Nature et culture de la pudeur et de la parure - article ; n°1 ; vol.46, pg 7-29
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Description

Communications - Année 1987 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 7-29
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Marie Vidal
Nature et culture de la pudeur et de la parure
In: Communications, 46, 1987. pp. 7-29.
Citer ce document / Cite this document :
Vidal Jean-Marie. Nature et culture de la pudeur et de la parure. In: Communications, 46, 1987. pp. 7-29.
doi : 10.3406/comm.1987.1684
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1987_num_46_1_1684Jean- Marie Vidal
L'en-deçà du « stade du miroir »
nature et culture
de la pudeur et de la parure
« Nous nous sommes interrogés, très naïvement, sur l'existence d'une
pudeur animale — qu'en pensez-vous ?» Telle est la question que
les instigateurs de cette confrontation sur le thème « Parure, pudeur
et étiquette » ont adressée à un collègue qui, ne sachant comment
la prendre de son point de vue d'éthologiste, a préféré me la trans
mettre.
Seules les questions non naïves — celles que l'on apprend à ne poser
qu'après avoir envisagé les réponses possibles — trouvent parfois une
réponse satisfaisante. Je me servirai néanmoins de cette question
comme prétexte à poursuivre mes précédentes tentatives d'exploitation
des discordances entre les données et théories éthologiques et anthropol
ogiques (Vidal 1985, 1987) ; discordances susceptibles de questionner
chacune de ces disciplines sur la cohérence interne de ses propositions
et de ses projets d'explication. Mais, de plus, de telles discordances
peuvent servir de point d'appui pour reformuler cette fameuse Conti
nuité/Discontinuité entre comportements animaux et conduites
humaines, aujourd'hui aussi énigmatique qu'à l'époque de Darwin.
Je recenserai tout d'abord certains indices qui témoignent du repli,
voire de l'échec, des projets éthologiques visant à expliquer tout ou
partie des conduites humaines par l'analyse « objectiviste » des seuls
comportements observables et par la recherche d'homologies évoluti
ves dans les comportements de nos « frères inférieurs », sous formes
d'ébauches ou d'« archétypes ». L'absence de tels archétypes d'une
pudeur ou d'une parure animale ne constitue alors qu'un exemple d'un
tel échec.
Dans un deuxième temps je dégagerai quelques-unes des interroga
tions que l'éthologie peut adresser en retour à certaines conceptions
anthropologiques, aujourd'hui admises, qui invoquent des concepts, à Jean-Marie Vidal
connotation biologique et génétique, comme point d'articulation/rup
ture de l'homme vis-à-vis de l'animal et du psychique vis-à-vis du
biologique. Ainsi la prématurité, la néotênie, la discordance primordiale,
la différence des sexes, la sexualité précoce..., ou quelque structure
mentale universelle de la pensée, sont parfois considérées à l'origine de
pulsions somato-psychiques, d'un narcissisme primaire, d'un stade du
miroir..., lesquels seraient eux-mêmes originaires ou « matrice » d'un
interdit de l'inceste et de cette dimension symbolique qui constitue notre
spécificité fondamentale. Sous le terme de « biologique », que les anthro
pologues prennent abusivement alors comme entité, le plan éthologique
chez l'animal est réduit à une manifestation simple et directe de sa
physiologie. Du même coup, l'émergence chez l'homme d'un psychisme,
en rupture radicale avec sa « biologie », est renvoyée à ce même plan
d'une physiologie spécifiquement humaine. Les physiologistes,
n'agréant pas cette conception discontinuiste de leur propre champ
d'investigation, ont alors beau jeu de maintenir leur rêve d'explications
« psychobiologiques » exhaustives. Ici, l'éthologie peut d'une part sou
ligner l'échec de l'anthropologie structurale à faire l'économie de
concepts biologiques ; elle peut d'autre part pointer le simplisme de ces et de la réduction physiologisante qu'ils impliquent. Sur ce
point, les anthropologues paraissent bien s'accorder au fond avec les
physiologistes, au-delà des oppositions affichées. En effet, ils ramènent la
rupture entre comportements animaux et conduites humaines à une
différence de nature physiologique — laquelle serait à la fois cause
immédiate des animaux et cause médiate d'une émer
gence d'un psychisme humain qui, seul, échapperait à son substrat.
