Noël de Fribois et la loi salique. - article ; n°1 ; vol.151, pg 5-36
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1993 - Volume 151 - Numéro 1 - Pages 5-36
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pr. Kathleen Daly
Ralph E. Giesey
Noël de Fribois et la loi salique.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1993, tome 151, livraison 1. pp. 5-36.
Citer ce document / Cite this document :
Daly Kathleen, Giesey Ralph E. Noël de Fribois et la loi salique. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1993, tome 151,
livraison 1. pp. 5-36.
doi : 10.3406/bec.1993.450682
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1993_num_151_1_450682DE FRIBOIS ET LA LOI SALIQUE NOËL
par
Kathleen DALY et Ralph E. GIESEY
« Loi salique : dans l'usage archaïque, et encore aujourd'hui en langage
courant, prétendue loi fondamentale de la monarchie française qui excluait
les femmes de la succession à la couronne; d'où, en général, loi excluant
les de la dynastique » {Oxford English Dictionary, s. v.
« Salie »).
Cette définition, qui offre un bon résumé du savoir conventionnel, con
tourne élégamment les problèmes qui préoccupent les historiens. Il est vrai
en effet qu'on a soutenu que la loi salique était une « loi fondamentale »,
mais à strictement parler cela ne s'est produit qu'au XVIe siècle, lorsque
l'expression « loi fondamentale » est entrée dans le lexique de la jurispru
dence française. La vraie « loi salique », l'originelle, était l'un des nom
breux codes barbares, traitant exclusivement de droit privé, qui furent comp
ilés vers le VIIe siècle. Or, dans le vaste code des Francs Saliens, il se
trouve un article qui stipule que les femmes ne peuvent hériter d'aucune
portion de la « terre salienne ». Bien des siècles plus tard, on en vint à
transformer cet échantillon des coutumes barbares en une loi gouvernant la
succession au trône de France.
On a pu établir fermement les limites temporelles dans lesquelles se fit
cette transformation. La Lex salica demeura en vigueur tout au long de
l'époque carolingienne, après quoi elle tomba en désuétude. Cependant,
comme elle était conservée dans de nombreux manuscrits, on pouvait,
lorsque s'élevait un problème juridique épineux, y recourir pour y retrou
ver le droit du « bon vieux temps ». C'est ce qui se produisit au cours du
long débat qui s'ouvrit en 1328, après la mort du roi Charles IV, entre la
France et l'Angleterre à propos du droit de succession à la couronne de
France.
Charles IV, dernier des trois fils de Philippe le Bel qui s'étaient succédé
sur le trône de 1316 à 1328, laissait comme plus proche parent mâle un
neveu, fils de sa sœur Isabelle, le roi d'Angleterre Edouard III. Une assem
blée de barons, peu disposés à voir le roi d'Angleterre devenir roi
de France, accorda la couronne à Philippe de Valois, qui était, après
Edouard III, le plus proche parent mâle du roi défunt.
Bibliothèque de l'École des chartes, t. 151, 1993. KATHLEEN DALY ET RALPH E. GIESEY 6
Les arguments juridiques qu'on avançait pour exclure le roi d'Angleterre
n'étaient pas déraisonnables. « Femme ne succède pas au royaume de
France » : on l'avait énoncé comme une règle lors des règnes des deux
frères aînés du roi Charles IV, dont les seuls héritiers survivants, des filles,
avaient par deux fois été écartées au profit du frère du roi défunt. Cepend
ant, lorsque Charles IV mourut en 1328, il n'avait ni fils ni frère pour lui
succéder, mais seulement une fille. Pas plus que les filles de roi récemment
écartées, cette fille ne pouvait succéder au trône, et personne ne le pro
posa; or, s'il n'était pas permis à une fille de roi d'hériter de la couronne,
ce devait l'être encore moins à une sœur, ce qui éliminait Isabelle, sœur
de Charles IV ; et si Isabelle était écartée, son fils, le roi d'Angleterre
Edouard III, l'était aussi; du moins, c'est ainsi que les barons en jugèrent.
