement pour autrui et ne cultivent les parcelles qu'on leur laisse pour subsister
qu'à temps perdu, pour ainsi dire. D'autre part, en beaucoup de régions des Andes,
les « paysans » n'ont guère de contacts avec les centres urbains, même locaux. Il
n'est pas inutile de rappeler ces traits pour mieux cerner la spécificité des paysan
nats bolivien et péruvien à l'époque considérée.
983 Jean-Pierre Bernard
finalement aux aspirations et aux revendications agraires. On étudiera
donc successivement les conditions et la gestation de la crise, puis
son éclatement et son développement, enfin sa solution, provisoire.
I. LA DÉGRADATION DE LA SITUATION PAYSANNE
Quels facteurs obligent les paysans à intervenir dans la vie poli
tique, à entrer nus et désarmés sur cette scène étrangère ? Comment
leur patience ordinaire se change-t-elle en impatience ? Il faut, pour

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