Multilinguisme des Indiens Trumai du Haut-Xingu (Brésil central) - article ; n°18 ; vol.5, pg 78-94
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Multilinguisme des Indiens Trumai du Haut-Xingu (Brésil central) - article ; n°18 ; vol.5, pg 78-94

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Description

Langages - Année 1970 - Volume 5 - Numéro 18 - Pages 78-94
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A. Moxon
Multilinguisme des Indiens Trumai du Haut-Xingu (Brésil central)
In: Langages, 5e année, n°18, 1970. pp. 78-94.
Citer ce document / Cite this document :
Moxon A. Multilinguisme des Indiens Trumai du Haut-Xingu (Brésil central). In: Langages, 5e année, n°18, 1970. pp. 78-94.
doi : 10.3406/lgge.1970.2029
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1970_num_5_18_2029AURORE MONOD
C.N.R.S.
MULTILINGUISME DES INDIENS TRUMAI
DU HAUT-XINGU (BRÉSIL CENTRAL)
Le travail de terrain que j'ai effectué en 1966 portait sur la description
d'une langue isolée, le Trumai, encore non décrite jusqu'à présent. Partant méconnaissance totale de la langue, il fallait éprouver une à une toutes
les démarches de découverte et de description utilisées. Les erreurs de
décryptage, reconnues par la suite, étaient dues aux postulats de plus en plus
compréhensifs mis en jeu dans l'apprentissage et la systématisation de cette
langue. Loin d'être innocents, ils prenaient dans un réseau d'implications
extrêmement fortes la matière en analyse. Deux d'entre eux bloquaient un
certain nombre de problèmes : envisager comme naturelle une sépara
tion de la langue maternelle et des autres langues; et aussi ignorer à la
fonction attribuée à la langue et aux langues par ces cultures. Le dommage
portait sur la compréhension, à tous les niveaux, du maniement quotidien
de plusieurs langues par les Indiens. On peut appeler cela « problèmes du
sens », ou problèmes de la « traduction, » et montrer comment la situation
culturelle et linguistique des Trumai en a suggéré une approche particulière,
en faisant du multilinguisme indigène, non plus seulement un objet d'étude,
mais une méthode de recherche ethnolinguistique.
I. — Les Trumai.
A. Situation, géographique et culturelle.
Les Indiens Trumai habitent la région du Haut-Xingu (55-52° long,
ouest, 12-14° lat. sud), forêt sèche intermédiaire entre l'Amazonie et le
plateau du Matto Grosso, parcourue par les rivières formatrices du rio
Xingu. Administrativement, une partie de ce territoire est interdite aux
Blancs (22.000 km2) : c'est le « Parque nacionál do Alto Xingu ». Les Trumai
font partie d'un ensemble de 14 tribus parlant des langues de 6 familles
linguistiques différentes mais représentant un type culturel commun. En
effet, les populations du Haut-Xingu, d'origines très diverses, ont formé
avec le temps une aire culturelle homogène, mettant fin à leur migration
dans ce territoire reculé, protégé — par ses conditions naturelles — , et
accueillant car riche d'animaux, de poissons, d'oiseaux de terre et d'eau,
et de plantes nourricières, médicinales et technologiques. Grâce à ce condi- 79
tionnement favorable et par le moyen des échanges nécessaires entre tribus,
il s'est produit une acculturation interethnique tout à fait profonde *. Au
moment des premières pénétrations de cette région par von den Steinen en
1870 et 1884, les tribus donnaient déjà l'impression d'une seule « société »,
selon l'expression de Buell Quain 2 un demi-siècle plus tard : mêmes outils;
manioc, pêche et collecte pour l'alimentation; habitat identique sous forme
de grandes maisons collectives; fêtes communes; croyances inséparables.
Dans la partie méridionale du Parque, nommée « aire du Uluri » par l'a
nthropologue E. Galvâo 3, qui est la plus homogène, les différences portent
sur les degrés les plus superficiels des faits. La partie septentrionale est un
peu plus diversifiée, avec des groupes d'histoires sensiblement différentes,
tels les Kajabi — longs contacts avec les Blancs — , les Txukahamâe
— groupe Gê très récemment sédentarisé — , les Juruna — aux contacts
intermittents avec les Blancs — , les Suj as — de culture méridionale.
B. Histoire des Trumai.
L'histoire de la région, comme l'histoire de ces tribus qui la peuplèrent