Les liens de Philippe de Valois avec la famille royale ne souffraient pas
d'une telle faiblesse : il lui était apparenté par les mâles, par son père. En
tout cas, il y a une chose dont nous sommes sûrs : la loi salique ne joua
aucun rôle dans le débat de 1328. Et si, dans les années qui suivirent,
Edouard III n'avait pas contesté l'accession des Valois, on n'a pas de rai
son de croire que la loi salique aurait jamais été associée au droit de succes
sion au trône de France. Mais Edouard prit les armes et combattit les Valois
dans cette guerre qu'on appela plus tard la guerre de Cent ans, si bien que
le débat sur le droit de succession, le casus belli théorique, fut sans cesse
ranimé par le conflit. En gros on peut dire qu'à mesure que la succession
de 1328 s'enfonçait dans la mémoire historique, la réflexion et les ratioci
nations sur l'adage « femme ne succède pas » se faisaient plus élaborées.
Cependant, il faut attendre 1389 pour trouver une preuve incontestable
(quelques lignes dans un document diplomatique) que l'article de la loi
salique stipulant que la terre doit « venir au sexe viril » a pénétré le discours
sur la succession royale de 1328.
C'est au XVe siècle qu'émerge et se développe pleinement le mythe de la
loi salique, mythe fabriqué, à en juger par les témoignages qui nous restent,
par quatre auteurs. Deux d'entre eux, Jean de Montreuil et Jean-Juvénal
des Ursins, sont bien connus. Un troisième, dont l'identité n'a pas été éta
blie, doit sa célébrité à l'œuvre qui s'intitule Grand traité de la loy salique.
Sur Noël de Fribois, dernier membre de ce quatuor, et sur son œuvre on
sait peu de choses, et c'est justement cette situation que le présent article
souhaite améliorer.
On trouvera notre principale contribution dans l'appendice ci-dessous : il
s'agit d'une édition critique de l'exposition de la loi salique selon Fribois,
tirée de son Abrégé des chroniques de France. Mais avant même d'en propos
er une analyse détaillée, il convient de brosser le tableau de son contexte,
rappeler les concepts proposés par les trois autres protagonistes de la NOËL DE FRIBOIS ET LA LOI SALIQUE 7
loi salique et esquisser une brève étude de Noël de Fribois, l'homme et
l'œuvre 1.
I
Depuis près d'un siècle, les historiens savent que le lien supposé entre
l'ancienne loi salique et l'accession de la dynastie des Valois en 1328 est
certainement un mythe historiographique : l'absence totale de références à
cette loi dans les sources contemporaines de l'événement en est une preuve
suffisante2. Et pourtant, telle a été la popularité de ce mythe qu'on le
retrouve encore aujourd'hui dans certains manuels. Ceux qui veulent y
croire ont beau jeu de dire que l'absence de textes ne prouve pas que les
textes n'ont jamais existé : un seul manuscrit retrouvé, et tout le paysage
pourrait changer. Certes. Mais il y a quelque naïveté à conserver cet espoir
alors qu'on peut montrer toutes les difficultés que rencontrent une série de
quatre auteurs écrivant un siècle après l'événement, pour se convaincre,
dans le silence compact des témoignages, que la loi salique a joué un rôle
capital dans l'accession des Valois. Passant en revue ces quatre auteurs
l'un après l'autre, nous voyons l'histoire se déployer en l'espace de cin
quante ans. Cependant, il se trouve que trois de ces quatre auteurs, Jean de
Montreuil, Jean-Juvénal des Ursins et Noël de Fribois, sont revenus à plus
d'une reprise sur la question de la loi salique. Outre qu'on voit les idées
évoluer de l'un à l'autre, on voit aussi ces auteurs changer d'avis au fil de
leur existence.
Jean de Montreuil (mort en 1418), qui joua un rôle important dans les
débuts de l'humanisme en France, est le père du mythe de la loi salique
dans la littérature 3. Il est possible que dès 1389 il ait eu connaissance de la
1. L'effort conjoint qui a abouti au présent article reflète les différentes approches de cha
cun des auteurs. Kathleen Daly a beaucoup écrit sur Fribois, en particulier sa dissertation
(PhD, Oxford, 1983) : The Miroir historial abrégé de France and C'est chose profitable; a
study of two XVth century French historical texts and their context (de cette dernière œuvre,
encore appelée Abrégé des chroniques d

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