Enfin, à l'intention de ceux qui trouveraient quelque intérêt à ce jeu
interdisciplinaire de « tirs croisés » — à mon avis plus pertinent
qu'une quelconque tentative de syncrétisme « psychobiologique » — ,
j'exposerai, pour cible à leurs critiques, mes propositions d'articulation
de la pudeur et de la parure humaines à cette dimension symbolique
dont les conditions d'émergence restent à définir plutôt qu'à masquer
par des concepts désuets et inadéquats.
A son origine, le projet d'« éthologie humaine » prétendait ne tenir
compte que des seuls observables dans les conduites humaines pour les
ramener à des comportements gestuels et les analyser avec les seuls
concepts de l'éthologie animale. Or, au cours de ces dernières années,
un tel projet paraît s'être confronté à ses propres limites. Ainsi, dans
les Animal Behaviour Abstracts, où figurent tous les titres et résumés Nature et culture de la pudeur et de la parure
des travaux publiés dans le monde sur le thème du comportement : en
1976 près de 150 publications concernaient le humain,
en 1981 il n'en restait que 40, et pour ces trois dernières années il n'y
en a plus aucune. Les références de l'ethologie humaine ne sont plus
liées à celle de l'ethologie animale. C'est-à-dire que le développement
même de cette problématique « objectiviste » dans l'approche des
conduites humaines a contribué à accentuer sa propre démarcation
vis-à-vis de l'ethologie animale dont elle ne voulait être qu'une exten
sion au plus évolué des animaux.
Par ailleurs, au seul plan des observables, le développement des
études sur le comportement des animaux infrahumains aboutit, lui, à
souligner chaque jour, mieux encore que par le passé, l'absence
d'observables équivalents ou seulement comparables à ceux des êtres
humains. Ainsi, malgré les souhaits formulés par de nombreux étho-
logistes, aucune étude n'a. pu décrire, chez des animaux de quelque
espèce que ce soit et se comportant dans leur cadre naturel, un système
d'échange d'informations qui soit comparable au système symbolique.
Certes, il a été possible de dresser des chimpanzés à manier des symb
oles, et nous tenterons de dégager l'intérêt de ces recherches ; mais,
compte tenu des conditions hautement artificielles dans lesquelles ces
dressages ont été obtenus, ils corroborent, plutôt qu'ils n'infirment,
l'absence de langage spontanément utilisé chez nos frères inférieurs.
Plus encore, on n'observe pas chez les animaux d'équivalents de ce
que plusieurs auteurs considèrent comme prémices de cette même
dimension symbolique — telles les conduites attenantes à l'« objet
transitionnel » (Winnicott), ou liées au « stade du miroir » (Lacan
1949). On ne trouve pas, non plus, de pathologie animale assimilable à
une névrose et, encore moins, à une psychose, fût-elle supposée établie
précocement, avant l'âge normal d'accès au symbolique, comme c'est
le cas pour la psychose « autistique infantile ». Les troubles provoqués
chez les animaux de laboratoire, parfois désignés « névroses expéri
mentales », résultent de traumatismes réels, distincts des facteurs
pathogènes repérables dans le monde symbolique d'un névrosé, et les
symptômes par lesquels les animaux et les humains se montrent per
turbés sont nettement distinguables (Cosnier).
Ainsi, l'absence d'une pudeur et d'une parure animales ne constitue
qu'un exemple à articuler à d'autres absences, notamment celle de
repères symboliques structurants dans les comportements des ani
maux. Ici, la catégorie pertinente est celle du registre symbolique, dont
le langage verbal explicite ne représente qu'une partie, au même titre
que d'autres procédés gestuels, implicites

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