Mythes et archives  - article ; n°1 ; vol.87, pg 215-245
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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 2000 - Volume 87 - Numéro 1 - Pages 215-245
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Henri Chambert-Loir
Mythes et archives
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 87 N°1, 2000. pp. 215-245.
Citer ce document / Cite this document :
Chambert-Loir Henri. Mythes et archives . In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 87 N°1, 2000. pp. 215-245.
doi : 10.3406/befeo.2000.3477
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_2000_num_87_1_3477Abstract
Henri Chambert-Loir
Myths and Archives
Indonesian historiography seen from Bima
Bima, a small kingdom in the Lesser Sunda Islands, owes its commercial activity that flourished around
the fifteenth century and its significant contacts with Javanese, Malay and Makassarese (South
Sulawesi) cultures, to its geographical situation on the maritime road from Melaka to the Moluccas. After
its conversion to Islam at the beginning of the seventeenth century and subsequently its relative
isolation due to the seizing of control of the region by the Dutch some fifty years later (1667), Bima
developed a multifarious historiographical literature aimed at asserting the history of the nation and
legitimising its centralised government. The four known types of historiography (Nusantarian, Javanese,
Malay, and Makassarese) did not replace each other ; on the contrary, they became accumulated and
intertwined over the centuries. Bima's case shows that totally different modes of thought (conceptions of
the world, of the supernatural world, and of one's relation to time and history) can coexist in the
mentalities of one society. It also provides an example of the interaction of Indonesian literary traditions,
which should indeed be studied not separately but as a whole.
Résumé
Henri Chambert-Loir
Mythes et archives
L'historiographie indonésienne vue de Bima Bima, petit royaume des îles de la Sonde, doit à sa
situation sur la route maritime de Melaka aux Moluques un commerce florissant aux alentours du XVe
siècle, ainsi que des contacts déterminants avec les cultures javanaise, malaise et makassaraise
(Célèbes-Sud). Après sa conversion à l'islam au début du XVIIe siècle et son relatif isolement
consécutif à la prise de contrôle de la région par les Hollandais cinquante ans plus tard (1667), Bima
développa une littérature historiographique multiforme destinée à affirmer une identité nationale et à
légitimer un pouvoir centralisé. Les quatre formes d'historiographie connues (nousantarienne,
javanaise, malaise et makassaraise) ne se sont pas substituées l'une à l'autre ; elles se sont au
contraire accumulées et interpénétrées au cours des siècles. Le cas de Bima montre que des modes de
pensée (conceptions du monde, de l'au-delà et du rapport au temps et à l'histoire) complètement
différents peuvent coexister dans les mentalités d'une société. Il offre également un exemple de
l'interaction des diverses traditions littéraires indonésiennes, qui gagneraient à être étudiées comme un
ensemble.Mythes et archives
L'historiographie indonésienne vue de Bima
Henri Chambert-Loir
Diversité de l'historiographie indonésienne
Au sein des littératures d'Indonésie, les textes historiques ne constituent pas une
catégorie distincte : ils appartiennent aux belles lettres tout autant qu'à l'histoire. Un grand
nombre d'entre eux sont en vers ; un grand nombre également mêle sans discrimination
évidente des éléments mythiques, légendaires et historiques. Les aborder comme de pures
sources d'informations historiques revient donc à en négliger une bonne part et à se priver
d'un outil important d'interprétation, dans la mesure où les conventions propres aux divers
genres littéraires conditionnent le choix, la présentation et le contenu de l'information
historique. Cette information, par ailleurs, est importante pour notre compréhension de la
société qui l'a produite, quand bien même il est démontré qu'elle est fausse. À l'intérieur
d'une œuvre littéraire malaise ou javanaise, par exemple, les éléments auxquels nous
attribuons une valeur différente selon un critère de véracité ne peuvent être dissociés sans
perdre le sens que leur donne leur juxtaposition.