au cours des années, est mal connue. On n'a le détail des mouvements tr
ibaux que depuis les voyages de Steinen. Des temps qui précèdent, les
auteurs ne savent presque rien; ceux qui ont mentionné ce point pensent
que les premiers occupants ou arrivants étaient des Arawak (groupe Waura);
puis vinrent les Garibes, et relativement récemment, les Tupi. Les derniers
venus furent les Trumai, qui s'engagèrent dans le Xingu il y a cent cinquante
ans environ. Pour ce qui en est connu, voici l'itinéraire trumai tel qu'il a été
reconstitué par Galvâo et Simoës d'après les sources peu nombreuses mais
pourtant souvent contradictoires qu'ils ont pu consulter 4 (en insistant non
pas sur la localisation qui demanderait une carte trop chargée pour cette
publication, mais sur les voisinages linguistiques, intéressant directement
le sujet traité) :
1. E. Galvâo, Cultura e sistema de parentesco das tribos do Alto Rio Xingu, Boletim
do museu nacionál, nova série, Rio de Janeiro Antropologia, n° 14, octubro 1953.
2. Murphy et B. Quain, The Trumai Indians of central Brazil, New York, 1955.
3. E. Galvâo, Apuntamentos sobre os Indios Kamajura, Museu nacionál, Rio de
Janeiro, 1949.
4. E. Mudança e sobrevivência no Alto Xingu, Rev. de Antropologia,
vol. 14 (1966), Sâo Paulo. 80
Langues voisines Auteurs Date Localisation
Steinen 1887 Rive droite du Culuene. Tupi (les Trumai
fuyant avec les
Aweti les attaques
Suja).
Meyer 1896 Sur le Culuene. Tupi, Caribe, Arawak. 1899 Chez les Meinaques. Arawak.
Affluent de la rive gauche du Culi- Schmidt 1901
seiu, entre les villages Meinaque
et Nahuqua.
Hintermann et A côté des Nahuqua. Caribe. 1924
Vasconcellos
1931 Entre les villages Meinaque et Petrullo Arawak, Caribe.
Nahuqua.
Sur la rive droite du bas Culuene. Quain 1938 Tupi, Arawak, Caribe. le bas Culuene, à peu près à Galvâo et Simôes 1952
l'endroit signalé par von den
Steinen.
Galvâo et Simôes 1966 Sur le Suja Missu, depuis 1960 Tupi, Gê, Juruna.
viron.
C. Acculturation.
On perçoit par cette courte histoire comment s'est faite l'acculturation
interethnique : des contacts longs, répétés et nécessaires ont contribué [à
créer un vaste système d'échange de biens matériels, de femmes, de céré
monies. Un trait réputé commun à toutes les situations d'acculturation est
qu'il n'y a jamais « remplacement de l'élément x d'une culture A par un
élément y d'une culture B, mais « modification » et « élargissement » des
interprétations 5 : dans le Xingu, on voit sur le vif de tels processus, dans
tous les domaines. Nous en citerons trois exemples :
— Dans le domaine de la parenté, nomenclatures et attitudes du sys
tème de l'allié étranger sont utilisées pour composer une mesure commune
qui ne bloque pas le jeu des mariages diffus entre les quinze tribus : une
femme trumai ayant épousé un Suja appelait « mon frère » et « ma sœur »
les frères et sœurs de son mari, contrairement au système d'appellation
trumai — qui enjoint le silence à leur égard — , mais selon le système prati
qué par les Suj as. Au niveau des unions possibles ultérieurement, on ne
pouvait épouser ces frères et sœurs-là, mais d'autres mariages conséquents
étaient ouverts.
— Tabous linguistiques : une des femmes trumai ne pouvait prononcer
le nom commun trumai de l'éventail à feu parce que le nom Kamajura de
sa belle-fille, à qui elle ne pouvait s'adresser, voulait dire «éventail à feu».
— Dans les systèmes linguistiques en présence, se sont formées peu à
peu, au sein de chaque langue, des polysémies non plus chronologiques, mais
cumulatives : le mot recouvre désormais une catégorie d'objets ou de pen
sées d'une langue, associée avec des catégories qui peuvent être seulement
« proches » et non « identiques » dans une autre langue.
Traçons, pour terminer ce point, le tableau des divisions culturelles et
linguistiques des tribus du Haut- Xingu, pour nous apercevoir que les divi-
5. E. Ponzo, Acculturazione dei popoli primitivi, Roma, 1965. 81
sions ne coïncident pas. A la famille linguistique Tupi correspondent deux
manifestations culturelles assez différentes — Kajabi du Nord et Kamajura
du Sud — , et à l'aire culturelle du Uluri, définie ci-dessus, correspondent

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