La question de l'interprétation de ces textes a été très tôt formulée. Le désappoin
tement des historiens néerlandais face à des documents qu'ils voulaient considérer comme
des sources historiques, mais desquels ils ne pouvaient extraire des informations dignes de
foi, se traduisit par une attitude méfiante, souvent aussi condescendante. Il semblait
impossible de trier le vrai du faux ; ces textes étaient par conséquent inutiles ; ils étaient le
produit d'une mentalité illogique et naïve. Attitude exprimée dès 1850 par un savant
qualifiant le texte javanais qu'il publiait de « produit original de la fantaisie (la fiction ?)
javanaise, sans autre fondement que les souvenirs confus de différentes périodes de
l'histoire » '. À la même époque, un autre savant s'excusait en ces termes de résumer un
texte malais : « J'espère seulement que personne parmi mes lecteurs ne s'irritera des
contes de fées extravagants avec lesquels je suis obligé de commencer mon histoire, parce
que, dans l'état présent de nos connaissances, il n'est pas possible de tracer la frontière où
le mythe fait place à l'histoire»2. Des remarques de cette veine sont extrêmement
fréquentes jusqu'à une période très récente, bien que, dès 1888, C. Snouck Hurgronje ait
mis en garde contre l'erreur qui consiste à aborder les textes historiographiques
indonésiens avec un regard critique totalement étranger à leur nature. Encore ne plaidait-il
que pour la valeur de ce que les historiens avaient tendance à tenir pour fiction, sans y voir
lui-même plus que de la fiction propre à des « peuples puérils » et sans proposer de méthode
1. A. B. Cohen Stuart à propos de la Serai baron Sakender, cité par Brakel (1980 : 36).
2. P. J. Veth en 1854 à du royaume de Sukadana à Borneo, cité par Ras (1968 : 12).
Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, 87 (2000), p. 215-245 216 Henri Chambert-Loir
d'investigation : « Le passé se reflète différemment dans l'imagination d'un peuple puéril
et dans l'esprit de l'historien. Lorsqu'il veut mettre ses traditions par écrit, ce a peu
de ressources 3 » .
Depuis lors, la compréhension de ces textes a considérablement progressé au fur et à
mesure que les éditions et les études se multipliaient. Au bon sens et à l'érudition, ainsi
qu'à la plus grande accessibilité des sources, s'est ajouté le perfectionnement des
méthodes d'analyse. Plusieurs approches ont été successivement proposées sans jamais,
bien entendu, supplanter les précédentes. Les méthodes avancées ont été plus ou moins
acceptées, rejetées, ignorées ou débattues ; elles se sont rarement combinées pour produire
l'étude globale d'un texte, prenant en compte tous ses aspects, alors même que tout le
monde semble s'accorder à penser qu'il n'est pas d'autre moyen de parvenir à une
compréhension du texte dans sa totalité et dans la multiplicité de ses composantes.
L'étude des textes historiques, principalement javanais et malais, a d'abord été le fait
des philologues et des historiens. С. С. Berg est le promoteur d'une analyse en profondeur
des textes javanais, dont le but n'est pas de rechercher des informations factuelles, mais de
comprendre la fonction, et notamment la fonction magique, de ces textes 4. Les études de
l'historiographie indonésienne ont leur propre histoire, dont la bibliographie est
aujourd'hui importante. On trouvera des exposés de synthèse dans les ouvrages de
Soedjatmoko et al, éd. (1965), Cowan & Wolters, éd. (1976) et Reid & Marr, éd. (1979),
ainsi que dans un article de Brakel (1980). Je ne donnerai ici que les références des
publications que je serai amené à citer.
La tradition de l'étude historique des textes javanais s'est poursuivie jusqu'à nos jours,
et la chose est vraie des textes malais également, illustrée par un grand nombre de
savants ; le plus productif, à l'heure actuelle, est sans aucun doute M. С Ricklefs, dont la
réflexion se trouve publiée dans quelques articles de synthèse (e.a. 1976, 1987) et dans des
éditions et analyses de textes

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